En 20 ans, la France a perdu près de la moitié de ses vergers

Samedi dernier, les producteurs de pommes ont manifesté pour réclamer une augmentation de 20 centimes sur le kilo de pommes. Une colère qui reflète le désarroi de la filière arboricole dans son ensemble, qui subit de plein fouet les augmentations des coûts de l'énergie ainsi que le changement climatique et les nouvelles normes sur les produits phytosanitaires. De nouvelles négociations avec les centrales d'achat telles celle de Carrefour et Intermarché sont aussi au coeur du mal-être. Tous les voyants sont au rouge, et ce n'est que le début...
« Il faut 20 à 25 ans pour amortir le prix d'une plantation de verger. C'est une culture qui prend du temps et c'est très long de changer de cultures s'il y a un problème »
« Il faut 20 à 25 ans pour amortir le prix d'une plantation de verger. C'est une culture qui prend du temps et c'est très long de changer de cultures s'il y a un problème » (Crédits : Reuters)

« En l'espace de 20 ans, le verger français a diminué de 40%, toutes productions confondues.* » A l'image d'une bonne partie de la filière arboricole, Françoise Roch, présidente de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) se dit « désespérée » par la situation. En cause : des centrales d'achats qui ne revalorisent pas assez les prix aux producteurs malgré la loi EGALIM ainsi que la hausse des coûts de l'énergie.

Samedi 14 janvier, les pommiculteurs ont largement manifesté leur colère en arrachant leurs vergers. Un geste symbolique, pour réclamer une hausse de 20 centimes du prix au kilo de la pomme. « Le prix moyen de la pomme en sachet est cette année de 71 centimes alors qu'il était de 86 centimes sur ces quatre dernières années. Ce n'est pas normal, les producteurs paient les pots cassés », déplore Françoise Roch. A la suite de ce mouvements de colère, certaines centrales d'achats ont commencé à revoir les négociations avec les producteurs. Mais la colère devrait se propager dans d'autres filières, les producteurs de cerises sont également en tension cette année.

Les dépenses augmentent... mais pas les prix

Smic, énergie, mauvaise récolte : les filières arboricoles voient la liste des dépenses s'accumuler cette année. La hausse du coût de l'énergie a fortement impacté les producteurs, en particulier pour les pommes, qui sont conservées dans de larges frigo afin d'être consommées toute l'année. Le prix du carton pour les emballages des fruits a par lui aussi bondi de 30% en un an en moyenne. Et alors que les coûts de production augmentent, les centrales d'achat ont proposé des prix inférieurs à la moyenne des quatre dernières années aux producteurs. Une situation incompréhensible pour la filière pomme, qui commercialise 95% de sa production via ce canal de distribution.

Après la grogne des arboriculteurs, certaines centrales d'achats ont revu leurs prix à la hausse. Carrefour assure avoir engagé un dialogue et augmenté le prix sur trois catégories de pommes françaises sans pour autant communiquer le montant de la hausse et les variétés de pommes concernées. De son côté, Intermarché n'a pas souhaité s'exprimer mais a assuré que des rencontres auront lieu avec les producteurs début février.

« Ca bouge un peu du côté des centrales d'achats, j'ai eu quelques appels de certaines d'entre elles. Mais il faut en arriver à ces extrêmes alors que ça fait des mois que l'on négocie. »

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Des normes jugées trop contraignantes

Les producteurs de fruits réclament aussi une harmonisation des normes sur le marché, notamment européen.

« Je veux bien qu'on pousse la sortie des produits phytosanitaires mais il faut que tout le monde s'y mette. La France n'est pas sous cloche. On importe des produits qui ne respectent pas les même normes que celles de nos productions en France. »

L'une des filières qui sera particulièrement touchée cette année sera la production de cerises. Les arboriculteurs utilisaient initialement le diméthoate pour lutter contre un parasite ravageur du fruit : la drosophile. Cet insecticide, interdit en 2020, avait été remplacé par un autre produit appelé phosmet, lui aussi retiré du marché européen en 2022. Les producteurs craignent pour l'avenir de la cerise française, alors que sont commercialisées en France des cerises étrangères qui utilisent ces produits phytosanitaires.

