Transition vers la voiture électrique : et si la solution venait de Dacia ?

Accessible, robuste, équipée avec le minimum de technologies, la marque Dacia propose des modèles à des prix défiant toute concurrence depuis des années. Mais avec le passage vers l'électrique et l'augmentation du coût des véhicules, ce modèle longtemps jugé low cost séduit de plus en plus la classe moyenne. La Dacia Spring, proposée à 20.000 euros, arrive en tête des ventes électriques en France, devant la Peugeot 208. Comment la marque roumaine parvient-elle à rester compétitive, même sur l'électrique ? Explications.
Dacia a pour objectif de fabriquer une voiture électrique à 15.000 euros d'ici quelques années
Dacia a pour objectif de fabriquer une voiture électrique à 15.000 euros d'ici quelques années (Crédits : GILLES GUILLAUME)

Ne garder que l'essentiel. C'est le concept de Dacia depuis sa création en 1966 en Roumanie. À l'époque, l'objectif était de créer des voitures « robustes et économiques pour tous ». Depuis le début de l'année, la marque Dacia, qui appartient désormais au groupe Renault, a vu ses ventes augmenter de 40% en Europe. En 2022, l'entreprise roumaine a vendu 575.000 voitures pour une part de marché de 7,6%. En 2023, celle-ci était à 8,5% et ne devrait pas diminuer, puisque le Bigster est attendu pour 2025 et sera le premier SUV de la marque du segment C, soit la catégorie de voitures mesurant plus de 4 mètres de long comme la Megane E-Tech.

La Dacia Sandero est même la deuxième voiture la plus vendue en Europe, derrière la modèle Y de Tesla et la marque se classe dans le top 5 des ventes dans 13 pays avec, notamment, la première place en France et en Italie ainsi que la quatrième place en Allemagne, pourtant le pays des grosses berlines. Pour répondre à son nombre croissant de demandes, Dacia possède deux usines au Maroc : une en Chine en co-entreprise avec DongFeng, ainsi qu'une en Roumanie. C'est dans cette dernière usine que nous avons pu percer le secret du succès roumain, qui deviendra peut-être le modèle à suivre pour la transition vers l'électrique.

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Le prix : moteur de la marque

D'abord présentée comme « low cost », Dacia s'est peu à peu fait une place dans le foyer des classes moyennes. « Nos clients ont désormais des revenus entre 30.000 euros et 40.000 euros », confirme Xavier Martinet, le directeur des ventes et des opérations de la marque. Et ce, grâce à l'augmentation des coûts des composants qui a tiré les prix des véhicules vers le haut, y compris ceux de Dacia, et a poussé les ménages à redescendre en gamme pour rentrer dans leur budget. Avec des prix entre 12.000 euros pour une Sandero et 20.000 euros pour une Spring électrique, Dacia se place nettement en dessous de ses concurrents, souvent deux fois plus chères.

« Les concurrents annoncent des citadines électriques à 25.000 euros, ils sont à des années-lumière, nous le faisons déjà depuis l'année dernière », s'est réjouit Xavier Martinet, évoquant la bataille des constructeurs européens entre la R5 de Renault, la C3 de Citroën et la ID.2 de Volkswagen. Mais ce coût cache aussi une production chinoise où l'écosystème électrique mature permet de faire des économies d'échelle importantes comparé aux autres citadines produites en Europe. Et c'est là où le bât blesse : la Dacia pourrait ne plus bénéficier du bonus de 5.000 euros prochainement puisqu'il devrait être fléché à destination des voitures à l'impact carbone plus faible et donc, de fait, pas produits en Chine.

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Dacia ne prévoit pourtant pas de rapatrier sa voiture dans son usine européenne, estimant que le coût du transfert de l'écosystème chinois à l'Europe serait bien plus élevé que les avantages du bonus. « Si, à terme, le marché de l'électrique ouvre des opportunités, cela fait sens de produire à côté de là où l'on vend. Mais les volumes ne sont pas encore suffisants, il faut plus de 100.000 voitures produites dans une usine si l'on veut amortir les coûts. » Or, la Renault Megan E-Tech produite en France, par exemple, n'est sortie qu'à 30.000 exemplaires.

