Spatial : psychodrame autour d'un mini plan de relance

Le ministère de l'Enseignement supérieur, en charge de l'espace, bataille pour faire accepter un plan de relance en faveur de la filière spatiale. Bercy n'est pas convaincu. Enjeu : une rallonge budgétaire de plus de 200 millions d'euros sur deux ans (2021-2022).
Michel Cabirol
La filière spatiale française attend encore désespérément sur le pas de tir son plan de relance.
La filière spatiale française attend encore désespérément sur le pas de tir son plan de relance. (Crédits : Nasa Johnson (Flickr, CC BY-NC-ND 2.0))

Psychodrame dans la filière spatiale, qui n'a pas eu encore son plan de relance. La ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (MESRI), en charge du spatial, Frédérique Vidal, et le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, s'opposent depuis quelques semaines sur le lancement d'un éventuel plan de relance dans le spatial, selon plusieurs sources industrielles concordantes. La filière spatiale a déjà raté une fenêtre de tir avec le plan de relance dans l'aéronautique annoncé en grande pompe il y a deux semaines. Un volet spatial était envisagé mais cela a fait un pschitt intersidéral... alors que le plan de relance dans le spatial était prêt, confirment plusieurs sources. "Ce plan de relance, c'est un bide", lâche-t-on même au sein du ministère des Armées.

Pourtant Frédérique Vidal ne demandait vraiment pas la lune à Bercy. Selon nos informations, les discussions portaient sur une enveloppe budgétaire de 300 millions d'euros supplémentaires au niveau national sur la période 2021-2022 pour un secteur considéré il y a peu de temps encore comme stratégique. Le projet n'est toutefois pas abandonné, les discussions se poursuivent. Elles devraient jouer les prolongations tout au long de l'été et atterrir probablement à l'automne, explique-t-on à La Tribune. Mais rien n'est encore acquis.

"Nous sommes conscients que le secteur spatial est actuellement confronté à de vraies difficultés. Il faut aider les industriels dans le cadre d'une stratégie de relance globale. On a travaillé au sein du Cospace (instance où se réunissent le MESRI, Bercy, le ministère des Armées, le CNES et les industriels, ndlr) sur de vrais projets porteurs d'avenir pour la filière", explique-t-on au MESRI.

Un peu plus de 200 millions en jeu

Aussi, la filière spatiale attend aujourd'hui encore désespérément sur le pas de tir. Si elle est beaucoup moins touchée par la crise du Covid-19 que l'aéronautique, certaines sociétés du secteur pourraient toutefois perdre "jusqu'à un quart de leur chiffre d'affaires", explique-t-on à La Tribune. Notamment celles qui exportent beaucoup : les bons clients de l'industrie spatiale tricolore, notamment au Proche et Moyen-Orient, reportent leurs commandes en raison de la baisse de leurs ressources pétrolières et gazières. Dans ce contexte, la filière spatiale attend donc beaucoup du rendez-vous prévu ce mardi entre Frédérique Vidal et Gérald Darmanin pour discuter du prochain budget de son ministère.

La ministre, qui se sent plus attendue sur les dossiers de l'enseignement supérieur (crise du Covid-19, rentrée 2020...) et de la recherche, devrait toutefois en profiter pour glisser une demande de rallonge budgétaire pour le spatial au ministre du Budget. Elle serait revue à la baisse par rapport aux prétentions initiales. Soit un peu plus de 200 millions d'euros supplémentaires sur deux ans (2021-2022) pour abonder notamment le programme budgétaire 193 (recherche spatiale). Or, jusqu'ici le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, qui n'est pas convaincu par un plan de relance dans le secteur spatial, a bloqué le projet, selon plusieurs sources concordantes. Au-delà, il semblerait qu'entre les deux ministères, il y ait également un enjeu de gouvernance sur la filière, qui parasite leurs relations. Des tiraillements qui ont commencé avant la conférence ministérielle de l'Agence spatiale européenne (ESA), qui s'est tenue fin novembre 2019 à Séville.

