Alexandre Saubot (France Industrie) : "c'est avec les industriels que l'on construira la transition écologique"

Il vient de prendre la tête de France Industrie il y a quelques semaines, après avoir assuré la présidence de l’UIMM (2015 – 2018) et de l'Unédic (2016 – 2018). A 55 ans, Alexandre Saubot, l'ancien adversaire de Geoffroy Roux de Bezieux à la présidence du Medef, est désormais aux avants-postes des négociations avec le gouvernement portant sur le plan de relance. Diagnostic à l'égard de la "trop longue désindustrialisation du pays" mais aussi d'une industrie de santé que l'on dit aujourd'hui déclassée, leviers pour se distinguer face à nos voisins européens et réindustrialiser à l'échelle française... il livre sa vision d'une industrie qui doit s'appuyer sur deux piliers : innovation et compétitivité.
Je ne partage pas du tout ce procès fait actuellement une grande entreprise de la santé française qui s'est profondément transformée au cours des 10 dernières années, affirmait le patron de France Industrie à propos de Sanofi.
"Je ne partage pas du tout ce procès fait actuellement une grande entreprise de la santé française qui s'est profondément transformée au cours des 10 dernières années", affirmait le patron de France Industrie à propos de Sanofi. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Fraîchement arrivé aux commandes de France Industrie, après en avoir été le vice-président aux côtés de votre prédécesseur, Philippe Varin, comment voyez-vous la place de France Industrie dans ce contexte de relance. Quel rôle souhaitez-vous jouer à travers cette organisation professionnelle représentative de l'Industrie en France, créée par le Cercle de l'Industrie et le Groupe des Fédérations Industrielles, face à d'autres acteurs de la filière que vous connaissez bien (Medef, UIMM, etc) ?

ALEXANDRE SAUBOT - Le rôle de France Industrie est de rassembler l'ensemble de l'industrie française, qu'il s'agisse de grandes entreprises ou de fédérations industrielles, puisque nous comptons près de 25 fédérations, la plus grande étant l'UIMM, ainsi qu'une quarantaine de grandes entreprises qui représentent une grande diversité. Soit près de 99% de l'industrie française.

France Industrie doit être un phare, pour les entreprises comme pour les pouvoirs publics, dans la mise en œuvre de l'effort de relance.

Sous la présidence de Philippe Varin, il y a trois ans, toutes ces structures ont décidé de se rassembler pour porter la parole de l'industrie de façon unifiée. Mais cela ne veut pas dire de façon unique.

Evidemment, nos fédérations membres sont aussi adhérentes au Medef, ce qui participe aussi à la construction d'une position commune. Aujourd'hui, on connait bien la lente et trop longue désindustrialisation du pays, où le poids de l'industrie a été quasiment divisé par deux, passant de 24% du PIB au début des années 80 à un peu plus de 13% aujourd'hui. Pour inverser la tendance, une parole unifiée de l'industrie est essentielle et déterminante.

Les ETI seront justement au cœur du plan de relance et vous êtes vous-même à la tête du groupe ligérien Haulotte (2.000 salariés, dont 700 en France), l'un des leaders mondiaux du matériels d'élévation : est-ce un atout pour vos futurs échanges à venir avec le gouvernement, d'autant plus que vous êtes également vice-président du Conseil national de l'industrie ?

Pour retrouver une industrie forte, nous avons besoin de tout le monde : des petits, des moyens, des grands, et surtout de toutes les idées. On voit d'ailleurs émerger à la fois des startups dans la tech, des PME qui ont un vrai savoir-faire et réactivité, des ETI qui exportent et qui contribuent à réduire notre déficit commercial et des grands groupes, qui portent les couleurs de l'industrie française aux quatre coins du monde.

L'industrie est diverse et elle ne sera forte que si toutes ses composantes le sont. Je dirige en effet une ETI, avec un fort ancrage territorial, mais j'ai également œuvré dans le monde patronal à Paris depuis quelques années. C'est un environnement que je connais bien, et qui permet de faire avancer les idées.

Est-ce finalement le bon moment pour impulser une nouvelle place pour France Industrie ou pour, en quelque sorte, réaffirmer ses positions ? Quel message souhaitez-vous plus particulièrement porter auprès du gouvernement, que vous rencontrez régulièrement ?

