Lors d'une grand-messe à l'Elysée, ce mardi 12 octobre, Emmanuel Macron a présenté « France 2030 », son grand plan d'investissement pour développer les industries du futur. Sur les 30 milliards prévus pour appuyer le développement des futures technologies structurantes, le Président de la République a annoncé que près de quatre milliards d'euros seront consacrés aux transports du futur. Un « investissement massif » qui devrait être réparti notamment entre l'automobile, avec l'expansion de la voiture électrique, et l'aéronautique pour le développement de l'avion bas carbone. Deux secteurs qui ont toute leur place dans la stratégie industrielle française, selon Emmanuel Macron.
Sur l'aéronautique, le Président a exprimé sa volonté de « produire en France à l'horizon 2030 le premier avion bas-carbone ». Il a ainsi pris de cours les industriels de cours en annonçant une accélération du calendrier, estimant qu'il était possible d'aller plus vite que les projections des experts lui disant « jamais avant 2035 ». Pour lui, il s'agit avant tout d'un sujet « de mobilisation et de concentrations des efforts [...] où nous ne devons pas être otages de nos processus passés ».
De quoi parle-t-on ?
Pour autant, le terme « avion bas carbone » utilisé par Emmanuel Macron reste flou et les industriels n'en savent pas plus. Au vu de la référence faite à un projet français qui sera ensuite « européaniser au maximum » ou la date de 2035, les propos du président semblent indiquer qu'il s'agit du projet d'avion moyen-courrier zéro émission (ZEROe) développé par Airbus autour d'une propulsion à hydrogène. Mais cela n'a jamais été précisé.
Ce programme, s'il se concrétise, doit être lancé en 2028 pour une entrée en service en 2035. Soit bien après les ambitions élyséennes. Et le calendrier semble très difficile à raccourcir de cinq ans. D'ailleurs, si Airbus a félicité « la détermination du gouvernement français à poursuivre le soutien à la décarbonisation du secteur aérospatial afin qu'il puisse atteindre les objectifs des accords de Paris », il a aussi réaffirmé que son « ambition est de mettre en service le premier avion à émission zéro alimenté à l'hydrogène d'ici 2035 ».
Le constructeur a également rappelé qu'un certain nombre de technologies vont contribuer à la réduction de l'aviation bas-carbone. L'amélioration des avions et des moteurs en fait partie. Les propos présidentiels peuvent donc être rattachés à un changement de génération comme proposé par le projet de moteur de nouvelle génération de CFM International (co-entreprise Safran et GE).
Baptisé Rise et basé sur une technologie « open rotor », il est normalement prévu lui aussi pour le milieu de la prochaine décennie. Au vu de la plus forte maturité d'un tel projet, étudié par Safran depuis 2008, une accélération est sans doute possible. Avec une réduction de 20 % des émissions par rapport à un moteur LEAP actuel, les gains potentiels sont significatifs. Il faut y ajouter les apports possibles grâce à l'optimisation de l'aérodynamique des fuselages des avions. Pour autant, cela suffit-il pour parler d'un avion bas-carbone ?
Vers le 100 % de biocarburants
L'option la plus crédible semble donc le développement d'un appareil et d'un moteur capable de fonctionner uniquement avec des carburants aériens durables (SAF ou biocarburants). Ceux-ci offrent un potentiel de réduction d'émissions carbone de 80 % sur l'ensemble du cycle de production et d'utilisation par rapport au kérosène classique, essentiellement grâce à l'absorption de CO2 nécessaire à leur fabrication. L'apport peut donc être conséquent mais reste aujourd'hui très limité en raison de faibles capacités de production et d'un coût prohibitif.
Les principaux appareils actuels sont certifiés pour voler avec un mélange de kérosène et de biocarburant, qui peut être incorporé jusqu'à 50 % sans aucune contrainte technique ou réglementaire (« drop in »). Des développements sont déjà en cours pour amener cette part à 100 % dans les prochaines années.
Airbus et Safran ont d'ailleurs lancé une étude conjointe, en partenariat avec Dassault Aviation, l'Onera et le ministère des transports, pour étudier l'impact d'un vol alimenté à 100 % avec du SAF. Ce projet baptisé Volcan (Vol avec carburants alternatifs nouveaux) et financé dans le cadre du plan de relance aéronautique doit déboucher sur un vol de démonstration d'ici la fin de l'année.
Pour atteindre ces 100 %, des évolutions raisonnables sont à prévoir, notamment pour assurer la lubrification du moteur en l'absence de kérosène ou l'étanchéité des joints. Airbus estime que l'objectif est donc atteignable d'ici la fin de la décennie, ce qui collerait avec le calendrier présidentiel. Reste à savoir si cela correspond aux grandes évolutions technologiques voulues par Emmanuel Macron.
Nouveau financement du Corac
En attendant, la prochaine étape sera sûrement de boucler le nouveau financement du Comité pour la recherche aéronautique civile (Corac). Après s'être vu promettre 1,5 milliard d'euros pour la période 2020-2022 pour appuyer le développement de l'avion bas-carbone dans le cadre du plan de relance aéronautique, le Corac doit recevoir une nouvelle enveloppe de l'ordre de 800 millions d'euros pour financer la poursuite des projets initiés.
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