Ameublement : le tribunal de commerce de Bobigny annonce la liquidation d'Habitat

Moins de dix jours après le placement en redressement judiciaire d'Habitat, sa liquidation a été prononcée ce jeudi par le tribunal de Bobigny. Un coup fatal pour cette enseigne pionnière dans la démocratisation des meubles design.
L'enseigne, qui compte 25 magasins en France, a été fondée en 1964 par le designer britannique Terence Conran (décédé en 2020).
L'enseigne, qui compte 25 magasins en France, a été fondée en 1964 par le designer britannique Terence Conran (décédé en 2020). (Crédits : Reuters)

[Article publié le jeudi 28 novembre 2023 à 08H47 et mis à jour à 12H26]Fin de partie pour l'ex-champion des meubles design. Le tribunal de Bobigny a placé ce jeudi Habitat en liquidation, scellant le sort d'une enseigne qui a démocratisé le design pendant des décennies.

Tout sera allé très vite : moins de dix jours après le placement en redressement judiciaire de cette entreprise spécialisée dans l'ameublement et l'équipement de la maison, les administrateurs judiciaires avaient annoncé le 15 décembre en CSE (comité social et économique) qu'ils allaient demander sa liquidation, au vu de la situation particulièrement détériorée des comptes.

« Jamais été profitable en France  »

Le 30 novembre, la direction du groupe expliquait pourtant que sa demande de placement en redressement avait « pour objectif de stabiliser la situation financière » de l'enseigne, qui « n'a jamais été profitable en France », et « d'assurer sa viabilité à long terme ».

Lire aussi« Difficultés économiques extrêmes » : l'enseigne d'ameublement Habitat demande son placement en redressement judiciaire

Elle assurait alors « préparer un plan de redressement par voie de continuation » et affirmait que son « objectif principal était d'assurer le paiement de tous les fournisseurs et la livraison des commandes aux clients ». Mais une fois que les administrateurs judiciaires se sont plongés dans les comptes, ils ont rapidement constaté que « les conditions n'étaient pas réunies pour une poursuite de l'activité » et qu'il y avait « plus d'obstacles que d'opportunités », avait expliqué à l'AFP une source proche du dossier.

Cette source avait notamment indiqué que « près de 9 millions d'euros d'acomptes, selon de premières estimations », avaient été versés par des clients pour l'achat de meubles et autres produits. Des clients qui ont peu de chance de récupérer leurs commandes ou leur argent en cas de liquidation.

Descente aux enfers depuis 2019

L'enlisement d'Habitat n'est pas récent. Il est en partie lié à de profondes difficultés financières et à une gestion de l'entreprise défaillante ces dernières années. L'enseigne était déjà en perte nette lors de sa mise en vente en 2019 par son propriétaire de l'époque, le distributeur Cafom.

Lire aussiRedressement judiciaire : Kookaï autorisée à chercher un repreneur

Selon un communiqué de l'enseigne publié début décembre, des facteurs plus récents n'ont pas arrangé sa situation : « une baisse significative de la fréquentation des magasins, un choc inflationniste et la flambée des prix de l'énergie, des matières premières et du transport, avec un impact direct sur le pouvoir d'achat des ménages, des mouvements sociaux internes ayant perturbé l'activité. ».

En 2020, l'enseigne avait été rachetée par l'entrepreneur-investisseur Thierry Le Guénic. Réagissant à la situation dans une lettre adressée à l'AFP ce mercredi soir, l'homme d'affaires admet ne pas avoir « réussi à relever ce challenge, tout comme les précédents actionnaires ». Tout en défendant avoir pu éviter « tout plan social » et investi plus de 12 millions d'euros dans le numérique et l'ouverture de points de vente, Thierry Le Guénic concède que ses projets et ambitions « n'ont pas pu être réalisés dans un contexte économique très défavorable (...) et face à des résistances internes manifestes ». Aujourd'hui, « une autre phase s'ouvre, et nous sommes désormais engagés pour aider à trouver toute solution de reclassement de nos collaborateurs », ajoute l'entrepreneur dans sa lettre.

