Pourquoi le Rafale a fini par atterrir aux Emirats Arabes Unis

Trois raisons ont permis au Rafale d'atterrir enfin aux Émirats Arabes Unis : la maturité de l'avion de combat français ; le F-35, un avion de dépendances et la relation privilégiée entre la France et Abu Dhabi.
Michel Cabirol
Les Émirats Arabes Unis sont le sixième pays à acheter le Rafale à l'export.
Les Émirats Arabes Unis sont le sixième pays à acheter le Rafale à l'export. (Crédits : Dassault Aviation)

Le succès du Rafale aux Émirats Arabes Unis (EAU), le sixième pays export de l'avion de combat tricolore, arrive à l'issue d'une très longue histoire souvent contrariée entre la France, en particulier Dassault Aviation, et Abu Dhabi. Mais l'État français a su renouer les fils d'une relation stratégiques importantes en dépit des trois échecs du Rafale aux EAU, y compris de celui de fin 2011. Lors du salon aéronautique de Dubaï, le prince héritier Cheikh Mohammed Bin Zayed Al-Nahyan, qui était déjà l'homme fort des EAU, avait alors estimé que la proposition commerciale de Dassault Aviation pour 60 Rafale était "non compétitive". Une déclaration qui avait alors fait l'effet d'une douche glacée à Paris.

Dix ans plus tard, les relations de confiance ont été patiemment renouées avec l'homme fort des Émirats depuis l'arrivée de François Hollande et de son ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian. Un travail de fourmi poursuivi par Emmanuel Macron et sa ministre des Armées Florence Parly. Ces relations étroites entretenues dans la durée ont permis d'accrocher ce succès tant attendu dans ce pays, qui stratégiquement est très important pour la France sur le plan géopolitique. Comme d'ailleurs l'Égypte.

Le Rafale, un avion plus mature

Longtemps les Émiratis ont demandé à Dassault Aviation un Rafale, qui n'existait pas encore. Un appareil qu'il aurait fallu développer à coup de milliards. D'où la facture très élevée présentée en 2011 par le constructeur. Ce qui avait particulièrement hérissé le prince héritier, qui se plaignait à cette époque d'un important écart de prix entre ses estimations et celles de Dassault Aviation. Dix ans après, les performances du Rafale sont proches des souhaits opérationnels des Émirats, qui s'offrent le standard F4, le même que celui de l'armée de l'air française. En outre, les performances du Rafale au cours de ses très nombreuses sorties lors des opérations extérieures françaises ont été largement disséquées par les Émiratis.

En cours de développement en France, le standard F4 du Rafale sera mis en service en deux étapes successives en France, en 2023 puis en 2025, afin de bénéficier des technologies et des innovations les plus avancées du moment dès qu'elles seront disponibles. La validation du standard F4 est prévue pour 2024, avec certaines fonctions disponibles dès 2022. Le choix des Émiratis est donc un vrai signe de confiance vis-à-vis de la France de la part d'Abu Dhabi et de Cheikh Mohammed Bin Zayed (MBZ) alors que l'appareil est en cours de développement.

Le F-35, un avion de dépendances

En achetant du Rafale, les Émiratis sont sûrs de pouvoir s'en servir à leur guise avec les performances exigées. Ce qui n'est pas vraiment le cas avec le F-35, l'avion américain de Lockheed Martin. Ce qui a particulièrement agacé MBZ lors de ses discussions avec les Américains alors qu'il voulait initialement cet appareil. Pour deux raisons. Sans confirmation du maintien de la supériorité technologique militaire QME (Qualitative Military Edge) par Washington, Israël n'aurait jamais accepté la vente des F-35, un système d'arme aussi sophistiqué, aux EAU. Résultat, les F-35 émiratis auraient été dégradés ("détarés)" dans leurs capacités, notamment au niveau des senseurs et des armements, afin de garantir aux forces armées israéliennes la suprématie aérienne en cas de retournement d'alliances.

En outre, le F-35 reste un avion de combat doté d'une laisse très courte pour les pays qui l'achètent aux Américains. Un système électronique portant sur la maintenance, les diagnostics, la gestion de la chaîne d'approvisionnement et la gestion de la flotte des appareils vendus à l'exportation est exploité directement par l'agence HPSI (Hybrid Product Support Integration), un organisme commun entre Lockheed Martin et le département américain de la Défense. Le F-35 reste un avion de dépendances et non d'indépendance et d'autonomies opérationnelles. Comme la France, les États-Unis ont découvert en MBZ, un client très exigeant et peu disposé à accepter n'importe quoi. Ce qui ne veut pas dire que le F-35 n'atterrira jamais à Abu Dhabi.

La France et les EAU, partenaires stratégiques

N'en déplaise aux Verts notamment, la France entretient un partenariat stratégique très important avec les Émirats Arabes Unis, un acteur incontournable pour le règlement des tensions et des conflits dans la région. Ils n'hésitent pas à mener d'ailleurs une politique étrangère qui se différencie au cas par cas avec celle de son grand voisin, l'Arabie Saoudite. Ils seront le 1er janvier membres non permanents du Conseil de sécurité de l'ONU et accueilleront le sommet sur le climat « COP 28 », qui se tiendra en novembre 2023. La France, qui entretient une base militaire interarmées aux EAU, mise souvent sur l'entregent de MBZ pour faire avancer certains dossiers cruciaux dans la région.

