C'est ce qui s'appelle un changement de paradigme ou une volte-face gouvernementale. Exit les déclarations à l'emporte-pièce en pleine campagne présidentielle sur le pavillon avec jardin comme étant « un non-sens écologique, économique et social ». Place à un discours vantant la maison individuelle comme faisant « partie du rêve français ».
Des paroles du Premier ministre, Gabriel Attal, qui font « assez plaisir » aux constructeurs de maisons neuves, mais qui doivent encore se traduire en actions concrètes, prévient aujourd'hui le président du pôle Habitat de la Fédération française du bâtiment (FFB), Grégory Monod.
Et pour cause : au-delà de ces deux petites prononcées par des responsables politiques de haut niveau - la première en octobre 2021 par l'ancienne ministre du Logement Emmanuelle Wargon, la seconde le 14 février par le chef du gouvernement sur un chantier à Villejuif (Val-de-Marne) - « cela fait deux ans que les vents contraires s'accumulent sur le logement neuf », tempêtent les constructeurs.
Des ventes de maisons individuelles en recul de 39,1%
En 2023, il s'est en effet vendu 58.500 maisons individuelles neuves contre 96.097 en 2022. Soit 39,1% de moins d'une année sur l'autre. Pis, c'est moitié moins que la moyenne annuelle 2007-2023 qui s'établit à 118.441 ventes, a annoncé, ce matin lors d'un point presse, le pôle Habitat de la FFB.
« C'est une descente aux enfers: toutes les régions sont impactées de manière intense. Dans huit d'entre elles, l'écroulement est supérieur à 40%. Dans six régions, il est compris entre 30 et 40%. Seule la Bretagne connaît une chute inférieure à 30% avec -27% », a exposé Christophe Boucaux, son délégué général.
En 2024, « la situation ne pourra que s'aggraver » avec 8 mises en chantier pour 1.000 ménages, et « rien ne laisse entrevoir un rebond malgré une légère baisse des taux », a renchéri Grégory Monod, président du pôle Habitat du Bâtiment et promoteur à Annecy. Et ce du fait de l'exclusion du prêt à taux zéro (PTZ) des logements individuels neufs en zone détendue, c'est-à-dire là où l'offre immobilière est supérieure à la demande.
Le Premier ministre a fait « des déclarations d'amour »...
Aussi ces deux professionnels misent tout sur Gabriel Attal pour résoudre la crise. « Le Premier ministre a fait des déclarations d'amour à la maison individuelle. C'est la première fois depuis 2017 [et l'élection du président Macron] qu'un Premier ministre a un discours aussi offensif sur le logement », a applaudi Grégory Monod. « Maintenant, il va falloir des actes », a-t-il aussitôt mis en garde.
Partant du principe que « la maison individuelle reste la construction la plus rapide à redémarrer », le président du pôle Habitat de la FFB tend la main au chef du gouvernement sur la densification du tissu pavillonnaire, tel qu'annoncé par ce dernier mercredi dernier.
« Souvent, autour des pavillons, il reste de la place dont on ne sait parfois pas quoi faire. On va considérablement simplifier les procédures pour ceux qui le souhaitent, pour qu'ils puissent faire construire un logement supplémentaire sur leur terrain », a fait savoir le locataire de Matignon.
... mais les élus locaux sont-ils prêts à accepter cette densification ?
Grégory Monod s'interroge : « Est-ce que les élus locaux sont prêts à accepter cette densification ? » sachant qu'à l'heure de la politique de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols, la consommation foncière des terres agricoles et espaces naturels va diminuer, au moins de moitié, d'ici à 2031.
Aussi le président du pôle Habitat du Bâtiment a demandé au gouvernement à ce que les plans locaux d'urbanisme (PLU), à la main des maires, soient « plus agiles » pour modifier les règles. Même requête pour les lotissements en centre-ville puisque « les cahiers des charges ne permettent pas de les faire évoluer ».
Quelle est la limite acceptable pour les riverains ?
Autant de « vrais freins » que Grégory Monod appelle à lever. Pour trouver les meilleures pistes afin de faire repartir les constructions, l'opérateur commun à l'Etat et à la région Île-de-France, Grand Paris Aménagement, vient de proposer à deux communes une étude de faisabilité.
Une fois les résultats de l'enquête connus, soit les maires n'iront pas plus loin, soit ils pourront créer une zone d'aménagement concerté (ZAC) avec tous les avantages que cela comporte : création d'un règlement, contrôle de l'intégralité de l'urbanisme, avancée de trésorerie..., explique à La Tribune Jean-Philippe Dugoin-Clément, vice-président (UDI) du conseil régional francilien et président de Grand Paris Aménagement.
Car à côté de la problématique du manque de nouvelles maisons se tient celle de l'acceptation de la densification des villes.
« Nous savons faire de la densité à raison de 20 à 30 maisons par hectare. En revanche, si nous allons au-delà, nous risquons d'avoir du mal à le faire accepter par tout le monde et nous ne sommes pas à l'abri de recours », prévient, d'ores et déjà, le patron du pôle Habitat du Bâtiment.
Autant de messages que Grégory Monod s'apprête à passer au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu avec qui il a rendez-vous « dans quelques semaines ».
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