Le nouveau contrat Rafale de Dassault Aviation en Égypte était sur orbite depuis la visite à Paris en décembre 2020 du maréchal Abdel Fattah al-Sissi. Si le président égyptien avait été peu disert vis-à-vis des autorités françaises sur un possible nouveau contrat Rafale, il avait en revanche donné lors d'une rencontre privée avec le PDG de Dassault Aviation, quelques indications sur la méthode à suivre pour acheter à nouveau l'avion de combat tricolore. En fin connaisseur de ces affaires commerciales super sensibles, Eric Trappier a donc suivi les indications du maréchal al-Sissi en passant notamment par son ministre de la Défense, Mohamed Zaki, également commandant général des forces armées et surtout l'homme de confiance du président égyptien.
Un prêt avantageux pour un client loyal
Peu de temps après ce rendez-vous crucial entre les deux hommes, des équipes de l'avionneur s'étaient d'ailleurs rapidement envolées pour Le Caire pour lancer vraiment les négociations d'une nouvelle commande, qui oscillait alors à l'époque entre 24 ou 27/30 Rafale. D'autant que l'avionneur avait également obtenu en décembre le feu vert de Bercy (direction du Trésor) pour relancer les négociations et proposer un prêt garanti par la France très avantageux à l'Égypte à l'image de ce qu'avait offert l'Allemagne au Caire pour la vente des six frégates Meko. "On vend toujours et de préférence à des partenaires dont on est assuré de la fiabilité", explique-t-on dans l'entourage de la ministre. Sur l'ensemble des emprunts demandés par l'Égypte pour des contrats d'armement, "on n'a jamais eu de mauvaises surprises avec les Égyptiens", a assuré l'entourage de la ministre des Armées.
Les Égyptiens "ont acheté des corvettes Gowind en 2014, une frégate FREMM en 2015, 24 Rafale en 2015 et des BPC en 2016, etc... On n'a jamais eu de problème de financement avec les Égyptiens ou même de remboursement. Nos banques n'ont jamais eu de remboursements non effectués par les Égyptiens sur les contrats d'armement qu'on a passé avec eux. Vu de la France, le client égyptien est un client fiable", a affirmé l'entourage de la ministre des Armées. (...) "La France et l'Égypte ont une relation très bonne sur le plan financier".
Au final, selon l'entourage de la ministre des Armées, Paris devrait garantir 85% du prêt à l'Égypte, qui a d'ailleurs toujours payé ses contrats d'armement aux industriels français. Sinon Le Caire n'aurait pas pu acheter des armements pour un montant de 7,68 milliards d'euros auprès de l'industrie tricolore entre 2010 et 2019 (deux porte-hélicoptères - BPC -, une frégate FREMM, quatre corvettes Gowind et 24 Rafale notamment). Bercy aurait dit stop... Les Égyptiens sont actuellement à Paris pour finaliser le financement de cette commande.
Des négociations très rapides
Cette commande, qui est une très bonne nouvelle pour Dassault Aviation et ses fournisseurs, pour la loi de programmation militaire (LPM), et, enfin, pour la France, qui revient en cour en Égypte après une période de froid depuis la visite d'Emmanuel Macron en Égypte en janvier 2019, porte sur la vente de 30 Rafale (18 monoplaces et 12 biplaces) armés par des bombes AASM (Safran) ainsi que des systèmes de lancement (MBDA). Elle prend la forme d'un avenant au contrat de 2015. In fine, à l'image de 2015, les négociations ont été à nouveau très rapides (entre quatre et cinq mois).
En revanche, ces nouveaux Rafale ne seront pas équipés pour l'heure comme les 24 premiers appareils vendus en 2015 par le missiles de croisière Scalp ainsi que du missile air-air Meteor, qui semble donc toujours interdit de vente vers Le Caire par les Etats-Unis via la réglementation ITAR en raison de composants américains dans ces missiles. L'ombre d'Israël plane bien sûr sur cette interdiction. Enfin, il n'y a pas de compensation industrielle dans le cadre de cette commande. "Il n'y a pas d'offset en Égypte", a confirmé le cabinet de la ministre.
Deuxième contrat de l'année pour le Rafale
Les premières livraisons de ces nouveaux Rafale égyptiens sont attendues trois ans et demi après la mise en vigueur du contrat, qui est prévue en juin ou juillet prochain. Elles devraient s'étaler sur la période 2024-2026 avec une cadence de production d'un appareil par mois. Avec cette nouvelle commande, Dassault Aviation a pour le moment exporté 144 appareils, dont 12 d'occasion à la Grèce. L'armée de l'air française et la Marine nationale ont aujourd'hui 152 Rafale dans leurs flottes et les aviateurs en attendent 40 appareils supplémentaires, qui doivent être livrés dans les prochaines années, entre la fin de 2022 et 2025.
Sur huit pays (Grèce, Suisse, Croatie, Finlande, Inde, Indonésie, Égypte et Émirats Arabes Unis) intéressés par le Rafale en début d'année, deux ont déjà conclu un contrat (Grèce) ou une nouvelle commande (Égypte). Après 2015 (Égypte, Qatar et Inde, qui avait finalisé son contrat début 2016), l'année 2021 va être à nouveau pour Dassault Aviation et pour toute l'industrie aéronautique militaire française, une très belle année Rafale sur le plan commercial. Et l'année n'est pas encore terminée. Loin de là.
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