Spatial : avec "France relance", la France gomme en partie son échec de Séville face à l'Allemagne

Le gouvernement français rebooste la filière spatiale en injectant plus de 500 millions d'euros de financements supplémentaires. Une façon de gommer en partie l'échec cuisant de la conférence ministérielle de l'ESA en novembre dernier.
Michel Cabirol
Il est urgent de mettre en place un soutien dédié à la filière, selon le gouvernement.
"Il est urgent de mettre en place un soutien dédié à la filière", selon le gouvernement. (Crédits : NASA NASA)

La filière spatiale française reprend de l'altitude. Le changement de tutelle de la filière spatiale, passée cet été du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche à celui de l'Économie, a permis semble-t-il d'obtenir des marges financières qu'il y a peu de temps encore plus aucun industriel n'espérait vraiment. Le gouvernement a sorti son "chéquier" pour soutenir la filière spatiale française en difficulté après la crise sanitaire. Ce soutien, qui passe entre autre par le financement de la recherche duale, représente dans le cadre du plan "France relance" présenté jeudi dernier par le Premier ministre Jean Castex, une enveloppe de 515 millions d'euros, dont 365 millions pour la période 2021-2022 financés intégralement par le plan de relance de l'Union européenne.

"Un soutien spécifique au secteur spatial doit permettre de redynamiser les entreprises du secteur sinistrées par la crise, d'investir dans l'innovation et d'améliorer leur compétitivité", a précisé le gouvernement dans son dossier de presse. "Il est urgent de mettre en place un soutien dédié à la filière".

MESRI contre Bercy

Pourtant, au début de l'été, rien n'était gagné. Le ministère de l'Enseignement supérieur (MESRI) en charge de l'espace, bataillait contre Bercy pour faire accepter un plan de relance en faveur de la filière spatiale. Enjeu, une rallonge budgétaire de plus de 200 millions d'euros sur deux ans (2021-2022). Bercy, qui lorgnait sur le spatial depuis plusieurs mois, ne jouait pas franchement le jeu avec le MESRI. La filière, dont une grande partie des industriels était déjà prête à s'offrir à Bercy, attendait désespérément un dénouement.

Tout était bloqué... mais l'arrivée en juillet du nouveau gouvernement Castex a entériné la victoire de Bercy sur le MESRI. En prenant la gouvernance de la filière spatiale, le ministre Bruno le Maire, qui s'est toujours intéressé au spatial depuis son arrivée à Bercy, a donc mis naturellement la filière spatiale sur l'orbite de "France relance" et lui a octroyé plus de 500 millions d'euros de crédits supplémentaires. Ce qui est "urgent" de mettre en place un plan de soutien pour la filière spatiale ne l'était pas forcément au début de l'été...

Copernicus : la part du lion pour l'Allemagne

Ce plan de relance dans la filière spatiale gomme également en partie l'échec de la France à la dernière conférence ministérielle de l'espace de Séville, qui a vu l'Allemagne prendre le leadership spatial en Europe. Fin novembre, Berlin avait alors affirmé son ambition spatiale en devenant le premier contributeur au budget de l'agence spatiale européenne (ESA) à la surprise de la France. Berlin signait un chèque incroyable de 3,29 milliards d'euros. Loin, très loin devant la France (2,6 milliards).

Premier résultat de ce leadership, les industriels allemands se sont taillés cet été la part du lion dans le partage du grand programme européen Copernicus en obtenant 792 millions d'euros de retours industriels, loin devant la France (540 millions), l'Italie (485 millions), l'Espagne (252 millions) et la Grande-Bretagne (118 millions), selon nos informations.

Soutien à la trésorerie des entreprises

Le plan de relance français en faveur du spatial est classique. Il est constitué d'un premier volet de soutien en trésorerie et en fonds propres afin d'aider dès septembre les entreprises du secteur (maîtres d'oeuvre, équipementiers et PME) à faire face à leurs difficultés financières, en mobilisant à la fois des crédits nouveaux et des dispositifs existants.

Un second volet vise à stimuler la recherche et l'innovation des entreprises du spatial, dont la capacité d'autofinancement a été réduite par la crise sanitaire, pour des projets industriels en France. Ce volet a pour objectif d'améliorer la compétitivité de la filière, à maintenir les compétences critiques en France, et à les accompagner vers la transition numérique et environnementale, l'axe du plan "France relance". Avec l'espoir (?) de relocaliser des projets d'ampleur sur le sol français.

ArianeGroup pilote un projet de production d'hydrogène

Dans ce cadre, il est notamment prévu un projet industriel d'unité de production d'hydrogène vert dès 2020 ou début 2021 sur le site d'ArianeGroup à Vernon. Les travaux pour la production d'hydrogène pourrait débuter dès septembre. Il est également prévu de financer des projets permettant de maintenir les compétences critiques comme dans les métiers des télécoms avec le développement de charges utiles flexibles permettant d'adapter le débit en fonction des zones couvertes, de terminaux grand public pour les zones blanches ou encore des communications par laser ou encore dans les métiers de l'optique avec le polissage rapide des miroirs, l'optique adaptative ou les nouvelles technologies de vérification optique au sol.

En outre, le gouvernement souhaite préparer dès 2021 les technologies et les compétences industrielles nécessaires pour les futures capacités spatiales civiles et militaires en France (télécoms, observation, surveillance de l'espace). Cette mesure va faire l'objet d'une subvention au CNES (127,7 millions d'euros) permettant la réalisation d'actions immédiates et la mise en place de nouveaux projets, parmi les plus prioritaires. Le CNES financera les programmes Castor (prochaine génération de charges utiles des satellites de communication très haut débit), CO3D, une constellation de quatre satellites pour l'observation de la Terre, NESS, un programme de surveillance de l'utilisation du spectre électromagnétique.

Enfin, le CNES développera également de nouvelles compétences dans des filières d'avenir : surveillance de l'espace (YODA), développement des nanosatellites (Kineis), maintien en condition opérationnelle de satellites en orbite, traitements automatisés de données en grand volume, en ayant recours à l'intelligence artificielle (IA). Des mesures qui pourraient propulser la filière spatiale française sur une orbite géostationnaire.

Michel Cabirol

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Commentaires 4
à écrit le 08/09/2020 à 7:14
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Il y a un mois on la disait au fond du trou... noir .

à écrit le 07/09/2020 à 9:27
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Oui il faut relancer la filière aérospatiale et le spatial en France et en Europe. Il faut aussi que l'on puisse envoyer des hommes et des femmes dans 'l'espace depuis ariane 6 vers l' iss. Oui c'est un impératif technologique. Techniquement on sait ...

le 07/09/2020 à 11:00
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Autant il est nécessaire de garantir un accès à l'espace pour des services et des engins robotiques autant envoyer des hommes ne sert strictement à rien sauf à de la communication. Le budget consacré par la France à l'ISS est un gouffre totalement in...

à écrit le 07/09/2020 à 8:35
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Tandis que l'UE devait régler tous nos problèmes elle n'en a en réalité fait qu'en rajouter encore plus vu que maintenant faut ramer dans tous les domaines histoire de ne pas avoir l'air trop ridicule, plus que nos pauvres vieilles nations en déclin ...

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