Ces petits prix s'expliquent par plusieurs facteurs. Le premier : ne proposer que 4 modèles, tous à destination de public ciblé précisément. Ainsi la Sandero correspond aux plus petits budgets, le Duster aux ménages souhaitant un petit SUV compact, le Jogger pour les familles nombreuses avec ses 7 places et la Spring pour ceux qui souhaitent passer à l'électrique.

Peu de technologies, peu de modèles

Le C-SUV Bigster prévu pour 2025 compte séduire les foyers aux revenus supérieurs et s'attaquer aux marques allemandes notamment. Deux autres modèles sur le segment C viendront compléter la gamme après 2025. « Sept modèles, c'est vraiment le maximum », selon Xavier Martinet. Toutes les voitures sont proposées avec 5 couleurs seulement et un nombre d'options restreint pour les entrées de gamme.

« Nous partons avec peu de choix ce qui nous permet de limiter les investissements et de maintenir un prix intéressant. Cela facilite les achats et la production. Après seulement, nous enrichissons la proposition. Ce sont des petits pas très rapides en fonction du succès avec une même question à chaque fois : est-ce qu'il y a un marché ? », explique Xavier Martinet.

Et c'est peut-être là que Dacia a raison. Les voitures, moins équipées, sont également moins lourdes d'environ 300 kilos. Ce poids permet des plus petits moteurs et une batterie plus petite pour la Spring avec une autonomie de 230 kilomètres.

« Il y a beaucoup de clients qui ne veulent pas beaucoup de technologies mais une voiture plus légère. Le trajet moyen est de 31 kilomètres par jour, nous pourrions même réduire l'autonomie par deux de la voiture. Nous ne voulons pas nous positionner sur des véhicules avec une autonomie de 400 kilomètres ou 500 kilomètres, nous resterons en dessous », a renchérit le directeur de la marque, Denis Le Vot.

Des voitures peu équipées, une réduction du sponsoring et de la publicité ainsi qu'une simplification des modèles proposés : telle est la recette magique de Dacia. Ou, dit plus simplement par la marque, « des voitures pour ceux qui ne veulent pas mettre toutes leurs dépenses dedans ». Or, c'est précisément ce modèle qui est proposé par de nombreux scientifiques comme celui du futur, en particulier sur l'électrique, à contre-courant des grosses berlines et des SUV équipés de technologie de pointe et proposés à des prix autour de 40.000 euros.

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Très peu de robotisation

Les petits prix de Dacia s'expliquent aussi lors de sa fabrication. Dans l'usine roumaine située à Mioveni, à deux heures de Bucarest, seulement la moitié est robotisée. C'est nettement moins que les autres usines européennes qui affichent des taux de robotisation de plus de 80%. Si ce choix peut paraître paradoxal, tant on a vanté les gains de coûts grâce aux machines, Christophe Dridi, le directeur industriel, s'en défend :

« Je pense qu'il faut avoir un savant mélange entre les robots et les hommes pour rester flexible. Nous robotisons les pièces lourdes et difficiles à manipuler mais il est très important de garder des humains pour adapter la masse salariale à la demande de véhicules. Si vous investissez dans de nouveaux robots mais que votre nombre de commandes baisse, il est compliqué de s'ajuster. Idem lorsqu'il y a des pénuries comme récemment sur les semi-conducteurs, les robots sont beaucoup plus lents à s'adapter.  »

C'est donc près de 10.000 personnes qui travaillent en Roumanie, pour un salaire de 1.200 euros net en moyenne. Une masse salariale qui ne représente que la quatrième dépense de l'usine, derrière les coûts des matières premières, de l'énergie ou encore les coûts d'amortissement.

