A quelques jours du sommet spatial européen de Séville (6 et 7 novembre), la startup allemande Isar Aerospace fait une démonstration de force sur le pas de tir norvégien d'Andøya qui a été inauguré ce jeudi. Une démonstration de force qui va servir à illustrer l'arrivée d'un nouveau monde symbolisé par Isar Aerospace (Spectrum) versus l'ancien représenté par ArianeGroup (Ariane 6) et Avio (Vega-C) dans le domaine des lanceurs spatiaux. Hasard du calendrier ou pas, cette opération va grandement servir les intérêts de la délégation allemande qui sera à Séville pour imposer à l'Europe, mais surtout à ses deux plus grands rivaux la France et l'Italie, la notion de concurrence et donc de compétition dans le domaine des lanceurs.
Isar Aerospace, un dragster endurant ?
Le dragster du NewSpace, Isar Aerospace, qui a déjà en principe sa place réservée au Centre spatial guyanais (CSG) avec un premier vol espéré au troisième trimestre 2025, va monter en puissance dans un premier temps à partir du site d'Andøya pour terminer le développement de son lanceur à deux étages Spectrum en effectuant une série de tests classiques pour valider tous les systèmes avant le premier vol d'essai. Développé par Isar Aerospace, Spectrum, dont toutes les parties du lanceur, y compris les moteurs de vol Aquila, sont actuellement en phase de production, est capable d'emporter une charge utile de plus d'une tonne vers une orbite basse (LEO) et de 700 kg vers une orbite héliosynchrone (SSO). Une première étape avant de se lancer probablement dans le développement d'un lanceur lourd... comme SpaceX à ses débuts avec Falcon 1 (2006-2009), puis Falcon 9.
Championne des levées de fonds avec 310 millions d'euros depuis 2018, Isar Aerospace doit toutefois maintenant valider son parcours impressionnant avec ce premier vol, qui initialement était attendu au deuxième trimestre 2022. Comme quoi le nouveau monde a bien su reprendre certains des défauts irritants de l'ancien monde dans un domaine où rien n'est acquis et où les certitudes peuvent être défaillantes. Mais faut-il rappeler que SpaceX d'Elon Musk n'a jamais été très à l'heure au début de son aventure. Aujourd'hui, qui lui en ferait le reproche... Si tous les essais de qualification de Spectrum se déroulent à partir de janvier de façon nominale, le mini-lanceur allemand, dont le premier exemplaire doit débarquer à Andøya en fin d'année sar Aerospace, est attendu début mars pour son vol inaugural.
Isar Aerospace propose la première solution de lancement européenne entièrement financée par le secteur privé pour répondre à la demande croissante de transport de satellites de petite et moyenne taille dans l'espace. La startup rêve de marcher dans les pas de SpaceX. En 2006, Elon Musk avait sidéré le gotha du spatial en se présentant comme ceci : « Salut à tous. Je m'appelle Elon Musk. Je suis le fondateur de Space X. Dans cinq ans vous êtes tous morts ». La startup allemande, dirigée par son fondateur Daniel Metzler, a repris les mêmes méthodes. Elle réalise en interne la quasi-totalité de la création de valeur, y compris les systèmes de propulsion propriétaires, l'avionique, les logiciels et les structures. « Isar Aerospace réduira considérablement les coûts de chaque lancement », a assuré la startup dans le communiqué.
En revanche, ArianeGroup, à qui l'Allemagne reproche bruyamment ses coûts de fabrication, doit développer et concevoir Ariane 6 bien lestée par le principe du retour géographique imposé par l'Agence spatiale européenne (ESA). C'est d'ailleurs pour cela qu'ArianeGroup a décidé d'investir sérieusement dans sa filiale MaiaSpace pour développer un lanceur plus agile en partie financé par le privé. Résultat, Isar Aerospace trouvera face à lui à moyen ou long terme un futur concurrent MaiaSpace... dans la course pour développer le successeur d'Ariane 6.
Mise en service du site d'Andøya
La mise en service du site de lancement Andøya Spaceport situé à Nordmela marque également une étape cruciale sur le chemin critique d'Isar Aerospace vers son premier vol de qualification. « Cette étape équivaut à entrer dans les dernières étapes de notre chemin vers le premier vol », a souligné le PDG d'Isar Aerospace, Daniel Metzler, cité dans le communiqué commun publié par Andøya Space et sa société. La startup allemande est pour l'heure le seul opérateur à s'être installé à Andøya, l'île la plus au nord de la Norvège.
« L'ouverture du port spatial sur l'île d'Andøya marque une étape importante pour la Norvège et l'industrie européenne du NewSpace ainsi que notre partenariat avec Isar Aerospace : cela nous permet d'effectuer les premiers lancements de satellites jamais réalisés depuis le sol européen depuis « Andøya », a estimé le président du port spatial d'Andøya, Ingun Berget.
Andøya Space, qui a inauguré jeudi la mise service du premier port spatial opérationnel en Europe continentale, accueillera plusieurs rampes de lancement. Isar Aerospace a un accès exclusif au premier site de lancement construit selon ses spécifications (rampe de lancement, installations d'intégration des charges utiles, centre de contrôle de mission). Compte tenu de son emplacement à l'extrême nord du littoral, le port spatial d'Andøya peut proposer des lancements favorables aux orbites héliosynchrones ainsi qu'aux orbites polaires « pour lesquelles le marché a une forte demande car les sites de lancement pour ces orbites sont limités à l'échelle mondiale », estiment les deux sociétés. La course à l'espace en Europe a déjà commencé. A vos marques, prêts, partez...
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