Bernard Magrez veut « incuber » une vingtaine d'entreprises dans l'expertise viticole et le numérique

ENTRETIEN - Deux ans après avoir créé chez lui, à Bordeaux, l'incubateur Start-Up Win, Bernard Magrez duplique le concept en Alsace. Il entend accompagner la croissance d'une vingtaine d'entreprises dans l'expertise viticole et le numérique. Propriétaire de quatre grands crus classés bordelais et de 38 vignobles partout dans le monde, l'entrepreneur de 87 ans, qui va ouvrir le capital de son groupe, porte son regard sur l'avenir de la filière et ses enjeux commerciaux et climatiques.
Bernard Magrez s'apprête à incuber entre quinze et vingt entreprises dans son incubateur dédié à la viticulture à Landersheim, en Alsace.
Bernard Magrez s'apprête à incuber entre quinze et vingt entreprises dans son incubateur dédié à la viticulture à Landersheim, en Alsace. (Crédits : T. des Houches)

LA TRIBUNE - Votre incubateur Start-up Win s'apprête à accueillir sa première promotion internationale à Landersheim, en Alsace, dans les locaux vacants de l'ancien siège social d'Adidas. Depuis deux ans, votre premier incubateur à Bordeaux a déjà accueilli soixante entreprises. Qu'est-ce qui vous motive à investir dans des startups ?

BERNARD MAGREZ - L'incubation de startups répond à la même logique que le mécénat que nous opérons dans la recherche contre le cancer et dans le soutien aux orphelinats en Thaïlande et au Népal. Le mécénat consiste à aider l'Autre, avec un grand A. L'incubation de startups va dans la même direction. Les entrepreneurs qui créent des startups ont souvent abandonné un certain confort économique pour se lancer dans leur projet. Ils ont les yeux qui brillent, ils ont confiance. Notre devoir, c'est de les aider, de leur faire rencontrer des experts, des gens qui ont réussi, de leur apporter parfois des capitaux. Nos sujets tournent autour de la vigne et du vin, et surtout du numérique. On veut aider des porteurs de projets français, mais aussi des suisses, des allemands, des belges. En général, ils ne sont pas très gourmands. Mon idéal serait d'incuber entre quinze et vingt entreprises. Cela ne mobilisera pas plus de 400.000 euros, dans un premier temps en aides financières. Pour faire fonctionner l'incubateur, nous prévoyons 300.000 euros par an.

Lire ici notre dossier : Changement climatique : le plan choc pour sauver le vin français

Contrairement au bordelais, le vignoble alsacien ne s'est jamais ouvert aux investissements étrangers ni aux prises de participation d'opérateurs financiers. Avez-vous l'intention de racheter des parcelles de grands crus alsaciens ?

Je connais très mal cette région. Je m'y rendrai avec beaucoup de plaisir, mais je connais peu son vignoble, pas plus que je ne connais la Bourgogne. Nous sommes implantés à Bordeaux et présents en Provence, en Côtes du Rhône, en Languedoc, en Roussillon et dans neuf pays différents.

Vous n'êtes pas propriétaire en Champagne. Les places sont-elles devenues trop chères ?

Les marques de champagne occupent depuis longtemps des positions de leader. C'est très difficile de se battre face à des investisseurs lourds tel que Moët Hennessy, ou face à des familles dont les propriétés ont passé plusieurs générations. Nous sommes leader à Bordeaux dans les crus classés, de très loin. Pour partir de zéro en Champagne, il faudrait y reprendre une petite entreprise avec, face à nous, des grandes marques de très grande qualité. Ce ne sera pas mon combat.

Votre groupe exporte dans le monde entier. Comment se porte le marché du vin ?

Les vins de bordeaux rencontrent des difficultés conjoncturelles dans la moyenne gamme. Nous ne sommes pas dans cette catégorie, mais principalement dans la catégorie des crus classés. Nous avons renforcé nos positions dans le Languedoc, une appellation qui avance fort en France et encore plus à l'étranger. J'opère dans les vins et spiritueux depuis plus de soixante ans. J'ai vu de nombreuses crises. On trouve toujours une voie pour se battre, ne pas échouer. Notre chiffre d'affaires (non révélé, NDLR) est en hausse de 10,5 % sur les trois premiers mois de 2023. Quand il existe une dynamique des ventes, quand les produits sont acceptés par les consommateurs, on s'en sort toujours. Lorsque la France rencontre quelques difficultés, on se tourne vers l'export. Nous avons des équipes commerciales aux Etats-Unis, en Chine et en Asie du Sud-Est. Tous les pays ne souffrent pas en même temps. Ne pas investir à l'étranger serait une faute de gestion.

Comme tous les vignobles où vous êtes implanté, le bordelais va être confronté à des conditions climatiques extrêmes avec des répercussions sur la maturité des raisins. Comment avez-vous réagi face au réchauffement climatique qui menace vos activités ?

Nous avons créé une entité dédiée à la recherche, au développement et particulièrement à la protection de l'environnement. Il s'agit de voir à l'avance ce que les concurrents n'ont pas encore vu. Nous avons développé des compétences dans la mise en œuvre de drones dans la viticulture de précision. Cette technologie de pointe fait désormais partie de nos outils de décision. Nous utilisons la robotique pour entretenir le couvert végétal de la vigne. Nous avons mis au point des barriques connectées pour suivre l'évolution qualitative des vins.

Vous dirigez votre entreprise depuis six décennies et vous êtes désormais âgé de 87 ans. Comment préparez-vous votre succession ?

J'ai annoncé que j'allais ouvrir le capital de mon groupe, que je possède encore à 100 %. Les capitaux que nous pourrions lever, entre 200 et 300 millions d'euros, seraient destinés à sécuriser la succession et à grossir l'équipe commerciale dans les huit ou neuf pays qui sont les premiers consommateurs de vin de bordeaux dans le monde. Il faut aussi nourrir notre marque Bernard Magrez en montrant que nous sommes actifs dans le mécénat de la santé et la protection des enfants.

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