Lors de sa dernière session avant les élections fédérales, le 23 juin dernier, la commission budgétaire du Bundestag a approuvé le financement pour 27 programmes d'armement pour un volume total de près de 20 milliards d'euros (soit 18,29 milliards d'euros, dont 4,46 milliards pour le SCAF sur la période 2021-2027). Sur l'ensemble de ces projets, on constate que les programmes en coopération avec la France font partie d'une des priorités de l'Allemagne mais ne sont pas LA priorité de Berlin contrairement à Paris, qui a quant à elle souhaité se lier à la vie, à la mort à son partenaire allemand. Les Allemands ont d'ailleurs préféré financer principalement des programmes nationaux au profit de leur industrie de l'armement en y injectant une très grande partie de l'enveloppe approuvée par le Bundestag.
Résultat, sur l'ensemble des programmes lancés en coopération en juillet 2017 lors du conseil franco-allemand entre Emmanuel Macron et Angela Merkel, seuls l'Eurodrone (drone MALE européen avec l'Allemagne, l'Espagne, la France et l'Italie) et le SCAF (Système de combat aérien du futur : Allemagne, Espagne et France) ont obtenu le feu vert de la commission des finances du parlement allemand, respectivement en avril et en juin. Un feu vert qui reste toutefois conditionnel concernant la phase 2 du SCAF (démonstrateurs).
Des programmes qui restent à quai
Les autres programmes, pourtant tous validés par Berlin et Paris en juillet 2017, comme le Tigre Mark 3 (modernisation de l'hélicoptère de combat), MAWS (avions de patrouille maritime) et le MGCS (char du futur) restent donc à quai comme prévu avec des fortunes très diverses. L'Allemagne était déjà descendue en 2018 du programme de missile tactique franco-allemand MAST-F destiné à armer les hélicoptères Tigre allemands et français. MAWS semble suivre le même chemin. Il ressemble de plus en plus à un programme mort-né avec la décision de l'Allemagne de s'offrir cinq avions P-8A Poseidon de Boeing pour 1,43 milliard d'euros.
Le Tigre Mark 3 est quant à lui dans un no man's land très inquiétant en raison de la position extrêmement ambiguë des Allemands vis-à-vis de cet hélicoptère, un des programmes mal-aimés outre-Rhin. D'ailleurs, Airbus Helicopters se prépare à tous les scénarios pour lancer la modernisation du Tigre, dont l'armée de Terre a vraiment besoin de cet appareil considéré comme l'ange-gardien sur les théâtres d'opérations. Enfin, le MGCS (Main Ground Combat System), qui a été longuement bloqué par Rheinmetall, devrait quant à lui se poursuivre grâce à la bienveillance et la volonté du Bundestag. Mais les parlementaires allemands ont rappelé la décision de février 2020 dans laquelle ils exigent que les deux projets SCAF et MGCS soient liés et avancent simultanément.
Réarmement de la marine, avec des U-212 hors de prix
Autre constat, la marine allemande se taille la part du lion sur les 18 milliards avec plus de 7,2 milliards d'euros acceptés (soit près du 40% du total). La commission des finances a approuvé deux grands programmes pour la Deutsche Marine, qui va acheter trois bâtiments SIGINT (renseignement d'origine électromagnétique) de la classe 424 à Lürssen pour 2,1 milliards d'euros. Elle a également approuvé l'achat de radars pour la défense ATBM (238 millions d'euros) pour les frégates de défense aérienne F-124 classe Sachsen et le remplacement des radars et des capacités de lutte anti-sous-marine (482 millions d'euros) pour les frégates F-123 de la classe Brandenburg. La marine allemande a par ailleurs l'autorisation de s'offrir deux pétroliers ravitailleurs de la classe 707 pour 914,3 millions d'euros.
En coopération avec la Norvège, la marine allemande va également acquérir deux sous-marins U-212 C/D pour la somme incroyable élevée de 2,79 milliards d'euros. Un devis qui n'a cessé de gonfler au point qu'il a doublé passant de 1,35 milliard, puis 2,5 milliards à 2,79 milliards. En outre, dans le cadre de cette coopération avec Oslo, Berlin va financer (512,2 millions) une nouvelle version du NSM (Kongsberg) en devenant un missile à changement de milieu. Soit un missile concurrent de ceux de MBDA et concurrent de ceux que propose la France à l'export.
Capacité SIGINT pour l'armée de l'air
Outre l'achat des cinq Poseidon, l'armée de l'air allemande va par ailleurs acquérir via le programme Pegasus, une capacité SIGINT (système de surveillance aéroportée persistante) pour un montant de 866 millions d'euros. Hensoldt sera chargé de fournir des capteurs et de l'équipement de mission, tandis que Lufthansa Technik modifiera trois biréacteurs d'affaires Bombardier Global 6000. En outre, la commission des finances a autorisé la fourniture d'un accès sécurisé aux capacités de transport aérien stratégique pour les années 2022 à 2026 (SALIS). Enfin, l'armée de terre va pouvoir relancer le programme Puma avec la modernisation de 150 véhicules de combat d'infanterie au standard technique de véhicules opérationnels de l'OTAN (Very High Readiness Joint Task Force). Coût : 1,9 milliard d'euros dans les caisses de Krauss-Maffei Wegmann et Rheinmetall.
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