« Il faut préserver une solution abordable pour les classes moyennes en réduisant les émissions de CO2 ». Le directeur général de Stellantis, Carlos Tavares, est venu saluer, jeudi, les employés de sa nouvelle co-entreprise à Metz baptisée e-Transmissions. Dans son usine historique, Stellantis s'est associé à Punch Powertrain, un équipementier belge, pour la fabrication de sa nouvelle boîte de vitesses automatique disponible sur les prochains véhicules hybrides du groupe. Elles constitue, pour le dirigeant, une des solutions pour diminuer l'âge du parc automobile à un coût raisonnable. Sans compter que cette nouvelle boîte de vitesses permet d'économiser 20% de CO2 en moyenne.
Le dirigeant en a profité pour revenir sur le choix de miser sur l'hybride plutôt que de s'orienter entièrement vers l'électrique. Carlos Tavares a ainsi appelé à sortir du « dogme » de l'électrique et à être « pragmatique ». « Les classes moyennes ne peuvent pas acheter un véhicule électrique à 40.000 euros ou alors il sera chinois. La solution est ici », a-t-il lancé.
« L'électrique, ce n'est pas encore tranché »
Sur ce site de 16.000 mètres carrés, 600.000 boîtes automatiques seront produites d'ici fin 2024. Un investissement de 70 millions d'euros a été réalisé pour construire deux lignes de production dans une nouvelle partie de l'usine complètement réaménagée pour l'occasion. Un mur sépare « l'ancien monde » du « nouveau monde ». De part et d'autre, l'ambiance est diamétralement opposée. Du côté des anciennes boîtes de vitesses, une odeur d'huile et de la poussière se dégage du bâtiment très sombre. De l'autre côté du mur, on retrouve un éclairage blanc et une ambiance aseptisée nécessaire à la production de cette boîte de vitesses qui intègre un moteur électrique à l'intérieur de la boîte automatique.
Ce système, spécifique à Stellantis, permet de gagner en efficacité du moteur thermique et d'économiser du carburant. Les premiers véhicules équipés seront les Peugeot 3008 et 5008 et sortiront de l'usine dans quelques semaines. Les autres modèles du groupe suivront peu à peu. Stellantis n'exclut pas de produire pour d'autres constructeurs également.
Ce système permet de conserver les moteurs thermiques en diminuant les émissions de CO2 pour être en accord avec la future norme Euro7 européenne. Une aubaine pour Carlos Tavares qui a rappelé que ces moteurs étaient compatibles avec les carburants de synthèse. Une solution que le dirigeant n'exclut pas dans le futur, notamment après l'acceptation de la Commission européenne de vendre des voitures thermiques alimentées aux carburants de synthèse après 2035. « Avant que l'Allemagne ne lève le doigt c'était tranché [sur l'électrique]. Là, ce n'est pas tranché, je serai prudent sur l'avenir. Nous avons une incertitude sur le 100% électrique. »
Des disparitions d'emplois inévitables
Une incertitude qui ne l'empêche pas de prendre des décisions drastiques pour « changer de monde ». Après l'annonce un peu plus tôt dans la matinée d'un plan de départ volontaire massif aux Etats-Unis, le dirigeant a tenu à rassurer les équipes des usines de Metz. Il a salué le travail de ses salariés dans cette transition, rappelant au passage que la production de cette nouvelle boîte de transmission permettra l'emploi de 500 personnes. Pour l'heure, seulement 120 travaillent actuellement dessus. Les autres viendront compléter l'équipe avant la fin de l'année.
Mais embaucher ne va pas être une mince affaire. Si la co-entreprise assure les mêmes conditions d'emploi que chez Stellantis avec un environnement de travail présenté comme « idéal », difficile de convaincre les employés de changer totalement leur travail. « Il faut repartir de zéro et quitter son confort, ce n'est pas évident », explique Gilles Ciesla, responsable logistique chez e-Transmissions. Les syndicats, en discussion avec Carlos Tavares l'après-midi, ont aussi exprimé leurs doutes quant à la détention depuis 2016 de Punch Powertrain par un groupe chinois. « Nous aurions préféré que ce projet se fasse entièrement en interne. »
Surtout, si Stellantis met en avant les possibilités de recrutement de ce côté du mur, le reste de l'entreprise, où travaillent actuellement quelque 3.000 salariés, va voir ses effectifs se restreindre. Carlos Tavares a ainsi tenu à rappeler :
« Une transition, ce n'est pas une addition. Quand on transforme l'industrie automobile, cela ne signifie pas que l'on va mettre une couche de l'ancien monde sur le nouveau monde. Il y a beaucoup de choses qui existaient avant et qui n'existeront plus. Il faut que chacun comprenne la portée de ce qui a été décidé par les représentants du peuple, à savoir que c'est une vraie transformation avec de vrais changements qui peuvent impliquer votre vie familiale. »
Le dirigeant a rappelé sa volonté d'accompagner les employés au mieux dans ces changements d'emplois tout en soulignant qu'« on ne peut pas demander à une entreprise d'absorber les changements toute seule ».
Pas de guerre de prix pour Stellantis
Enfin, il est revenu sur le futur prix des voitures, notamment électriques. La barrière des 25.000 euros ne devra pas être franchie pour permettre la liberté de déplacement des classes moyennes européennes. Si Stellantis planche actuellement sur diverses solutions pour proposer de prochains modèles électriques à ces prix, l'arrivée massive des constructeurs chinois inquiète. « Pouvons-nous concourir contre les constructeurs chinois si nous avons des coûts de structure différents ? La question est posée », s'est inquiété le dirigeant.
Concernant une éventuelle baisse des prix liée à celle annoncée par Tesla récemment, Carlos Tavares a estimé qu'il fallait se montrer cohérent sur l'ensemble de l'industrie en vendant les véhicules « à leur juste valeur », rappelant qu'il s'agit là d'une question « d'éthique et de respect » vis à vis des salariés qui travaillent sur les projets. « Je n'ai pas l'intention de rentrer dans une guerre des prix ».
La journée s'est terminée sur l'épineuse question de la rémunération du grand patron, acceptée par les actionnaires il y a deux semaines et largement au-dessus de celle des dirigeants du CAC40. Carlos Tavares n'a pas éludé la question : « ce que je comprends, c'est que nous avons en France un problème de société qui ne se pose pas ailleurs. S'il y a un problème, il faut juste le régler au travers des urnes avec des projets de sociétés qui modifient la rémunération des dirigeants dans le pays, et chacun s'alignera sur ce qui aura été décidé ».
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