Gazole non routier (GNR) : le BTP fait pression sur Bercy pour être logé à la même enseigne que les agriculteurs

En déplacement dans une exploitation en Haute-Garonne le 26 janvier, le Premier ministre a fait volte-face sur la fiscalité du gazole non routier pour calmer la colère des agriculteurs. Une décision qui a pris de court les professionnels du BTP. D'autant que les acteurs économiques témoignent du manque d'alternatives à ce carburant fossile. Explications.
César Armand
(Crédits : C.A.)

C'est un acronyme que le commun des mortels ignorait jusqu'à la crise agricole : GNR pour gazole non routier. Ce carburant de couleur rouge sert à alimenter les moteurs des tracteurs, mais aussi les engins de chantier dans le bâtiment et les travaux publics. Moins polluant que le fioul, il a été introduit en France en janvier 2011 et est devenu obligatoire pour tous les engins industriels en novembre de la même année.

Jusqu'à peu, le coût du GNR, 40% moins cher que le gazole traditionnel, faisait l'objet d'une ristourne pour les entreprises agricoles et de BTP, gros consommateurs quotidiens de ce carburant. Sauf que selon Bercy, ce soutien au gazole non routier agricole représentait 1,3 milliard d'euros par an, celui au GNR non-agricole 1,1 milliard.

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C'était avant que Bruno Le Maire revoit et corrige la situation en septembre 2023. En pleine préparation du budget 2024, le ministre de l'Economie annonce alors la suppression de la niche fiscale « tout simplement pour faire basculer notre fiscalité d'une fiscalité brune - c'est une fiscalité qui incite à consommer des énergies fossiles, donc c'est mauvais pour le climat - à une fiscalité qui valorise les investissements verts ».

Et le patron de Bercy de faire savoir que la fin de la défiscalisation s'appliquerait progressivement à partir du 1er janvier 2024 et jusqu'à 2030 pour le bâtiment et les travaux publics, voire au-delà pour les agriculteurs. Aussi avait-il reçu la Fédération nationale des syndicats d'exploitations agricoles (FNSEA), les fédérations du bâtiment (FFB), des travaux publics (FNTP) ainsi que la Confédération de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises du bâtiment (CAPEB) pour négocier.

Volte-face face aux agriculteurs

Volte-face vendredi dernier. En déplacement dans une exploitation agricole, le Premier ministre a annoncé l'abandon de la hausse progressive jusqu'en 2030 de la fiscalité sur le gazole non routier. Entre deux bottes de foin, Gabriel Attal a proposé d'en finir avec un « système kafkaïen ».

« Vous payez votre GNR, vous devez remplir plein de papiers de formulaires, et l'année suivante, vous recevez de l'aide. Objectivement, c'est d'une complexité sans nom », a poursuivi le locataire de Matignon.

Autrement, les déductions accordées sur ce carburant seront désormais opérées dès l'achat, et non plus après coup sur justificatif et ce dès le 1er juillet 2024. L'exécutif vient même d'accélérer en ce sens. « Pour apporter un soutien immédiat de trésorerie », il vient d'ouvrir une plateforme de remboursement.

Le Gouvernement « a décidé le versement d'une avance au titre de 2024, correspondant à 50 % des sommes remboursées sur la base des achats réalisés en 2023. Cette avance est proposée automatiquement au moment du dépôt de la demande de remboursement et sera versée sans autre formalité sous un délai de 15 jours », écrit-il sur le site Internet du ministère de l'Economie, qui chiffre le gain de trésorerie à 200 millions d'euros dès février.

La décision a pris de court les professionnels du BTP

Il n'empêche : la décision a pris de court les professionnels du BTP qui exigent d'être logés à la même enseigne. En début de semaine, Bruno Le Maire a donc reçu les présidents des fédérations concernées, à commencer par Olivier Salleron, patron de la Fédération française du bâtiment (FFB). Sur LinkedIn, il a publié une photo de lui avec le ministre, expliquant qu'il l'a appelé à des mesures fortes pour l'égalité de traitement sur le GNR. Aujourd'hui, ses équipes se refusent à davantage de commentaires...

