En pleine crise du 737 MAX, Dave Calhoun, le patron de Boeing annonce qu'il va quitter le navire

Censé redresser Boeing après la crise du 737 MAX, Dave Calhoun s'apprête à laisser les rênes du constructeur américain, suite à une nouvelle crise du 737 MAX. Le directeur général du groupe tiendra la barre jusqu'à la fin de l'année, avant de passer la main.
Léo Barnier
David Calhoun devait rétablir la confiance dans Boeing.
David Calhoun devait rétablir la confiance dans Boeing. (Crédits : Reuters)

C'est un coup de tonnerre qui vient de retentir chez Boeing. Dave Calhoun, directeur général de Boeing, a annoncé ce lundi qu'il quitterait ses fonctions à la fin de l'année 2024. Arrivé à la tête de l'avionneur américain en 2020 pour redresser la barre après les deux dramatiques accidents du 737 MAX et les graves dysfonctionnements mis en lumière par cette affaire, le dirigeant de 66 ans annonce son départ alors que sa société est à nouveau en pleine tourmente. Il affronte depuis janvier les conséquences de la porte arrachée sur un vol Alaska Airlines, qui a révélé d'importants problèmes dans la maîtrise de la qualité dans ses processus industriels, notamment sur le 737 MAX.

« Je réfléchis depuis un certain temps, en concertation avec notre conseil d'administration, au moment opportun pour une transition de la direction de Boeing », a déclaré Dave Calhoun, directeur général de Boeing, dans un courrier aux salariés pour annoncer son départ.

Lire aussiBoeing 737 MAX : anatomie d'une (re) chute

Le dirigeant a assuré à ses salariés qu'il allait poursuivre sa tâche jusqu'au bout. Il a ainsi affirmé qu'il n'aura « le sentiment que le voyage a été correctement achevé que lorsque nous aurons terminé le travail que nous avons à faire ». « Nous allons réparer ce qui ne fonctionne pas et nous allons remettre notre entreprise sur la voie du redressement et de la stabilité », a-t-il ajouté.

Lire aussiBoeing dit ne pas avoir la documentation concernant les travaux sur la porte du 737 MAX-9 qui s'est arrachée en plein vol

Grand ménage

Ce coup de tonnerre s'apparente même à un tremblement de terre. Outre Dave Calhoun, Boeing annonce le départ de Larry Kellner, président du conseil d'administration indépendant, en poste depuis fin 2019. Il sera remplacé par Steve Mollenkopf.

Enfin, Stan Deal, directeur général de Boeing Commercial Airplanes - la principale division du constructeur, chargée des avions commerciaux - prend sa retraite après 38 ans passés au sein du constructeur américain. Il est remplacé avec effet immédiat par Stephanie Pope. Une décision qui apparaît donc précipitée, d'autant que cette dernière a été nommée il y a à peine deux mois comme directrice des opérations de Boeing. Auparavant, elle occupait la tête de Boeing Global Services, l'une des trois grandes divisions du groupe.

Lire aussi737 MAX : empêtré dans ses problèmes de qualité, Boeing renonce à monter les cadences de production

D'une crise à l'autre

Lors de l'arrivée de Dave Calhoun à la tête de Boeing en janvier 2020, en remplacement de Dennis Muilenburg, l'avionneur traverse l'une des plus graves crises de son histoire : le 737 MAX, son best-seller, a connu deux crashs mortels qui ont fait 346 victimes. La flotte est clouée au sol depuis bientôt un an et l'enquête dévoile l'implication du système d'augmentation des caractéristiques de manœuvre (MCAS), sur lequel Boeing est resté très discret auprès des autorités de certification américaines (FAA) pour éviter d'alourdir les procédures de certification et de formation. Les relations entre le régulateur et le constructeur sont aussi pointées du doigt, notamment en raison de l'importance des délégations d'autorité accordées par la FAA à Boeing dans le processus de certification. Chaque nouvel élément tend à mettre en avant une dérive de la culture d'entreprise, notamment en termes de sécurité.

Dave Calhoun appelle donc le groupe à être « humble » et « transparent » afin de retrouver la confiance des passagers. Une ligne qu'il s'évertue à maintenir tout au long des quatre années passées à la tête du groupe. En juin 2023, il parle encore d'un « combat de tous les jours ». Il estime alors que le travail n'est pas fini et qu'avion après avion, sa compagnie s'oblige à livrer des modèles parfaits pour regagner la confiance de chacun. « C'est ainsi que l'on doit avancer », a-t-il affirmé. Il cherche avant tout à stabiliser la production dans le contexte de reprise post-Covid, alors que toute l'industrie aéronautique se relève doucement de ce choc sans précédent. Les cadences remontent très progressivement, encore loin des rythmes connus avant les deux accidents.

