Systèmes agroalimentaires : les coûts cachés dépassent 10% du PIB mondial

Plus de 70% des frais occultes liés à la production de biens et de services agroalimentaires sont dus à des régimes alimentaires trop riches. Or, ils causent des maladies chroniques non-transmissibles, et donc, une perte de productivité de la main-d'œuvre, alerte un rapport de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Un cinquième de ces coûts sont environnementaux.
Giulietta Gamberini
Le rapport sous-estime potentiellement ces coûts de quelque 20% (Photo d'illustration).
Le rapport sous-estime potentiellement ces coûts de quelque 20% (Photo d'illustration). (Crédits : Pixabay License)

Au moins 10.000 milliards de dollars par an. C'est le montant des coûts cachés des systèmes agroalimentaires actuels, calculé par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (Food and agriculture organisation, FAO), dans un rapport publié ce lundi 6 novembre. L'impact de ces systèmes sur la santé, l'environnement et la société, équivaut ainsi à presque 10% du produit intérieur brut (PIB) mondial, alerte la FAO.

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L'étude, menée dans 154 pays, chiffre notamment les frais occultes de ces systèmes : émissions de gaz à effet de serre et d'azote, utilisation de l'eau, effets sur la conversion des terres et sur la pauvreté, pertes de productivité générées par de mauvais régimes alimentaires. Résultat, plus de 70% de ces coûts sont dus à une alimentation trop riche en produits ultra-transformés, en sucres et en graisses. Or, ceux-ci sont à l'origine d'obésité et d'autres maladies chroniques non-transmissibles, générant des pertes de productivité de la main-d'œuvre. Ces coûts sont particulièrement importants dans les pays à revenus élevés et à revenus intermédiaires de la tranche supérieure, observe la FAO.

Des coûts différents selon les pays

Un cinquième des frais occultes sont environnementaux, et présents dans l'ensemble des pays étudiés. Les coûts liés à la pauvreté de la main-d'œuvre et à la sous-alimentation des populations ne constituent, en revanche, que moins de 5% du total, mais représentent plus de la moitié de l'ensemble des coûts cachés des systèmes alimentaires des pays à faibles revenus.

La richesse des pays pèse d'ailleurs non seulement sur la structure, mais aussi sur l'impact de ces frais, souligne le rapport de la FAO. Alors que les pays à revenus élevés et intermédiaires concentrent respectivement 36% et 61% de leur ensemble, ceux-ci représentent respectivement moins de 8% et de 12% de leur PIB. Dans les pays à faibles revenus, en revanche, ces coûts représente un quart du PIB, alors qu'ils ne correspondent qu'à 3% de l'ensemble mondial, souligne la FAO.

Une sous-estimation de l'ordre de 20%

Le rapport sous-estime potentiellement ces coûts de 20%, note le directeur de la division Economie agroalimentaire de l'organisation internationale, David Laborde. Tous les coûts cachés des systèmes alimentaires n'ont en effet pas pu être pris en compte. En cause ? Le manques de données ou des difficultés à les monétiser. C'est notamment le cas de l'exposition aux pesticides, de la dégradation des terres ou des maladies dues à des aliments dangereux, prévient la FAO.

« Mais 10.000 milliards de dollars suffisent par rapport à la nécessité de se mobiliser », estime David Laborde, qui souligne le message-clé du rapport. « La manière dont on valorise aujourd'hui aux prix de marché nos produits et services alimentaires ne reflète pas ce qu'ils coûtent à notre société et à notre planète ».

« Cela ne signifie pas qu'il faut augmenter les prix de la nourriture partout et tout le temps, car les effets sociaux pourraient alors être encore pires. Mais des actions peuvent être prises pour corriger cela », estime l'expert.

Eviter les effets paradoxaux

L'étude veut en effet constituer une « base de dialogue avec les décideurs ». Elle insiste ainsi sur la nécessité « d'une analyse plus régulière et plus détaillée par les gouvernements et le secteur privé » de ces coûts « réels » des systèmes agroalimentaires. Elle doit être suivie d'un deuxième volet consacré à « des évaluations ciblées » des actions, permettant de les atténuer ou de les prévenir, selon les pays - le niveau d'action le plus pertinent étant national, estime la FAO. A terme, l'objectif sera donc de définir les priorités et les compromis nécessaires, afin d'allouer efficacement les ressources disponibles, explique l'organisation internationale.

Les pistes d'action sont toutefois déjà identifiées : « Les impôts, les subventions, la législation et la réglementation en font partie », rappelle le rapport.

« Les systèmes agroalimentaires sont complexes. Diverses sources de leurs coûts cachés peuvent être ciblées par diverses politiques. Certaines auront des effets immédiats, comme par exemple une réglementation limitant l'utilisation d'eau. D'autres suivront une approche plus incitative, comme les paiements aux agriculteurs pour les services qu'ils rendent à l'environnement, ou la cessation des subventions allouées à certains produits considérés comme nocifs, tels que le sucre », illustre David Laborde.

Les politiques publiques peuvent aussi agir sur l'offre de la restauration collective, imposer des taxes telles que celles sur les sodas, réglementer l'étiquetage des produits, orienter les investissements publics et privés, énumère encore l'expert.

« Le travail doit être toutefois mené autant du côté des producteurs que de celui des consommateurs, afin d'éviter des effets paradoxaux, comme une augmentation de l'importation de viande en cas d'arrêt des subventions à la production européenne sans diminution de la consommation », rappelle-t-il.

Redistribuer socialement les hausses

David Laborde rappelle un autre garde-fou essentiel, notamment en période d'inflation.

« Quand on touche aux prix de l'alimentaire, il faut faire très attention aux conséquences sociales. Souvent, cela doit conduire à des politiques sociales qui redistribuent les hausses, non seulement à l'intérieur de chaque filière, mais aussi entre les consommateurs selon leurs revenus », alerte-t-il.

« Avant tout ajustement des politiques publiques, il faut donc se demander qui va en payer le prix », résume-t-il.

L'inflation n'est d'ailleurs pas une conséquence systématique d'une meilleure prise en compte des coûts cachés des systèmes alimentaires, estime le rapport. La transformation qui en suivrait pourrait en effet aussi générer, à long terme, « de nouvelles sources de valeur », comme une plus grande productivité, espère la FAO.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 4
à écrit le 06/11/2023 à 9:12
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"ils causent des maladies chroniques non-transmissibles, et donc, une perte de productivité de la main-d'œuvre" Hum je ne suis pas convaincu, nous savons que l'agriculture intensive agro-industrielle et son arrosage de produits chimiques cancérigènes...

le 06/11/2023 à 23:29
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J ai une maladie auto immune en lien avec les pesticides - je ne mange pas de plats cuisinés et industriels depuis les 19 ans- et je coûte 3800€ Par mois à la sécu rien qu en Immuno suppresseur …e

le 06/11/2023 à 23:29
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J ai une maladie auto immune en lien avec les pesticides - je ne mange pas de plats cuisinés et industriels depuis les 19 ans- et je coûte 3800€ Par mois à la sécu rien qu en Immuno suppresseur …e

le 07/11/2023 à 8:39
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Le lobby pharmaceutique remercie le lobby agro-industriel aussi pour ça.

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