Autre acteur de premier plan qui a interpellé Bercy dès le 26 février dernier : la Fédération nationale des travaux publics (FNTP). « Nous attendons de connaître la nature des mesures de compensation qui ont été annoncées mais pas précisées et nous souhaitons avancer vite et fort sur les mesures visant à faire respecter les délais de paiement », déclare à La Tribune une porte-parole du président Alain Grizaud.

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La Confédération de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises du bâtiment (CAPEB) a, elle aussi, été reçue par Bruno Le Maire. « Il a promis à notre président Jean-Christophe Repon que des dispositions seraient prises pour protéger les TPE du bâtiment », affirme une membre de son entourage.

Les professionnels témoignent du manque d'alternatives au GNR

Depuis, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a indiqué, lors de ses vœux du 31 janvier, qu'il ferait des annonces pour le secteur le 15 février prochain. Dans l'intervalle, les acteurs économiques témoignent du manque d'alternatives au gazole non routier.

« Aujourd'hui encore la grande majorité des engins vendus en France sont des engins fonctionnant au diesel. La filière qui se met en place est l'électrique, avec des machines compactes, mais l'offre doit encore s'étoffer dans les années à venir », déclare ainsi à La Tribune, Pascal Petit-Jean, secrétaire général du Syndicat des entreprises de commerce international d'équipements et de fournitures automobiles et mécaniques.

« Malgré un réel effort des constructeurs à développer des matériels opérationnels et alternatifs aux GNR, les ventes restent très faibles et se heurtent à de nombreux freins parmi lesquels un coût d'acquisition supérieur aux matériels conventionnels », poursuit-il. D'autant qu'aucun dispositif d'accompagnement, type bonus électrique, n'existe...

Un constat partagé par le délégué général de DLR, la fédération des secteurs de la distribution, de la location, de la maintenance et des services pour les matériels destinés à la construction et à la manutention.

« Nous sommes allés rencontrer l'Etat pour leur demander des subventions de 60-100 millions d'euros - ce qui n'est rien pour le budget de l'Etat - mais surprise, la haute administration n'avait pas pris en compte dans sa réflexion la spécificité des matériels de chantier et de BTP », s'étonne encore Hervé Rebollo auprès de La Tribune.

Un ultime problème et non des moindres

De la même façon que les fabricants de matériels, regroupés au syndicat du syndicat Evolis, regrettent qu'« il n'y ait pas de véritable politique industrielle pour le secteur des machines et équipements afin de protéger (surveillance du marché aux frontières, mesures anti-dumping, ..) et soutenir les fabricants européens en valorisant leurs innovations écologiquement vertueuses ».

A cela s'ajoute un ultime problème et non des moindres :  l'alimentation en énergie des chantiers. Puisqu'ils sont non routiers, les matériels ne peuvent s'approvisionner en dehors de la zone de travaux et l'énergie doit leur être apportée sur site. Ce qui suppose d'y installer des bornes de recharge ou des stations d'avitaillement mobiles...

César Armand

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Commentaires 5
à écrit le 03/02/2024 à 18:25
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Rappelons que les sources d'énergie sont les vaches à lait de nos émirs du gouvernement. grâce aux taxes.

à écrit le 03/02/2024 à 14:18
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Allez tous réclamer votre exception avec le pognon des autres: agriculteur, promoteur, constructeur, cheminot, traminots, routiers, députés, sénateurs, taxis, fonctionnaire, infirmière.. l état est faible nos politiques versatiles et inconstants… i...

le 03/02/2024 à 20:27
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Demandons également la retraite à 2000 euros net à 50 ans...

à écrit le 03/02/2024 à 8:44
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"D'autant que les acteurs économiques témoignent du manque d'alternatives à ce carburant fossile." C'est vrai également maintenant nous ne mangeons pas du béton.

à écrit le 02/02/2024 à 21:38
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C'est bcp.moin chere l'utilisation des hélicopteres pour la constriction comme K-Max ou Chinook, et transportation des materiaux pour des batiments que des machines avec des moteurs de combustion diésel.Mais les français peuvent pas comprendre ça!

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