Le message est simple : il n'y aura pas de relance économique efficace sans relance ambitieuse de l'industrie. Avoir une industrie forte est vital pour notre pays et ce n'est pas nouveau.

La crise sanitaire a mis en exergue un certain nombre des faiblesses de notre pays et notamment le fait que dans trop de domaines, une industrie trop faible est aussi synonyme d'un pays qui n'est plus souverain, ni maître de son destin.

Tout notre écosystème, que ce soit l'opinion publique, le gouvernement, les partenaires sociaux, les territoires, s'en rendent compte désormais. Il est nécessaire de profiter de cette dynamique pour qu'au-delà du discours, un certain nombre d'actions soient mises en place, comme la baisse des impôts de production, mais aussi la reconstruction de nouvelles usines, le redéveloppement de certaines filières, en allant chercher les opportunités et les métiers de demain.

A ce titre, le numérique, l'innovation et la transition écologique sont une formidable occasion de rebattre les cartes, de rattraper une partie du retard accumulé ces dernières décennies.

Avez-vous le sentiment que le plan de relance actuel sera suffisant pour envisager une vraie réindustrialisation dont on parle aujourd'hui ? La bataille n'est-elle pas déjà perdue face à la concurrence étrangère, y compris en Europe ?

Le plan de relance a été construit sur la base des travaux du Pacte productif, qui découlent de trois années de travail avec l'Etat en vue de réaliser justement un diagnostic des priorités à adresser. Ce plan alloue près un tiers de son montant de 100 milliards d'euros à la dimension industrielle.

Nous sommes sur la bonne voie même si, comme dans tout plan de relance, il existe à la fois des mesures de portée générale, mais aussi un ensemble de guichets, d'appels à projets, etc. Tout l'enjeu est désormais de le faire fonctionner.

L'industrie a d'ailleurs déjà répondu présente puisque près de 14.000 dossiers qui ont été déposés à ce jour par les entreprises françaises. Cette réponse très forte traduit un bon ciblage et l'illustration d'une volonté de faire.

Nous avons donc réussi la première phase et il faut désormais transformer cette dynamique en nouveaux projets, nouvelles usines et productions : cela va être tout le travail de l'année 2021. Avant de se demander si c'est assez, il va déjà falloir rendre efficace ce qui est proposé.

C'est ensuite en avançant que nous verrons s'il manque quelque chose, s'il existe des sujets de compétitivité, de soutien, de réglementation, qu'il nous faut continuer à ajuster.

On a beaucoup parlé des lourdeurs administratives françaises et l'on voit que face à nous, d'autres pays comme l'Asie ou les Etats-Unis ont déjà relancé leur production industrielle : n'avez-vous pas peur que nous puissions être en retard dans la relance tant attendue ?

La France est un pays qui est bien administré, parfois trop, et je ne pense pas qu'en l'espace de quelques mois de plan de relance, on puisse réformer en profondeur la façon de travailler. Il existe cependant aujourd'hui un réel effort dans le cadre du plan de relance et une priorité portée sur l'industrie. Notre responsabilité est d'agir en partenaires pour que cela fonctionne, d'identifier les points de ralentissement et qu'on soit dans la bonne vitesse d'exécution.

Le timing sera essentiel, il nous faut continuer à avancer au bon rythme car l'Allemagne, la Chine, et les Etats-Unis, sont en effet déjà repartis et ce, indépendamment de la pertinence et du bon dimensionnement des outils.

Le premier ministre a d'ailleurs affirmé qu'il ne s'interdirait pas de réallouer des crédits d'une ligne à l'autre, et a déjà annoncé l'ajout d'un milliard d'euros en soutien à l'industrie. Si l'on n'avait pas répondu présents ni consommé certaines enveloppes, il n'y en aurait pas eu besoin.

Aujourd'hui, les perspectives de rebond sont plus rapides (de l'ordre de +10% pour l'Investissement productif) et donc meilleures que ce qu'on a connu, au sortir de la précédente crise de 2008. En 2020, l'investissement industriel aura baissé de 13%, c'est moins qu'en 2009.

Ce début d'année est cependant encore marqué par de grandes incertitudes sur cette reprise. Craignez-vous encore, comme d'autres, des défaillances d'entreprises, notamment industrielles, ou que certains secteurs soient plus particulièrement touchés, comme l'aéronautique ?

