C'est une petite phrase qui interroge. Dans le contrat de filière quinquennal entre le monde automobile français et l'Etat, qui sera signé le 6 mai prochain et dont le quotidien Les Echos a pu se procurer la version finale, il est indiqué que l'Etat « se portera garant des bonnes relations entre donneurs d'ordre et fournisseurs », via notamment « des rencontres régulières de haut niveau ». Autrement dit, le gouvernement pourrait intervenir dans les négociations entre les constructeurs automobiles et leurs fournisseurs. La raison de cet interventionnisme ? « La succession des crises que nous avons connues depuis 2020 a généré de multiples tensions au sein de la filière », est-il justifié dans le contrat. Sollicité par La Tribune, le gouvernement reste muet quant à la nature de son intervention dans ces contrats.
Récemment encore, les fournisseurs ont tiré la sonnette d'alarme. C'est le cas du Groupement plasturgie automobile (GPA), qui regroupe les acteurs à l'origine des composants en plastiques et composites des voitures. Il a décidé de publier début avril un indice sur la surinflation des coûts de production depuis 2020.
« La filière se retrouve dans une situation où les marges calculées il y a trois ans, qui étaient relativement stables, ont complètement changé », a justifié le président du GPA Jean-Baptiste Humann. Et pour cause, le principal problème des équipementiers avant 2020 concernait les éventuelles baisses de volume de vente de voitures. Depuis 2020, plusieurs crises se sont ajoutées, entraînant une inflation sur les salaires, le coût de l'énergie ou encore le coût des matières premières.
Une inflation sous-estimée
Le GPA prévoyait ainsi une inflation de 2,7% en moyenne entre 2020 et 2024, mais en réalité, les coûts de production ont grimpé de 16,6%, soit une surinflation de 13,6%. Or, le prix d'achat n'est pas révisé durant la durée de production d'un véhicule - environ 7 ans - et les plasturgistes se retrouvent à produire à perte. Ce calcul d'indice permettra aux fournisseurs, du moins c'est ce qu'espère le GPA, de mieux renégocier les prix d'achat avec les constructeurs automobiles.
« S'il n'y a pas de remise à jour des prix, on risque de se traîner des véhicules qui ne vont pas être rentables et creuser peu à peu notre tombe », se désole François-Xavier Lemasson, vice-président du GPA.
En tout, la filière plasturgie regroupe près de 13.700 emplois répartis dans des petites structures, mais également des équipementiers de premier rang comme Plastic Omnium, désormais OPmobility. Contacté par La Tribune plusieurs fois, ce dernier n'a pas répondu aux sollicitations. Car la position des fournisseurs est délicate et rend les discussions encore plus tendues avec les constructeurs. Ces derniers peuvent en effet se tourner vers d'autres équipementiers venus des pays de l'Est de l'Europe ou d'Asie aux prix plus attractifs en cas de fort désaccord.
Les constructeurs font la sourde oreille
« Les constructeurs maîtrisent les volumes et peuvent faire un effort dessus, de même que sur le prix et le mix produits. Autant de leviers que l'on ne maîtrise pas », affirme Jean-Baptiste Humann. D'autant que les récents résultats des constructeurs automobiles, dont les records de bénéfices pleuvent, font grincer les dents des équipementiers.
Si la filière se défend d'un bras de fer avec les donneurs d'ordre, elle regrette l'absence d'écoute de leur part.
« Les constructeurs français ont pris en compte le contexte difficile fin 2022 et début 2023. Mais depuis 2024, nous sentons un durcissement du dialogue avec certains directeurs d'achats qui parlent d'une inflation nulle et oublient que l'inflation est cumulative. »
De leur côté, Stellantis a demandé davantage d'efforts sur les prix quand Renault a botté en touche. Le GPA estime que les dialogues sont plus faciles avec d'autres constructeurs comme Toyota, mais également avec les constructeurs de camions. Le groupement dispose de peu de leviers pour se faire entendre. Certains font barrage pour ne pas livrer des pièces quand d'autres s'en remettent au politique. « Nous échangeons avec le ministère de l'industrie à ce propos », a confirmé Christine Rampin, déléguée générale du GPA.
Un message à priori entendu par l'Etat, qui présentera l'ensemble de ses propositions pour la filière automobile le 6 mai prochain, soit le même jour que la venue du président chinois Xi Jinping en France. Si le gouvernement devait intervenir pour protéger les fournisseurs français, au détriment des équipementiers de l'empire du Milieu, pas sûr que le dirigeant chinois soit ravi de sa visite.
Sujets les + commentés