Spatial : comment Isar Aerospace veut bousculer l'ordre établi du « OldSpace » européen

Avec la mise en service du pas de tir d'Andøya en Norvège, Isar Aerospace, la startup allemande, qui entend marcher dans les pas de SpaceX, veut bousculer l'ordre étable par les acteurs de l'ancien monde. L'Allemagne va défendre à Séville ce nouveau modèle symbolisé par Isar Aerospace.
Michel Cabirol
Andøya Space a inauguré jeudi la mise service du premier port spatial opérationnel en Europe continentale (photo d’archive),
Andøya Space a inauguré jeudi la mise service du premier port spatial opérationnel en Europe continentale (photo d’archive), (Crédits : Isar Aerospace)

A quelques jours du sommet spatial européen de Séville (6 et 7 novembre), la startup allemande Isar Aerospace fait une démonstration de force sur le pas de tir norvégien d'Andøya qui a été inauguré ce jeudi. Une démonstration de force qui va servir à illustrer l'arrivée d'un nouveau monde symbolisé par Isar Aerospace (Spectrum) versus l'ancien représenté par ArianeGroup (Ariane 6) et Avio (Vega-C) dans le domaine des lanceurs spatiaux. Hasard du calendrier ou pas, cette opération va grandement servir les intérêts de la délégation allemande qui sera à Séville pour imposer à l'Europe, mais surtout à ses deux plus grands rivaux la France et l'Italie, la notion de concurrence et donc de compétition dans le domaine des lanceurs.

Isar Aerospace, un dragster endurant ?

Le dragster du NewSpace, Isar Aerospace, qui a déjà en principe sa place réservée au Centre spatial guyanais (CSG) avec un premier vol espéré au troisième trimestre 2025, va monter en puissance dans un premier temps à partir du site d'Andøya pour terminer le développement de son lanceur à deux étages Spectrum en effectuant une série de tests classiques pour valider tous les systèmes avant le premier vol d'essai. Développé par Isar Aerospace, Spectrum, dont toutes les parties du lanceur, y compris les moteurs de vol Aquila, sont actuellement en phase de production, est capable d'emporter une charge utile de plus d'une tonne vers une orbite basse (LEO) et de 700 kg vers une orbite  héliosynchrone (SSO). Une première étape avant de se lancer probablement dans le développement d'un lanceur lourd... comme SpaceX à ses débuts avec Falcon 1 (2006-2009), puis Falcon 9.

Championne des levées de fonds avec 310 millions d'euros depuis 2018, Isar Aerospace doit toutefois maintenant valider son parcours impressionnant avec ce premier vol, qui initialement était attendu au deuxième trimestre 2022. Comme quoi le nouveau monde a bien su reprendre certains des défauts irritants de l'ancien monde dans un domaine où rien n'est acquis et où les certitudes peuvent être défaillantes. Mais faut-il rappeler que SpaceX d'Elon Musk n'a jamais été très à l'heure au début de son aventure. Aujourd'hui, qui lui en ferait le reproche... Si tous les essais de qualification de Spectrum se déroulent à partir de janvier de façon nominale, le mini-lanceur allemand, dont le premier exemplaire doit débarquer à Andøya en fin d'année sar Aerospace, est attendu début mars pour son vol inaugural.

Isar Aerospace propose la première solution de lancement européenne entièrement financée par le secteur privé pour répondre à la demande croissante de transport de satellites de petite et moyenne taille dans l'espace. La startup rêve de marcher dans les pas de SpaceX. En 2006, Elon Musk avait sidéré le gotha du spatial en se présentant comme ceci : « Salut à tous. Je m'appelle Elon Musk. Je suis le fondateur de Space X. Dans cinq ans vous êtes tous morts ». La startup allemande, dirigée par son fondateur Daniel Metzler, a repris les mêmes méthodes. Elle réalise en interne la quasi-totalité de la création de valeur, y compris les systèmes de propulsion propriétaires, l'avionique, les logiciels et les structures. « Isar Aerospace réduira considérablement les coûts de chaque lancement », a assuré la startup dans le communiqué.

En revanche, ArianeGroup, à qui l'Allemagne reproche bruyamment ses coûts de fabrication, doit développer et concevoir Ariane 6 bien lestée par le principe du retour géographique imposé par l'Agence spatiale européenne (ESA). C'est d'ailleurs pour cela qu'ArianeGroup a décidé d'investir sérieusement dans sa filiale MaiaSpace pour développer un lanceur plus agile en partie financé par le privé. Résultat, Isar Aerospace trouvera face à lui à moyen ou long terme un futur concurrent MaiaSpace... dans la course pour développer le successeur d'Ariane 6.

Mise en service du site d'Andøya

La mise en service du site de lancement Andøya Spaceport situé à Nordmela marque également une étape cruciale sur le chemin critique d'Isar Aerospace vers son premier vol de qualification. « Cette étape équivaut à entrer dans les dernières étapes de notre chemin vers le premier vol », a souligné le PDG d'Isar Aerospace, Daniel Metzler, cité dans le communiqué commun publié par Andøya Space et sa société. La startup allemande est pour l'heure le seul opérateur à s'être installé à Andøya, l'île la plus au nord de la Norvège.

« L'ouverture du port spatial sur l'île d'Andøya marque une étape importante pour la Norvège et l'industrie européenne du NewSpace ainsi que notre partenariat avec Isar Aerospace : cela nous permet d'effectuer les premiers lancements de satellites jamais réalisés depuis le sol européen depuis « Andøya », a estimé le président du port spatial d'Andøya, Ingun Berget.