Il est normal d'avoir des craintes dans une période comme celle-ci et la situation reste compliquée dans de nombreux secteurs. Mais beaucoup de choses ont été faites pour préserver l'appareil productif et ses entreprises. Il y a eu les plans sectoriels pour l'aéronautique et l'automobile, les mesures de soutien, le chômage partiel, les PGE, le plan de relance. Tout l'enjeu va être de voir ce qu'il va se passer dans les prochains mois : à quelle vitesse va-ton pouvoir sortir de la crise ? Aura-t-on un réel rebond économique qui va permettre de s'en sortir ? Quels seront les outils financiers que l'Etat mettra sur la table pour compléter les PGE ?

Nous devrions éviter une vague démesurée de défaillances dans les mois qui viennent. Mais en revanche, le travail que nous allons produire au cours des mois à venir permettra de consolider le travail d'urgence qui a été fait, l'année dernière. Ou, au contraire, de le fragiliser.

On verra peut-être des phénomènes de consolidation ou de rapprochements dans certains secteurs. Dans l'aéronautique par exemple, il existe une vraie volonté des grands acteurs de préserver la filière, d'accompagner les entreprises en difficultés et de permettre des rapprochements. Il y a eu beaucoup de comportements tout à fait exemplaires pour la préserver.

En pleine course en matière de vaccins, beaucoup s'émeuvent cependant que la France ait chuté à la 4e place en matière de production de médicaments en Europe et évoquent des défaillances au sein ce secteur. Faudra-t-il, selon vous porter, une attention particulière à ce secteur au cours des prochaines années ?

Je ne suis pas du tout d'accord avec le diagnostic. Je pense que nous devrions être fiers d'avoir en France plusieurs grands acteurs de la santé. Sanofi, c'est le seul grand industriel qui ait développé en parallèle plusieurs vaccins. Il a fait le choix de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.

Aujourd'hui, on dit qu'il est en retard : mais imaginez que la technologie de rupture de l'ARN messager n'ait pas fonctionné. On n'aurait, actuellement aucun vaccin, et l'on serait heureux que des technologies un peu plus classiques arrivent sur le marché, même s'il avait fallu attendre 3 mois de plus.

Sans compter que lorsque l'on regarde ceux qui sont arrivés sur le segment de l'ARN messager, il s'agit non pas de producteurs de vaccins mais de jeunes biotechs.

Je ne partage pas du tout ce procès fait actuellement une grande entreprise de la santé française qui s'est profondément transformée au cours des 10 dernières années.

Ce dossier a néanmoins beaucoup rebondi car il fait écho à un désengagement de Sanofi en matière de R&D au cours des 10 dernières années. Et ce, alors que des initiatives comme le plan de relance favorisent justement l'investissement dans l'innovation...

De nouveau, je suis très perplexe concernant l'affirmation qu'ils ont coupé dans leur R&D car au fond, ils ont complètement transformé leur R&D, pour être justement au plus près des enjeux de la biotechnologie et de la bioproduction. Or, quand on se transforme, il y a forcément des éléments qui s'en vont et d'autres qui arrivent. Et comme nous sommes en France, les gens ne retiennent que ce que l'on arrête et ne voient pas le reste.

Au final, cette crise montre deux choses : d'abord nous avons de la chance d'avoir conservé un champion de la santé en France. Au final, ils ont mis trois vaccins en route et en auront sans doute deux sur la ligne d'arrivée. Et quand il faudra vacciner le monde entier pour se débarrasser de cette pandémie, je pense que Sanofi fera partie des entreprises qui auront contribué à résorber cette pandémie.

Les polémiques stériles seront vite oubliées. D'autre part, on constate que, sur des sujets de rupture, ce qui fait avancer les choses est d'avoir de petites entreprises hyper flexibles, totalement concentrées sur les sujets de rupture et qui ont la capacité à prendre des risques. N'oublions pas que Moderna a cumulé 8 milliards de dollars de pertes avant de trouver son dernier vaccin. Cela signifie qu'il y a quand même des gens qui ont, pendant des années, investi fortement sur ces sujets. Qu'aurait-on dit si Sanofi avait perdu 8 milliards elle-même ? Je ne partage donc pas le sentiment que notre industrie est le maillon faible de l'exercice.

Autre enjeu d'actualité : celui du débat entre relocalisation des capacités industrielles, qui est désormais souvent opposé à celui de la localisation des usines : êtes-vous de ceux qui pensent qu'il faut d'abord localiser la production avant de faire revenir les usines basées à l'étranger ?