Lire aussiBoeing : les livraisons de 737 MAX s'effondrent en février, avec seulement 17 appareils

De belles intentions mises à mal

Le patron de Boeing ne se doute alors pas de ce qui l'attend à partir de l'été, malgré les perturbations connues par l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement aéronautique et les difficultés à répétition connues depuis des années par Spirit Aerosystems, l'un de ses principaux sous-traitants. En août, une malfaçon est découverte sur la cloison de pressurisation de certains 737 MAX, et oblige Boeing à revoir ses prévisions de livraisons à la baisse. En décembre, un risque de boulon desserré pousse la FAA a demandé des vérifications. Et en janvier dernier, Boeing fait de nouveau la une de l'actualité mondiale après la perte d'un bouchon de porte d'un 737 MAX 9 d'Alaska Airlines.

Si l'avion arrive à se poser sans plus d'encombres, l'enquête puis un audit de la FAA montrent des « problèmes systémiques de contrôle qualité ». Une cinquantaine de recommandations sont émises par le régulateur qui exige des actions immédiates de la part de Boeing. De fait, l'avionneur gèle sa montée en cadence et se penche sur le rachat de Spirit Aerosystems, dix ans après l'avoir externalisé.

Lire aussiBoeing prêt à racheter son sous-traitant Spirit pour tenter de mettre fin aux déboires du 737 MAX

Garder la ligne malgré tout

C'est sans doute la turbulence de trop pour Dave Calhoun comme pour Stan Deal, lui aussi nommé à la tête de Boeing Commercial Aircraft suite aux accidents des 737 MAX de Lion Air et d'Ethiopian Airlines. Ed Clark, directeur général du programme 737, avait déjà été poussé vers la sortie fin février. Dans un courrier adressé aujourd'hui aux salariés, Dave Calhoun reconnaît que « l'accident du vol 1282 d'Alaska Airlines a marqué un tournant pour Boeing ».

Malgré cela, Dave Calhoun reste encore fidèle à sa ligne établie en 2020.

« Nous devons continuer à répondre à cet accident avec humilité et en toute transparence. Nous devons également inculquer un engagement total en faveur de la sécurité et de la qualité à tous les niveaux de notre entreprise. Le monde entier a les yeux rivés sur nous, et je sais que nous sortirons grandis de cette épreuve, forts de tous les enseignements que nous avons accumulés en travaillant ensemble à la reconstruction de Boeing au cours des dernières années », a affirmé le futur ex-patron de Boeing à ses employés.

Léo Barnier

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 8
à écrit le 26/03/2024 à 9:01
Signaler
Principe de Peter... et PAN ! Et dire que ce 737 max a été conçu comme un avion très économique en réduisant fortement les études de la cellule, seules les moteurs étaient nouveaux. Trop gros d'ailleurs pour cet avion ras du sol, avion Frankenstei...

à écrit le 26/03/2024 à 8:46
Signaler
Il y a 15 ans, Boeing a décidé de sortir la plupart de ses usines de son bilan, et a créé Spirit Aerosystems pour sous-traiter l'essentiel de ses fabrications, et ne garder que l'assemblage des avions en interne. Au nom d'une brillante stratégie "ass...

à écrit le 25/03/2024 à 23:13
Signaler
Le mythe du Grand Patron... Au final, un homme qui une fois arrivé tout en haut ne peut dissimuler son incompétence. Pourtant, certains nous affirment que le secteur privé est synonyme de réussite, de bonne gestion et d'ascension par le travail et le...

à écrit le 25/03/2024 à 19:24
Signaler
La future concurrence à Airbus s'appelle... Comac !

à écrit le 25/03/2024 à 19:15
Signaler
Vous avez oublié:"une affaire de meurtre qui pue." Je pense que ça va pas aider, c'était n'importe quoi.

à écrit le 25/03/2024 à 18:56
Signaler
Good riddance! Reste à savoir si le conseil d'administration de Boeing va une nouvelle fois parachuter avec golden hello un autre requin de la finance pour le remplacer.

à écrit le 25/03/2024 à 18:44
Signaler
Les rats quittent le navire, la situation doit être encore pire que ce qu'on peut imaginer. Boeing ne semble pas sorti des ennuis. Avec un constructeur dans le brouillard la fourniture de nouveaux appareils aux compagnies va être salement perturb...

à écrit le 25/03/2024 à 16:12
Signaler
S'il n'y a plus de pilote dans l'avion, ça va inquiéter les clients (compagnies et passagers). Les avions perdaient une roue, une porte, maintenant c'est le patron. Rien ne va plus. :-)

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.