Pour rappel, ce dernier avait aussi racheté il y trois ans l'enseigne d'habillement Burton of London, placée en redressement judiciaire l'été dernier et qui n'a pas trouvé de repreneur. Il avait également repris la marque de prêt-à-porter Paule Ka et celle de lingerie Maison Lejaby. Thierry Le Guénic faisait aussi partie d'un trio d'investisseurs, dont Stéphane Collaert, qui avait racheté en 2019 Chevignon à Vivarte.

Une enseigne pionnière dans son segment

L'enseigne, qui compte 25 magasins en France, a été fondée en 1964 par le designer britannique Terence Conran (décédé en 2020), avec l'objectif de proposer à un prix abordable des meubles et des objets de décoration à la fois sobres, épurés et modernes.

Habitat France emploie actuellement 315 salariés et avait généré en 2022 un chiffre d'affaires de 65 millions d'euros. La société mère, Habitat Design International, emploie 68 personnes et affichait en 2022 un chiffre d'affaires de 51,8 millions d'euros. Pour rappel, Habitat avait précédemment appartenu au fonds d'investissement américain Hilco et à la famille suédoise Kamprad (également propriétaire d'Ikea).

Les redressements judiciaires en hausse en France

Avec la hausse des taux d'intérêt, l'inflation et la baisse de la demande, les procédures collectives, notamment les redressements judiciaires, prennent de plus en plus d'ampleur en France. C'est ce que tend notamment à montrer le dernier baromètre de Xerfi, réalisé avec le conseil national des Greffiers des Tribunaux de Commerce (CNGTC) sur la situation des entreprises au troisième trimestre 2023.

Lire aussiCes secteurs d'activité où les liquidations judiciaires s'accélèrent

Basées sur les données des greffes des tribunaux de commerce, les deux organisations font état de « voyants rouges » concernant « l'évolution du tissu entrepreneurial ». Rien qu'au troisième trimestre, 10.400 entreprises ont fait l'objet d'une ouverture de procédure collective, c'est-à-dire qu'elles ont été placées sous contrôle judiciaire à cause de difficultés, soit une augmentation de 22% sur un an.

Le secteur du prêt-à-porter aussi en crise

Outre l'ameublement, le secteur du prêt-à-porter en France est secoué depuis plus d'un an par une violente crise. Camaïeu, Kookaï, Naf Naf, André, San Marina... Ces marques bien connues des consommateurs français ont souffert d'un cocktail détonnant : pandémie, inflation, hausse des coûts de production, des loyers et des salaires ou encore concurrence de la « fast fashion ».

« En dix ans, la part de l'habillement a reculé de 15% dans le Caddie des Français », se désole Pierre Talamon, président de la Fédération nationale de l'habillement.

Les enseignes se mettent alors en ordre de bataille pour se démarquer. Kiabi mise sur la seconde main, Jacadi ne baisse pas ses prix, Gémo vend de tout, de la grenouillère au mocassin. Des mesures qui payent. Par exemple, Kiabi a vu son chiffre d'affaires progresser de 10% en 2022 grâce à la seconde main ou encore la location de vêtements.

(Avec AFP)

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 28/12/2023 à 22:05
Signaler
10 jours après la mise en redressement judiciaire, il prononce déjà la liquidation ? Le Tribunal de Bobigny serait-il plus efficace envers les entreprises que contre les étrangers et émeutiers. ?

à écrit le 28/12/2023 à 18:55
Signaler
et rappelons que MONTEBOURG, ministre bienveillant de la reproduction, y a mis sa patte ( apres avoir decouvert la gestion avec stupefaction a l'insead), tout comme segolene royal a edf avant renationalisation, tellement c'etait la m......la france d...

à écrit le 28/12/2023 à 14:01
Signaler
Vous avez deux catégories de chefs d'entreprises , d'un côté les professionnels qui développent leurs entreprises à partir d'un métier, coiffeur, fleuriste, boulanger, hôtelier, grande distrid, commerce automobile etc ceux là connaissent leur enviro...

à écrit le 28/12/2023 à 9:09
Signaler
« fast fashion », les marques que vous citez qui ont des difficultés font également fabriquer leurs vêtements dans des pays de crèves la faim où les salariés finissent brulés à 40 ans dans leurs usines vétustes pour 50 balles par mois, qui ont donné...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.