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Des lois non adaptées à la filière

Enfin, les arboriculteurs estiment ne pas avoir les mêmes besoins que d'autres secteurs agricoles et considèrent les aides comme non adaptées à leur production. En effet, les fruits, tout comme les légumes, doivent être vendus dans un laps de temps plus court que d'autres productions comme les céréales ou les légumineuses. Pour la présidente de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF), ces saisonnalités importantes ne sont pas compatibles avec la loi EGalim 2 qui protège plutôt les productions avec une certaine stabilité. Elle réclame la mise en place d'un prix plancher pour les fruits.

Même problématique pour la réforme sur l'assurance récolte, prévue cette année, qui a pour objectif d'assurer une plus grande part des terres agricoles. Cette mesure visait justement l'arboriculture, très peu assurée et surtout très touchée par les changements climatiques. Françoise Roch craint que les primes d'assurance soient trop élevées pour la filière arboricole, elle redoute même des refus d'assurer dans certaines régions. Groupama avait, de son côté, estimé que cette réforme permettrait de faire baisser les prix des assurances, notamment sur la filière arboricole qui « ne devenaient presque plus du tout assurable ».

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La filière fait face à une des plus grosses crises de ces dernières décennies avec, comme autre menace à venir, la reprise des vergers, alors que de nombreux producteurs vont partir à la retraite d'ici quelques années. Une problématique qui touche cette fois tout le secteur agricole et qui menace la souveraineté alimentaire française. Il y a une semaine, l'interprofession des fruits et légumes avait d'ailleurs déclaré vouloir lancer un plan de souveraineté afin d'augmenter la part de la production française de 50% à 60% dans la consommation en fruits et légumes à l'horizon 2030. Les producteurs comptent sur des annonces du ministre de l'agriculture pour les aider dans cet objectif lors du prochain salon de l'agriculture, qui débute le 25 février prochain.

*chiffre de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA)

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Commentaires 8
à écrit le 24/01/2023 à 2:51
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ramasser des pommes c'est fatigant, le travail c'est fatigant, il n'y a plus de portugais, ni de polonais pour les ramasser, ni de vaches pour les manger.

à écrit le 23/01/2023 à 17:54
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Bonjour, Personnellement je mangerai plus de pomme , mais cela est vendu un peut chère... Bien sur, certains trouveront que 3 ou 4 euros le kilo s'est un prix correcte....

à écrit le 23/01/2023 à 13:09
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Exemple des pommes départ producteur à 70E affichée en GS à 2,80E.. Ou achat sur le marché directement au producteur à 1.90E.. Il est permis de comprendre le désarroi. Autre solution pour ceux qui possèdent un jardin, planter un pommier.(j'ai bouffé ...

le 23/01/2023 à 14:45
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Je croyais que la pomme était un fruit très fragile qu'il faut traiter, vous arrivez à ce que vos pommiers ne soient pas malades, sans traitement ? J'hésite justement à en planter un à cause de cela. Mais je suis en Provence, donc peut-être pas dans ...

le 23/01/2023 à 19:38
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Jardin avec 1 pommier et 2 espaliers sans aucun pesticide ou traitement et des fruits sains mais pas forcément gros (en Haute-Savoie). Ha oui, et pas rare d'y trouver des... asticots ! :-)

à écrit le 23/01/2023 à 13:07
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en supermarche, c'est 4 euros le kilo pour des pommes sans gout et pas toujours en bon etat; a la fin y a un pb qqpart

à écrit le 23/01/2023 à 10:30
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Pour que le consommateur achète des pommes, encore faudrait il que les pommes soient de vraies pommes. Les pommes calibrées, standardisées, hyperarrosees de pesticides ont des saveurs synthétiques, des mois de frigo, aucun intérêt gustatif et dangere...

le 23/01/2023 à 13:01
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Et mise au congélateur 1 an avant d été vendu .. pratique de la grande distribution comme de l import..

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