Ce partenariat a été renforcé lors de la visite d'Emmanuel Macron. Comme le président l'a déclaré vendredi à Dubaï, il suit un agenda comportant plusieurs directions : "paix et stabilité dans la région, lutte contre tous les extrêmes, lutte contre le terrorisme, et coopération très concrète sur les situations sensibles". Les Émiratis ont d'ailleurs été aux côtés des Français dans l'opération Apagan, une opération d'évacuation organisée par les forces armées françaises à la suite de la prise de Kaboul par les Talibans en août 2021. Les Émirats ont été "admirables", estime-t-on à Paris.

En outre, les EAU ont constaté comme beaucoup d'autres pays un désengagement des Américains au Moyen Orient. Ce qui les pousse à diversifier leurs partenariats politiques et stratégiques ainsi que leurs approvisionnements en armements, en incluant la France. "J'inscris toujours nos accords commerciaux et militaires dans le cadre" d'un partenariat stratégique, a de son côté rappelé le président français. C'est le cas pour la vente des 80 Rafale vendus aux EAU.

Michel Cabirol

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Commentaires 17
à écrit le 24/04/2022 à 23:15
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Les Emirats arabes unis ne font ils pas partie de la coalition qui bombarde le Yemen ? (400 mille morts) ?

à écrit le 06/12/2021 à 11:56
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Parce que ce sont les seuls qui veulent acheter les armes françaises ! en même temps, si l'on regarde cette partie géographique, elle achète par la diplomatie du soft power, et comme les autres pays ne le font pas, ben cela permet a leurs amis a pari...

à écrit le 06/12/2021 à 6:47
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Bonjour, avant tout parceque nous avons repris nos mirage 2000 ... une des conditions impsser par le royaume...

à écrit le 05/12/2021 à 19:14
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Israel vuet des F-35...ben avec près de 40Milliards de dollars d'aide militaire américain sur 10 ans on les voit mal acheter des rafales...

le 06/12/2021 à 16:30
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Israel ne plaisante pas avec sa securité. Elle pouvait choisir les nouveaux f16 ou f18. En matiere de combat aerien Israel est plus experimentée que la France. Israel demande 25 F-35 en plus d'un plus grand nombre de F-35 qu'elle possede dejà depuis...

à écrit le 05/12/2021 à 18:43
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ca a longtemps ete un des avions les meilleurs notamment a cause de sa maniabilite......par contre il ne pouvait pas manoeuvrer contre le soft power de wahsington......... c'est un peu comme la guerre m16/famas, y avait pas photo.......mais uncle sam...

le 06/12/2021 à 16:23
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Le Rafale en depit du "hype" francais n'est acheté que par les pays du tiers monde.

à écrit le 05/12/2021 à 15:18
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On peut aussi s'interroger pour quelle raison MBZ était d'abord intéressé par le F35, et que JB lui a signifié son accord pour les lui livrer, mais pour un engin moins sophistiqué que Tsahal qui devait garder la supériorité aérienne au MO en matière ...

le 05/12/2021 à 16:47
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Vous pensez vraiment etre dans le secret des dieux.

le 05/12/2021 à 16:54
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Il y a peut être de cela, en effet. Les EAU ont également toujours prêté attention a ne pas se placer totalement sous dependance americaine pour leur matériel de défense, et ont pour cela souvent acheté en Europe.

le 05/12/2021 à 21:12
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@jamjam Israël pourrait aussi se souvenir que ce sont les Mirage Français qui lui ont sauvé les fesses pendant la guerre du Kippour.

à écrit le 05/12/2021 à 12:57
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Dea rafales en échange de l'accès aux aéroports français à volonté pour Emirates. En clair Air France est sacrifié.

à écrit le 05/12/2021 à 10:06
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Parce ce qu'il était ravitaillé par un A330-MRTT? Parce qu'il y avait un pilote dans l'avion? ....

le 05/12/2021 à 11:53
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Parce que le Rafale est un excellent avion de combat polyvalent éprouvé au combat et relativement abordable, alors que le F35 apres 15 ans de mise en service n'est toujours pas capable de mener une mission operationnelle (et personbe ne sait quand ni...

le 05/12/2021 à 16:56
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Vous vous y connaissez bien plus qu'Israel qui veut 25 F-35. Sans parler de l'Espagne qui en veut 100. Par ailleurs, JB a suspendu la vente de F-35 aux Emirats en Fevrier de cette annee. Une vente approuvee par Trump. L'auteur de l'article ne l'a pa...

le 05/12/2021 à 21:17
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1986 c était le démonstrateur Rafale A. Qui n a pas grand chose à voir avec le rafale actuel. Il serait plus honnête de remonter au programme acx tant qu on y est.

le 06/12/2021 à 16:20
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Je veux dire qu'Israel veut 25 F-35 suplementaires. Elle en a plus depuis plusieurs années de déjà. Et Israel n'est pas n'importe quelle nation dans le domaine de l'aviation militaire.

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