La production est aussi très rapide : une voiture fabriquée toutes les 55 secondes soit quelques secondes de moins que chez Renault ou même Toyota, pourtant réputé pour son organisation et sa cadence. « Nous investissons là encore dans ce qui est essentiel », souligne Christophe Dridi. C'est pourquoi l'usine s'est équipée d'une ligne de production à haute vitesse, capable de découper 700 pièces de capots à l'heure. Une autre ligne similaire est présente dans l'usine Dacia à Tanger. Résultat : 350.000 voitures sortent du site roumain chaque année et 400.000 proviennent des deux usines au Maroc. Dacia pense produire 1 million de véhicules très rapidement après la sortie du Bigster.

Vers un nouveau modèle électrique à 15.000 euros ?

Pour s'adapter à la demande, il faudra certainement augmenter les capacités de production. Le directeur de la marque affirme regarder les usines déjà présentes du groupe Renault et n'envisage pas d'en créer une nouvelle. Difficile d'en savoir plus, tout comme la stratégie produit de Dacia. « Nous resterons sur notre ligne directrice, il faudra regarder ce qu'on pourra produire en 2027-2028, lors du remplacement de la Sandero, pour 25.000, 20.000 ou 15.000 euros », a avancé Denis Le Vot. La voiture électrique ultra low cost pourrait-elle venir de Dacia ?

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C'est en tout cas ce que le groupe espère en étant la première marque à proposer un véhicule compact, léger, peu équipé et électrique à 15.000 euros. Si l'équation semble compliquée, Dacia bénéficie d'une aide de taille : Renault. En effet, la marque au losange se veut l'une des pionnières sur l'électrique et souhaite installer un écosystème compétitif en Europe, à commencer par la production de batteries dans ses gigafactories à Dunkerque et Douai. Dacia va donc patienter quelque temps afin de bénéficier des futures technologies et investissements de la maison mère et réfléchit en attendant à de nouveaux designs, dans son centre flambant neuf de Bucarest.

Une chose est sûre, la voiture comme un futur smartphone sur roue ne sera pas une voiture Dacia. Car c'est peut-être finalement là le rôle principal de la marque : renouveler un maximum un parc automobile de plus en plus vieillissant et faciliter l'accès à l'électrique au plus grand nombre. « Nous sommes la meilleure machine à laver du marché, » a ainsi conclu Xavier Martinet.

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Commentaires 8
à écrit le 18/06/2023 à 12:56
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la technologie des batteries est completement depassee. c est une batterie lithium-cobalt ; nombre de cycles limite ( la toro fiat electique , teste par un ami, n a dure que un an ; meme le vendeur fiat du coin a ete refroidi . Meme chose avec la fo...

à écrit le 18/06/2023 à 12:55
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Aucune chance !

à écrit le 17/06/2023 à 16:23
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20.000 euros pour une boite à savon électrique ? Lors de la campagne de Pub elle était annoncée à 12.000 ce qui semblait raisonnable.

à écrit le 17/06/2023 à 11:16
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Lorsqu'on voit le peu de fiabilité des Renault, ça donne envie dans une Dacia d'être assis sur un pack de batteries susceptibles de prendre feu comme celà est déjà arrivé Sans parler des autres pannes. Il faudrait d'abord commencer par améliorer les ...

le 18/06/2023 à 11:21
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Une Dacia Spring sur 100 000 vendues a brûlé alors que des centaines de Tesla entre 40 000 et 100 000 euros ont cramé. Ne pas oublier que les thermiques brûlent aussi : par expie aux US il y a 150 000 feus de voiture par an.

à écrit le 17/06/2023 à 7:47
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"Nous sommes la meilleur machine à laver du marché" phrase désastreuse...

à écrit le 16/06/2023 à 20:06
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"Mais ce coût cache aussi une production chinoise où l'écosystème électrique mature permet de faire des économies d'échelle importantes comparé aux autres citadines produites en Europe. Et c'est là où le bât blesse : la Dacia pourrait ne plus bénéfic...

le 18/06/2023 à 4:37
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@BCE. Bien vu.

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