Libérer l'économie française via la « simplification drastique de la vie de nos entreprises et de nos entrepreneurs »: la promesse formulée par le nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, lors de son discours de passation de pouvoir le 9 janvier, plaît à la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (Fnsea).
« On veut s'engouffrer pleinement, entièrement, totalement dans la brèche qui semble s'ouvrir » dans ce domaine, a déclaré le 10 janvier le président du puissant syndicat agricole, Arnaud Rousseau, lors de ses vœux à la presse.
Pour les agriculteurs français, il s'agit en effet d'un enjeu crucial de compétitivité, rappelle la Fnsea. La multiplication des contraintes administratives alourdit, « mécaniquement » « la charge » pesant sur les exploitations, alors que le « goût d'entreprendre est essentiel », estime Arnaud Rousseau. « Les professionnels doivent se concentrer sur la création de valeur », a-t-il insisté. Or, selon les comptes nationaux de l'agriculture pour l'année 2023, publiés fin décembre, le résultat brut de la branche agricole a chuté de 11 %.
Les haies, symbole de complexification
« Qu'est-ce qu'on retire ? », questionne alors le président de la Fnsea. Car, « je veux être très clair: la simplification passe par le renoncement à un certain nombre de normes. Elle passe par moins, elle ne passe pas par plus », met-il en garde, en rappelant que « en agriculture, à chaque fois qu'on nous a parlé de simplification, cela s'est souvent traduit par plus de complexification ».
Le principal exemple mis en avant par la Fnsea est celui du développement des haies, « central dans la planification écologique » en termes de biodiversité et d'érosion des sols. Malgré le budget de 110 millions d'euros dès 2024 que le gouvernement a décidé d'y consacrer dans le cadre du « Pacte en faveur de la haie », présenté fin septembre, un obstacle bloque les agriculteurs, selon leur principal syndicat : l'existence de 14 textes réglementaires.
« Il y a de la marge pour la simplification », dénonce Arnaud Rousseau, pour qui ce sujet constitue donc « un excellent galop d'essai pour regarder quelle est la volonté politique d'aboutir ».
« Revenir à des solutions pratiques »
D'autres chantiers se prêtent toutefois à l'exercice selon la Fnsea, qui se dit « capable de lister les sujets de simplification ». L'un d'entre eux, qui correspond à une demande ancienne du syndicat, vient de se retrouver au devant de la scène en raison des inondations dans le Pas-de-Calais. Il s'agit du curage des cours d'eau, technique qui consiste à extraire des sédiments accumulés au fond d'une rivière ou d'un canal, et dont l'efficacité suscite de nombreux désaccords au sein de la communauté scientifique, selon le média Contexte. Sa réglementation est jugée trop contraignante par les agriculteurs.
« Plus d'une dizaine d'acteurs différents interviennent dans la décision », dénonce Arnaud Rousseau. « Les solutions fondées sur la nature commencent à nous créer des problèmes » (...) il faut revenir à des solutions pratiques », insiste-t-il.
L'annonce par le gouvernement d'uun décret permettant d'accélérer (« de neuf à deux mois ») et simplifier les procédures d'autorisation du curage des cours d'eau par les collectivités ne suffit pas aux yeux de la Fnsea, qui exige de « pouvoir commencer les travaux le plus vite possible ». Elle est soutenue dans sa demande par le président LR de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, qui s'est dit prêt à prendre la responsabilité d'imposer ces travaux si l'Etat ne le fait pas.
Quelque 400 procédures en cours
Le syndicat espère aussi obtenir une réduction des contrôles annuels dans les fermes. Et il se montre très inquiet des « contentieux qui s'allongent en agriculture », qui à ses yeux posent la question des « possibilités laissées à l'agriculture de se développer ». Selon la Fnsea, quelque 400 procédures sont en cours contre des agriculteurs pour des nuisances sonores, olfactives etc.
Le syndicat demande donc une réduction des délais, ainsi que l'affirmation d'une « antériorité de la production agricole ». Il espère notamment qu'une proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale le 4 décembre et transmise aussitôt au Sénat, « visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels », sera « actée » par le Parlement.
Interrogée par La Tribune sur l'impact économique d'une telle démarche de simplification sur le secteur agricole, la Fnsea indique ne pas l'avoir encore chiffrée. Mais la bataille sera au centre de l'année 2024, confirme-t-elle.
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