On a en effet beaucoup parlé de relocalisation, mais je préfère effectivement parler de localisation parce que le sujet, c'est avant tout de faire venir des industries en France.Quand on se contente de vouloir faire revenir ce qui est déjà parti, on ne traite qu'une toute petite partie du problème.

La localisation, c'est justement de permettre que toutes les activités nouvelles puissent réellement venir s'implanter en France. C'est cela, notre chantier. Il faut partir de nos grandes priorités, que sont l'innovation, le numérique, la transition écologique, et qui constituent de grandes occasions de rebattre les cartes et de faire plus d'industrie dans notre pays.

Le mouvement s'était d'ailleurs amorcé doucement entre 2017 et 2019, mais a été balayé par la crise sanitaire. L'enjeu, c'est de reprendre cette trajectoire positive le plus vite possible, pour sortir de la crise.

Quand on parle de réindustrialisation, plusieurs sujets qui reviennent régulièrement sur la table comme la répartition des marchés à adresser au niveau européen, mais aussi le coût de la main d'œuvre. Peut-on réellement penser la réindustrialisation uniquement à l'échelle française ?

L'Europe est un marché ouvert. On peut éventuellement protéger le marché européen, mais on ne peut pas protéger le marché français. On a des concurrents polonais, allemands, italiens, anglais : de toute façon, on doit être bons.

Si les fondamentaux sont bons, à un moment donné, le marché s'ouvre. Au contraire, si ces éléments ne le sont pas, même en France, les choses seront difficiles. Les deux piliers de la réponse seront donc l'innovation et la compétitivité.

Avec, d'un côté, l'innovation que l'on va notamment retrouver dans les techniques de production, la numérisation et l'automatisation des lignes. Des éléments qui sont déjà, en quelque sorte, le quotidien de l'industriel. A ce sujet, le plan de relance va apporter un soutien à l'investissement, et accélérer un certain nombre de choses.

Mais une fois que l'on est innovant et compétitif dans un marché européen ouvert, il est certain que les industriels pourront ensuite aller vers l'Europe, et même envisager d'attaquer la Chine, les Etats-Unis, l'Amérique latine. Nous vendons nous-mêmes des nacelles Haulotte aux quatre coins du monde, dont une bonne partie sont produites dans nos usines françaises, parce qu'on a travaillé la qualité des produits et l'innovation.

Au sein des ingrédients de la compétitivité, on retrouve toujours la question de la main-d'œuvre et de son coût. Quelles sont les pistes pour adresser cet enjeu au sortir de la crise ? Ne va-t-on pas devoir faire des efforts supplémentaires, notamment en matière de politique fiscale si l'on souhaite damer le pion à nos voisins ?

Tout dépend à qui l'on se compare. Notre sujet est surtout en Europe occidentale, car on sait très bien que l'ouvrier chinois coûtera encore longtemps sensiblement moins cher que l'ouvrier français ou allemand.

Le sujet de compétitivité doit donc d'abord être regardé auprès en comparaison de nos voisins. C'est là où l'on retombe sur la question des impôts de production, des charges sociales, et de l'efficacité administrative du pays. Nous avons aussi des sujets autour de la qualification et des métiers, de l'automatisation des lignes de production à traiter relever.

En cela, je crois que l'industrie du futur est une réponse, car c'est à travers elle que l'on sera capables d'être plus inventifs et de tirer les compétences vers le haut. Au lieu d'avoir des opérateurs qui montent fabriquent des produits, on aura des conducteurs de  lignes automatisées et des techniciens de maintenance de machines intelligentes. Il existe une place pour une industrie moderne et compétitive en France. Cette compétitivité s'évalue par rapport à nos grands voisins occidentaux, qui ont des niveaux de vie et de salaires proches du nôtre.

Suite à cette crise, on voit bien que le sujet de la réindustrialisation est porté également au niveau européen. Ne faut-il pas, comme certains l'estiment, adresser cette question à une échelle plus large, comme celle de l'Europe ?

Il faut faire les deux, en se demandant dans quels domaines l'espace européen est compétitif, performant. Nous avons par exemple le leader mondial de la fabrication de machines à produire des puces électroniques qui se trouve en Europe. Certes, il ne produit pas les puces, mais sans ses machines, tous les fabricants de puces s'arrêtent.