Des projet de R&D visés

Pourtant ces crédits iraient aux PME du secteur mais pas exclusivement. Les équipementiers et les grands maîtres d'œuvre ne seraient pas oubliés. Avec cette rallonge budgétaire, on souhaite au MESRI essentiellement investir dans "des projets de R&D porteurs d'avenir" pour maintenir sur le long terme la compétitivité de l'industrie française. Des programmes comme le moteur Prometheus, du futur lanceur Themis (des briques technologiques), les nanosatellites et bien d'autres encore comme tout ce qui tourne autour de l'hydrogène bénéficieraient de cette rallonge budgétaire. La protection de la base industrielle et technologique de la filière menacée par d'éventuels prédateurs étrangers fait également partie des objectifs de ce plan de relance.

La filière a toutefois déjà bénéficié, à l'image de toutes les entreprises françaises, des mesures d'urgence comme les mesures de chômage partiel et des prêts garantis par l'État (PGE) pour éviter un effondrement du tissu économique. Le ministère des Armées, qui est un client important pour l'industrie spatiale, est éventuellement prêt à prendre le relais pour protéger des entreprises en grande difficulté. Le CNES a déjà quant à lui paré au plus urgent en anticipant des commandes et en payant de manière accélérée pour éviter les ruptures de trésorerie des entreprises dans le domaine spatial, voire des faillites.

Enfin, la filière peut compter sur une enveloppe financière de 14,4 milliards d'euros obtenue lors de la conférence ministérielle de l'ESA, qui s'est tenue fin novembre à Séville. Pour autant, il n'est pas sûr que tous les pays à l'image de l'Italie fortement ébranlée par la crise du Covid-19 (contribution de 2,3 milliards d'euros), puissent entièrement respecter leurs engagements financiers. Le conseil de l'ESA, qui se réunit ce mardi et mercredi, y verra plus clair à l'issue de cette réunion. C'est bien pour cela qu'au MESRI, "on pense qu'il faut encore aller au-delà" ...

Michel Cabirol

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Commentaires 11
à écrit le 23/06/2020 à 17:35
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Pour ceux qui aiment l'espace regarder la chronique le mardi et jeudi d'Hugo Lisoir sur youtube.

à écrit le 23/06/2020 à 17:18
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La dépendance a l espace c' est 15% du PIB européen, heureusement que nous autres ingénieurs ne flirtons pas avec le niveau de qi certains cités précédemment ! L Europe est entrain de se laisser distancer après avoir été leader commercialement et tec...

le 23/06/2020 à 18:39
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"La dépendance a l espace c' est 15% du PIB européen" ah bon, pourriez vous nous donner vos sources? Il faudrait comprendre que le budget du spatial est supérieur au budget de la défense? Vraiment?

le 23/06/2020 à 18:59
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Allez travailler aux USA si vous n'êtes pas satisfait du keynésianisme ! En ce moment ils ont besoin de monde, et comme vous n'êtes pas latino... vous avez vos chances.

le 25/06/2020 à 13:57
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'La dépendance a l espace c' est 15% du PIB européen' Merci de citer vos sources, ce chiffre dépassant allégrement la part du PIB dévolue à la défense....

à écrit le 23/06/2020 à 13:29
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quelle idée saugrenue de mettre le spatial dans le giron de l'enseignement supérieur !!

à écrit le 23/06/2020 à 13:09
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La terre, c'est mieux quand on la regarde d'en bas. D'en haut, c'est cher et trompeur.

à écrit le 23/06/2020 à 8:46
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Depuis 1969, à savoir maintenant plus de 50 ans, alors que nous sommes parvenus à nous poser sur la lune depuis nous ne savons que faire des photographies d'astronautes dans l'espace. 50 ans les gars alors que les progrès informatique ont été multipl...

à écrit le 23/06/2020 à 6:26
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Ah, les fameux "plans de relance" : Le Keynésianisme, héritage du 20eme siècle. Cette pensée magique, qu'en "amorçant" l'économie avec quelques billets, on va comme par magie "relancer" l'économie. Hélas, on est au 21eme siècle maintenant, ça ne marc...

le 23/06/2020 à 9:14
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"Les billets ne font plus boule de neige." Oui oui voilà c'est ça mais cause toujours quand même puisque ça fait plus de 20 ans qu'on nous dit ça et ça fait plus de 20 ans que ça continue tranquillement sans que la fin du monde financier n'arrive...

le 23/06/2020 à 13:31
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Faux et archi-faux. La crise de la Covid a justement démontré la justesse du Keynesianisme : c'est justement la multitude des plans de relance qui a permis de limiter la casse. Sans cette manne financière, point de salaire maintenu même en cas de c...

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