Andøya Space, qui a inauguré jeudi la mise service du premier port spatial opérationnel en Europe continentale, accueillera plusieurs rampes de lancement. Isar Aerospace a un accès exclusif au premier site de lancement construit selon ses spécifications (rampe de lancement, installations d'intégration des charges utiles, centre de contrôle de mission). Compte tenu de son emplacement à l'extrême nord du littoral, le port spatial d'Andøya peut proposer des lancements favorables aux orbites héliosynchrones ainsi qu'aux orbites polaires « pour lesquelles le marché a une forte demande car les sites de lancement pour ces orbites sont limités à l'échelle mondiale », estiment les deux sociétés. La course à l'espace en Europe a déjà commencé. A vos marques, prêts, partez...

Michel Cabirol

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Commentaires 18
à écrit le 04/11/2023 à 17:15
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Strategie classique de l'allemagne pour gagner des parts de marche: le CONTOURNEMENT On finance une startup purement allemande car on est pas satisfait de notre position dans la societe europeenne Autres exemples en cours: Deutsche aircraft pour c...

à écrit le 04/11/2023 à 10:05
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Bonjour, encore un acteur privqui souhaitent gagnier beaucoup d'argent.. la question est de savoir qui sont les actionnaires et qui est effectivement derrière cette entreprises....

à écrit le 03/11/2023 à 15:19
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ET ce,que,isar erospace a raison de lancer,des,fusées,ultra modernes renouvelables et plus économique,que,ariane groupe d un port spatial de la Norvège? Que,ariane,group soit le lanceur traditionnel en Europe OK mais ariane 6 donnera t elle un fusée...

à écrit le 03/11/2023 à 15:18
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ET ce,que,isar erospace a raison de lancer,des,fusées,ultra modernes renouvelables et plus économique,que,ariane groupe d un port spatial de la Norvège? Que,ariane,group soit le lanceur traditionnel en Europe OK mais ariane 6 donnera t elle un fusée...

à écrit le 03/11/2023 à 8:49
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Les gens qui parlent de concurrence entre un lanceur léger type Isar et un lanceur lourd type Ariane 6 n y comprennent pas grand chose au marché du lancement spatial et sans doute encore moins au couplage entre latitude de l aire de lancement et le t...

le 03/11/2023 à 9:29
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Si SpaceX est passé assez rapidement du Falcon 1 (Orbite basse 670 kg, Orbite héliosynchrone 430 kg) au Falcon 9 (13 150 kg et 4 850 kg) pourquoi Isar qui est capable d'emporter une charge utile de plus d'une tonne vers une orbite basse (LEO) et de 7...

le 03/11/2023 à 10:45
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Si Space X a pu faire ce saut, c'est pq ils ont profité à plein des investissements R&D de la NASA, DARPA et autres JPL, dont on ne peut pas particulièrement vanter l'absence de lourdeur bureaucratique. Ca ne correspond pas au commentaire anyway, pq ...

à écrit le 03/11/2023 à 7:37
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Avec l'accroissement de la concurrence, les coûts des satellites et leurs mises en orbites vont considérablement baissé. Ceci permettra aux pays africains de se doter de satellites pour une meilleure gestion de leurs territoires : forêts, urbanisatio...

à écrit le 03/11/2023 à 7:34
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Avec l'accroissement de la concurrence, les coûts des satellites et leurs mises en orbites vont considérablement baissé. Ceci aux pays africains de doter de satellites pour une meilleure gestion de leurs territoires : forêts, urbanisation, pêche, fle...

à écrit le 02/11/2023 à 20:57
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C'est bien, une bonne concurrence c'est toujours sain et ça va faire beaucoup de bien surtout dans le cas de l'enfer administratif de Kourou. Si Isar Aerospace met une procédure souple et totalement digitalisé ça va faire peur à Kourou qui lui est de...

à écrit le 02/11/2023 à 20:55
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Isar: une tonne en orbite basse. Ariane: 10 tonnes en géostationnaire. Faudrait p-e comparer ce qui est comparable..

à écrit le 02/11/2023 à 19:32
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Bonjour, au lieu de OldSpace, je dirais FirstSpace...

à écrit le 02/11/2023 à 19:13
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La plateforme océanique diminue la masse maximale de lanceur et par ça la masse de cargo.Ça sera pas economiquement rentable bien sur les allemands vont financier les pertes avec des argents européens pour leur préstige.Les petits lanceurs font seule...

à écrit le 02/11/2023 à 18:40
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Les tirs ne doivent plus partir de Guyane , des milliards de depense, pour un département inutile, financer les pays voisins, pour rien

à écrit le 02/11/2023 à 17:08
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Faisons jouer la concurrence à fond. Que ArianeGroup soit dissout. Et que les meilleurs ingénieurs choisissent pour quelles entreprises privés travailler. Favorisons le developpement d'acteurs privés sur notre territoire. Et que ESA choisisse le m...

le 02/11/2023 à 18:32
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SpaceX a reçu en 20 ans eviron 22 mimliards de $ de financement public américain, dont 15 milliards directement de la NASA. Laquelle NASA l'a fait bénéficier gracieusement des technologies qu'elle a développée. On est (très) loin du mythe de l'entrep...

le 02/11/2023 à 19:07
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C'est un leurre parce que dans la vie on est tjrs dépendants des autres et qu'on n'est pas et on sera jamais une puissance militaire. En choisissant une société d'un pays européen vassal des USA juste parce que elle est européenne on ne sera pas plus...

à écrit le 02/11/2023 à 15:37
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Coquille "veut bousculer l'ordre étable par les acteurs de l'ancien monde." l'ordre établi ?

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