Moteurs du futur : CFM International mise toujours sur Rise et l'open fan pour séduire Airbus et Boeing

A quoi ressembleront les avions moyen-courriers du futur ? Peut-être plus à un turbopropulseur à hélice qu'à un jet à réaction. C'est en tout cas le pari des motoristes Safran Aircraft Engines et GE Aerospace, à travers leur joint-venture CFM International, qui continuent d'avancer sur leur concept d'open fan. Le programme de démonstration Rise est ainsi en pleine phase d'essais dans la toujours impressionnante soufflerie de l'Onera à Modane.
Léo Barnier
La maquette du moteur open fan Rise de CFM International installée dans la soufflerie S1MA de l'Onera à Modane.
La maquette du moteur open fan Rise de CFM International installée dans la soufflerie S1MA de l'Onera à Modane. (Crédits : Safran / R. Alary)

Si un certain scepticisme pouvait poindre il y a quelques temps encore quant à la pertinence d'un moteur de nouvelle génération, avec une soufflante non carénée (open fan), comme un futur concret pour les moteurs d'avions commerciaux, CFM International entend bien lever tous les doutes. Et pour cause, le motoriste franco-américain, coentreprise entre Safran Aircraft Engines et GE Aerospace, continue de poser les jalons de son programme de démonstration Rise, héritier du concept open rotor resté au stade des essais au sol (en 2017), et qui doit préfigurer les moteurs de la prochaine génération d'avions moyen-courriers qui entreront en service à l'horizon 2035.

Côté français, Safran Aircraft Engines vient de dévoiler une campagne d'essais à haute vitesse dans la grande soufflerie S1MA de l'Onera à Modane. Lancée l'an dernier, elle doit durer jusqu'au printemps prochain.

Cette campagne s'appuie sur un démonstrateur au 1/5e baptisé ECOENGInE. Avec 200 heures d'essais au programme, elle doit permettre à Safran Aircraft Engines de continuer à faire monter en maturité le concept d'architecture de soufflante non carénée. Les essais en cours doivent permettre au motoriste, avec l'appui des équipes de l'Onera, de tester les performances aérodynamiques de cette configuration. Le futur moteur qui dérivera de Rise devra consommer 20 % de moins de carburant qu'un moteur Leap actuel, selon Eric Dalbiès, directeur stratégie, R&T et innovation du groupe Safran et Pierre Cottenceau, directeur technique et R&T de Safran Aircraft Engines. Les performances acoustiques sont aussi étudiées. Celles-ci seront déterminantes, car il s'agit de faire au moins aussi bien en termes d'empreinte sonore que le Leap et d'anticiper de futures réglementations plus restrictives. Le tout sans l'atténuation offerte jusque-là par le carénage de la soufflante.

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Hélice impressionnante

Au contraire d'un turboréacteur classique, avec des aubes de soufflante (la grande hélice à l'avant du moteur) intégrées dans un carter, le concept d'open fan s'appuie sur des aubes à l'air libre, sans carénage donc. Cela permet notamment d'avoir un diamètre de soufflante bien plus important, tout en réduisant la traînée aérodynamique du moteur, et donc d'optimiser ses performances. Le futur démonstrateur Rise, qui doit faire des essais au sol puis en vol entre 2025 et 2027, affichera ainsi un diamètre de l'ordre de 4 mètres, deux fois plus important que le Leap. Il tournera également trois à quatre fois plus lentement que celui-ci. « Ce qui est le plus efficace, c'est une grande hélice qui tourne lentement », explique Pierre Cottenceau. Cette soufflante est complétée par un redresseur de flux, c'est-à-dire des aubes statiques placées juste derrière pour réorienter le flux d'air. Ces deux rangées d'aubes seront équipées d'un pas, qui leur donnera la possibilité de pivoter sur elles-mêmes en fonction de phases de vol. En inversant le pas, et donc en repoussant l'air vers l'avant, elles feront même office d'inverseurs de poussée pour freiner après l'atterrissage.

A l'inverse, la partie arrière du moteur avec le compresseur et la turbine à gaz sont au contraire réduits, avec un flux d'air moins important. Cela permettra de passer d'un taux de dilution (différence entre le flux d'air généré par la soufflante, qui génère 90 % de la poussée, et le flux passant par la chambre de combustion) de 1:10 sur le Leap à 1:50 environ. Ce qui contribuera à améliorer le rendement propulsif.