Parlons aussi des batteries : il est nécessaire de réaliser une bonne analyse du marché, des capacités de production nécessaires, et se battre ensuite pour qu'une partie de ces capacités soit en France, l'un des grands pays industriels au cœur de l'Europe, qui offre à la fois des salariés de qualité, un niveau de formations, etc.

Il faut donc savoir prendre notre part, et faire comme les Allemands qui sont très européens mais qui, à la fin, préfèrent que les usines s'établissent chez eux plutôt qu'ailleurs. Et mettre en avant nos atouts et nous en avons beaucoup : la géographie, la compétence, la réactivité, le dynamisme.

A l'Etat ensuite, que nous aiderons, de lever les verrous, afin de faire qu'il y ait par exemple demain une gigafactory de batteries en France, une grande usine de fabrication d'hydrogène décarboné à proximité d'une grande centrale nucléaire et que l'on devienne une référence dans ce domaine. Le plan hydrogène de 7 milliards peut transformer la France en une vraie terre d'excellence industrielle.

Sur le terrain des ressources humaines, la période de crise coïncide avec le déclin de certaines industries liées aux énergies fossiles, comme le diesel au sein de l'automobile, et l'arrivée de nouvelles filières comme les énergies renouvelables, qui vont présenter de forts besoins de recrutements. Comment répondre demain à cet enjeu de compétences au sein du tissu industriel et faut-il s'y préparer dès maintenant ?

Dans une période de transformation comme celle-ci, l'accompagnement des hommes est central. Les compétences accumulées ne sont pas devenues inutiles pour autant et peuvent être réorientées vers dans de nouveaux métiers.

C'était déjà le principe avec les passerelles qui se sont constituées entre secteurs d'activités, car il est dommage de laisser perdre toutes ces compétences, et de devoir ensuite les reconstituer intégralement.

Cela va cependant demander de résoudre des sujets liés à la mobilité, car il ne s'agit pas toujours des mêmes bassins d'emplois. Or, on sait qu'aujourd'hui, les populations sont moins mobiles.

Il faudra aussi être en mesure de bien définir et anticiper les besoins, même si les aléas économiques d'une crise comme celle-ci pourraient remettre en cause un certain nombre de trajectoires. Il va falloir en permanence s'adapter, sans jamais oublier que la formation n'est pas un but en soi, mais un outil au service de l'employabilité des salariés et de leur épanouissement personnel.

Les ambitions en matière de réindustrialisation sont aujourd'hui fortes au sein du plan de relance : mais à partir de quand pourra-t-on se dire que l'on a réussi ce virage, et non pas misé sur des « mesurettes » ou des sites « totems ». Quels sont vos objectifs à court, moyen et long-terme ?

Je pense d'abord que c'est le poids de l'industrie au sein du PIB français qui nous permettra d'avoir de premiers éléments de réponse. Celui-ci était en phase descendante de 1980 à 2016, puis s'est stabilisé pour la première fois entre 2017 et 2019.

L'industrie étant un secteur qui s'évalue sur le temps long, nous savons que les décisions que nous prenons aujourd'hui vont mettre du temps à manifester leurs effets. L'important, c'est que la courbe reprenne une pente positive le plus vite possible.

Tout le monde s'accorde aussi à dire qu'il nous faut renouer le plus vite possible avec un poids de l'industrie qui corresponde à 15% de notre PIB. Ensuite, il y aura bien entendu le nombre d'implantations, de salariés de la filière, le niveau d'investissements.

Mais il n'est pas très pertinent de se donner des objectifs en valeur absolue, si c'est pour se désespérer de ne pas les avoir atteints. Il faut pour cela commencer à regarder si l'on reprend le chemin d'une croissance industrielle dans notre pays.

En termes d'investissements, faudra-t-il se résoudre à accueillir, en parallèle des investisseurs étrangers, pour y parvenir, ou réintéresser les Français à l'investissement industriel, y compris au sein du capital-risque ?

Je ne pense pas qu'aujourd'hui, le sujet soit le financement, mais l'attractivité. L'argent est déjà disponible, de même que les projets.

Le sujet est de savoir si ces projets se feront suffisamment en France, mais aussi, de s'assurer que cela passe bien par de l'investissement physique. Car une fusion entre deux grands comme Lafarge et Holcim fait un très bel investissement étranger en France, mais cela ne réindustrialise pas la France pour autant.

