Lors d'un Comité ministériel d'investissement (CMI), qui s'est déroulé fin février, le ministère des Armées a arbitré en faveur d'un porte-avions de nouvelle génération (PANG) de 70.000/75.000 tonnes doté d'une propulsion nucléaire plutôt que classique, selon des sources concordantes. C'est ce que la ministre Florence Parly recommande au président de la République, qui tranchera en juin à l'occasion d'un conseil de Défense.
"Sur le porte-avions de nouvelle génération, nous sommes prêts, a confirmé lundi à l'occasion de son audition à l'Assemblée nationale la ministre des Armées, interrogée par le député LREM du Finistère, Didier Le Gac. Nous avons finalisé les travaux que nous devions finaliser, pour permettre une décision. Et donc les arbitrages devraient être rendus dans le calendrier, qui avait été initialement fixé".
L'option nucléaire revient de très loin
L'option nucléaire revient de loin, de très loin. Car elle n'était vraiment pas dans les projets d'une partie du cabinet de Florence Parly et de la DGA (Direction générale de l'armement), qui penchaient il y a 2,5 ans pour une propulsion classique. "Au départ, on ne regardait même pas l'option nucléaire, explique-t-on une source proche du dossier à La Tribune. Les instructions de départ étaient d'expliquer que le nucléaire allait prendre 15 ans de plus et que cette option compliquée. Alors que si la marine veut un nouveau porte-avions très, très vite, il vaut mieux qu'il soit classique. C'était l'état d'esprit au départ".
Le porte-avions sera également nettement plus massif que le Charles-de-Gaulle (42.500 tonnes à pleine charge) pour pouvoir accueillir sur son pont le futur avion de combat européen (NGF), qui pèsera plus de 30 tonnes (contre 25 tonnes maximum au Rafale) et est développé dans le cadre du Système de combat aérien du futur (SCAF). Soit une hausse de son tonnage de plus de 60%. Le ministère des Armées a toutefois souhaité mettre un terme aux surenchères des marins, qui imaginaient déjà un porte-avions deux fois plus massifs que le Charles-de-Gaulle.
Une deuxième étape
Ce sera la deuxième étape pour le programme PANG. En octobre 2018, la ministre des Armées Florence Parly avait annoncé une phase d'étude de 18 mois, d'un montant de 40 millions d'euros. Remise en début d'année, cette étude a permis de déterminer ce que souhaite faire la France et comment elle souhaite le faire. Notamment elle doit permettre d'établir l'architecture du futur porte-avions, et de poser les bases de l'organisation industrielle nécessaire pour le bâtir dans les délais et les coûts. "Nous devons prévoir une admission au service actif du premier porte-avions de nouvelle génération en 2038", avait précisé en octobre dernier le chef d'état-major de la marine, l'amiral Christophe Prazuck lors d'une audition au Sénat.
"Le Charles-de-Gaulle arrivera alors en fin de vie, quarante ans après que ses chaufferies nucléaires auront été mises en fonction. Il est possible que l'on soit dans l'obligation technique de le retirer du service actif à cette date", avait alors expliqué l'amiral Christophe Prazuck.
Propulsion nucléaire
"Une propulsion nucléaire présente par ailleurs des avantages indéniables en termes d'emploi et d'autonomie", avait également rappelé le chef d'état-major de la marine. La propulsion nucléaire a toujours gardé les faveurs des marins en dépit d'un coût plus élevé par rapport à une propulsion classique. "Nous regardons également, ce sera une des conséquences, la problématique du coût par rapport à un porte-avions classique", avait pour sa part expliqué en novembre au Sénat l'ancien directeur des applications militaires du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA-DAM), François Geleznikoff. Il avait précisé que le CEA-DAM travaillait "sur l'option nucléaire avec pour objectifs de montrer que nous sommes capables dans les délais et pour les performances de propulsion, de le faire conformément à ce qui nous est demandé, aux spécifications".
Le choix d'une propulsion nucléaire pour le PANG participe à l'enjeu de pérennisation des savoir-faire en matière de propulsion navale nucléaire en vue de concevoir et fabriquer une nouvelle chaufferie. Des compétences pointues regroupées autour d'une population restreinte de moins de 2.500 personnes chez Naval Group, TechnicAtome et au CEA-DAM. "En ce qui concerne les compétences relatives au réacteur nucléaire, nous avons effectivement besoin d'une autre conception de réacteur sur le futur porte-avions pour régénérer ces compétences de conception pour les chaufferies nucléaires embarquées du futur", avait confirmé François Geleznikoff. Le CEA-DAM travaille actuellement sur l'entretien des chaufferies des quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE), des six sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) et sur les deux chaufferies du porte-avions Charles-de-Gaulle.
De nouvelles catapultes
Les études ont également permis de définir les contraintes d'intégration de nouvelles technologies, notamment dans le domaine des catapultes et des dispositifs d'appontage. Comment faire pour catapulter le NGF ? Il existe déjà des catapultes à énergie électromagnétique utilisées par les porte-avions américains et en passe de l'être par les porte-avions chinois. "Ces catapultes, qui mesurent 90 mètres de long, permettent de catapulter des avions très lourds, d'une trentaine de tonnes, en n'éprouvant pas trop leur structure, mais aussi des objets beaucoup plus petits, comme des drones", avait souligné l'amiral Christophe Prazuck. Car le vrai chemin critique du PANG passe surtout par les catapultes électromagnétiques, qui seront vraisemblablement américaines. Et la propulsion nucléaire y contribue.
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