Selon le motoriste, cette architecture novatrice pourrait générer un gain de consommation de carburant significatif. Il pourrait représenter les deux tiers environ des 20 % de réduction de consommation attendus entre la génération actuelle du Leap et le futur open fan. Les gains restants proviendront du reste du moteur, avec des matériaux plus légers et permettant des températures plus élevées donc une meilleure combustion, ainsi que l'introduction d'innovations comme l'hybridation électrique qui permettra de réguler la puissance dans certaines phases de vol spécifiques. Avec un moteur pleinement compatible avec les carburants d'aviation durables (SAF), Pierre Cottenceau annonce un potentiel de réduction des émissions de CO2 de l'ordre de 80 %, mais aussi une baisse des émissions non CO2 comme les NOx, les particules et les imbrûlés. Il indique également que ce type d'architecture open fan pourra aussi, à terme, être adaptée pour intégrer de l'hydrogène.

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Futur moyen-courrier

Toutes ces recherches doivent permettre de préparer au mieux le lancement d'un futur programme industriel, subséquemment à la décision d'un avionneur - au premier chef Airbus ou Boeing - de lancer un nouvel avion moyen-courrier avec une technologie open fan. Pour l'instant, c'est l'avionneur européen qui se montre le plus intéressé. En parallèle des essais menés par Safran Aircraft Engines et GE Aerospace, indépendamment et sous la bannière CFM International, Airbus prépare une campagne d'essais en vol avec un moteur monté sous la voilure d'un A380. Celle-ci devrait avoir lieu d'ici la fin de la décennie. Elle aura pour objectif d'étudier l'intégration du moteur sur un avion et s'assurer que les gains offerts par l'open fan ne sont pas annulés par une mauvaise compatibilité entre les deux. Pour l'instant, l'option d'une intégration sous voilure, avec une aile basse (c'est-à-dire la configuration traditionnelle des avions de ligne actuels) semble privilégiée. Ce qui pourrait faciliter l'intégration d'un futur appareil dans le monde opérationnel. Boeing n'a pas fermé la porte pour l'instant, mais préfère se concentrer sur d'autres projets pour l'instant.

Les avionneurs feront leurs choix définitifs avant la fin de la décennie. L'objectif pour Safran et GE est d'être prêts à monter à bord à ce moment-là. Pour y arriver, Safran Aircraft Engines et d'autres entités du groupe Safran mobilisent environ 1.000 salariés sur le programme Rise. L'investissement est de l'ordre du milliard d'euros, dont plusieurs centaines de millions d'euros sont apportés par l'Etat, via le Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac), et par l'Europe via le programme de recherche Clean Aviation. Et GE Aerospace mène un effort somme toute similaire de son côté. Eric Dalbiès assure pour autant que Safran continue de faire de la vieille sur les autres technologies, ne voulant pas se fermer des portes définitivement car rien ne dit que les avionneurs seront prêts à adopter une architecture en rupture plutôt qu'une configuration plus traditionnelle.

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Partage industriel

Cette phase de R&T (recherche et technologie) du Rise va aussi permettre de mieux définir le partage industriel entre Safran Aircraft Engines et GE Aerospace. Leur coentreprise est basée sur une répartition à égalité des revenus, sans faire de prorata en fonction des coûts de développement ou de production de chaque partenaire. Les deux motoristes ont donc tout intérêt à réaliser un partage équitable de la charge technologique et industrielle en amont du programme comme ce fut le cas sur le CFM56 et le Leap.

Mais si la tâche était aisée sur ces deux moteurs - parties froides du moteur (en amont de la chambre de combustion) pour Safran Aircraft Engines et parties chaudes (en aval) pour GE Aerospace - elle s'avère plus complexe pour le futur open fan. Le principal développement venant de la soufflante et des parties froides, le partage industriel va être revu. Si la plupart des zones sont déjà attribuées selon le partage historique, il reste quelques « zones grises » à répartir entre les deux partenaires. En attendant, ils avancent en parallèle sur ces zones avec l'objectif de retenir les meilleures options en fonction de leur dimension technologique mais aussi financière.

Léo Barnier

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Commentaire 1
à écrit le 20/01/2024 à 16:07
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Bonjour, apres tout un tubomoteur est aussi efficace dans les vitesses de 600 a 700 km/h.. D'ailleurs peux etre pourrions nous inspiré de se modèle pour remotoriser le A400M qui ne donne toujours pas satisfaction... N'importe comment, l'avenir ap...

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