Le véritable investissement se fait lorsqu'on investit dans de nouvelles capacités de production. Le succès du guichet Industrie du futur en témoigne : il faut nous appuyer sur ce levier. La dynamique est amorcée, et le fait que les perspectives d'investissement pour 2021 soient positives dès l'année suivant la crise, ou que l'on veuille créer une grande unité de fabrication d'hydrogène décarbonée en France, le confirme.

Même chose avec Sanofi, qui veut implanter sa nouvelle usine de vaccins à côté de Lyon, ou Renault fabriquer ses nouveaux véhicules électriques dans le Nord de la France. Faire des investissements physiques va ensuite contribuer à irriguer des territoires.

Cette relance et réindustrialisation s'inscrit dans un contexte très marqué également par le développement durable. Est-ce également l'opportunité, là aussi, de transformer le visage de l'industrie et les modes de production vers une révolution « green » plus massive ?

Il ne faut déjà pas oublier que l'industrie a déjà fait beaucoup en ce sens. En l'espace de 30 ans, nous avons divisé par deux les émissions de carbone de nos usines et même si une fraction de ce chiffre peut être liée à la désindustrialisation, l'essentiel repose sur l'amélioration des process et un travail qui a été réalisé en profondeur.

Nous avons des savoir-faire qui permettent d'adresser les enjeux de décarbonation de l'économie : toute la question sera de savoir à quelle vitesse on veut avancer et à quel coût, afin de trouver la bonne trajectoire.

Il faut rappeler qu'aujourd'hui, l'énergie décarbonée repose en grande partie en France sur l'électricité décarbonée, qui provient elle-même du nucléaire. Car une voiture électrique qui serait utilisée en Pologne ou en Inde ne contribue en rien à la réduction des émissions de CO2. Il est donc nécessaire d'aller jusqu'au bout des analyses.

L'industrie est porteuse des solutions, on a inventé déjà beaucoup de choses : les nouveaux matériaux d'isolation, la production de chaleur décarbonée, l'acier et le ciment décarboné, le recyclage des plastiques, l'écoconception des produits... Et on va continuer même si l'on bute aujourd'hui sur le fait que le carboné est encore très souvent beaucoup moins cher que le décarboné. Le non durable, beaucoup moins cher que le durable.

Il faut donc déterminer à quelle vitesse on veut avancer, et avec quel type de soutien. Car je ne crois pas que dans le monde, les gens soient prêts à payer deux fois plus cher des produits décarbonés plutôt que carbonés. Mais c'est avec les industriels que l'on construira la transition écologique, sujet par sujet, usage par usage et filières par filières.

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Commentaires 7
à écrit le 06/04/2021 à 15:03
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Bonjour, Depuis le départ de Yves Boucly et surtout de José Monfront, Haulotte Group ne sait plus sortir de bons nouveaux produits, il y avait dans les années 2000 à 2012, une équipe performante qui s'avait trouver des avantages concurrentiels, et p...

à écrit le 17/02/2021 à 10:01
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Veille STRATÉGIQUE Audit / analyse forces et faiblesses Partir de l'existant avec une vision systémique. REFLEXION et Action CONSTRUIRE UN pont vers le FUTUR ! Wer will, der kannt.( man sagt in Deutschland) COMPÉTENCES et atouts existent, il...

à écrit le 17/02/2021 à 3:10
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55 ans et deja une tete de vieux.

à écrit le 16/02/2021 à 18:42
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j ai connu m saubot en 1985 lors de la reprise de haulotte pinguely dont j etais directeur des ventes .Il est impossible qu il n ait que 55 ans ou alors c est son fils,?.Haulotte est leader des plateformes telescopiques mais ne fabrique plus de gr...

à écrit le 16/02/2021 à 10:28
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C'est bien... avec les industriels que l'on est entrain de construire 'une' transition climatique mais ce n'est pas avec eux que l'on pourra réparer les dégâts! Il n'y a que votre argent qui les intéressent!

à écrit le 16/02/2021 à 10:25
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C'est ballot, ils ont tout délocalisé ! La pompe impôt sera la par contre, mais a force de faire du business simplement avec les fonds publics, cela ne risque pas de fonctionner! On ne peut avoir financiarisé l'économie et espérer une quelconque ...

à écrit le 16/02/2021 à 7:50
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Y a quasiment plus d'industriels français ... tout a foutu le camp en Chine et en Roumanie depuis les années 80.

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