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C'est fait : le Sénat vient d'adopter, dans la soirée du 21 mai, la proposition de loi transpartisane de l'Assemblée nationale sur les remèdes aux déséquilibres du marché locatif. Ce texte « visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale » entend « mettre un peu d'ordre, un peu d'équilibre sur le marché, que ce soit en termes de rénovation thermique, de fiscalité mais aussi d'outils pour que les maires puissent réguler un peu mieux ces meublés touristiques », a rappelé, ce matin, sur France Info, le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian.
90 jours ou 120 jours ?
Parmi les dispositions qui font débat, la possibilité, pour les maires, d'abaisser de 120 à 90 jours la durée maximale pendant laquelle une résidence principale peut être louée a été supprimée par la Chambre haute.
« Cette mesure nous a fait tiquer. Nous n'avons pas vraiment compris son fondement sachant qu'elle n'a aucun impact sur le logement permanent », a justifié, ce 22 mai en conférence de presse, la rapporteure du texte, la sénatrice (LR) de Haute-Savoie Sylviane Noel.
En cela, elle s'inscrit dans les pas du directeur d'Airbnb France et Belgique. « L'impact sur le logement serait nul, puisque que cela reste une résidence principale, quel que soit le nombre de nuitées. L'impact sur le pouvoir d'achat et l'attractivité des territoires serait, lui, évident » déclarait, début mai à La Tribune, Clément Eulry, rappelant que sa plateforme a rapporté, en 2023, 187 millions d'euros de taxe de séjour aux collectivités.
Un quota pour quoi faire ?
Auditionné par la commission des affaires économiques du Sénat début avril sur le quota de résidences secondaires dans les communes, le même professionnel des meublés touristiques avait demandé la mise en place d'un décret d'application définissant la proportionnalité et faisant la différence entre le stock et le flux de logements concernés.
Demain, la commune pourra « fixer des quotas » et mettre en place « des mesures de compensation », à savoir que toute surface de logement transformée en meublé touristique devra faire l'objet d'une conversion équivalente d'une surface commerciale en logement, comme c'est déjà le cas à Paris.
Ces quotas seront exprimés en pourcentage et non plus en valeur absolue, comme le souhaitait l'Assemblée nationale, afin de « laisser aux communes la souplesse de prendre en compte l'évolution du nombre de logements. Cela permettra de calibrer dans le temps », a souligné, aujourd'hui, la sénatrice Noel.
Une servitude sur le logement neuf
Le maire pourra également introduire « une notion de servitude sur la résidence, c'est-à-dire que quand on construit du logement neuf, ce n'est pas pour que ces nouvelles constructions aillent sur le marché touristique », a annoncé le ministre Kasbarian.
« C'était quelque chose de très attendu par les élus locaux. Il faudra avoir 20% de résidences secondaires pour pouvoir y prétendre », a renchéri, cet après-midi, la sénatrice Noel.
Dans son département de Haute-Savoie, des communes comptent parfois jusqu'à 80% de résidences secondaires. Le Palais du Luxembourg a également prévu dans la loi des amendes dissuasives au cas où ces logements sortiraient du statut de résidence principale.
Quid de la fiscalité ?
Afin d'inciter les multipropriétaires à revenir à la longue durée, l'Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV), le syndicat des plateformes de location de courte durée, poussait, elle, à changer les règles du jeu. Aujourd'hui, tout bailleur d'un logement meublé de longue durée doit payer à l'URSSAF des cotisations sociales si ses recettes excèdent 23.000 euros. Dans le cadre de l'examen de la loi, l'UNPLV recommandait que ces abattements continuent de bénéficier aux petits propriétaires, mais qu'ils soient rabotés pour les multipropriétaires.
Ce lobby a été entendu. Le rapporteur général du budget, le sénateur (LR) de Meurthe-et-Moselle, Jean-François Husson, a fait adopter l'alignement du plafond du régime micro-BIC applicable aux locations meublées de tourisme non classés sur celui des meublés non professionnels (LMNP), à savoir 23.000 euros.
Ce dernier a également fait passer l'alignement des revenus tirés de la location de meublés classés sur un régime micro-BIC existant en les intégrant aux catégories d'activité qui bénéficient du régime jusqu'à 77.700 euros de chiffre d'affaires et de 50% d'abattement.
« Cela permet de conserver un caractère incitatif au classement et de prendre en compte le différentiel de charges existant entre un meublé classé et un meublé non-classé », a déclaré, ce mercredi, le sénateur Husson.
Enfin, le Palais du Luxembourg supprime la référence à un abattement de 71% pour certains meublés de tourisme classés qui constitue, dans le droit actuel, un avantage fiscal « excessif ».
Du côté du Palais-Bourbon, le député (PS) des Pyrénées-Atlantiques, Iñaki Echaniz, a, lui, bon espoir de passer, en commission mixte paritaire, à 40% pour les meublés classés, de 30% pour les non-classés et de 40% pour la longue durée. Sauf que le sénateur Husson en fait une ligne rouge en CMP, qualifiant le nouveau dispositif de « souple et lisible ».
Quelle réforme du DPE ?
A l'Assemblée en première lecture, les députés avaient, par ailleurs, supprimé la possibilité du conseil municipal de dérogation aux obligations de diagnostic de performance énergétique (DPE) quand elle est justifiée par des circonstances locales particulières. Et ce alors que dans les stations de ski par exemple, les passoires thermiques sont surreprésentées dans le parc locatif, alors même que ces logements restent indispensables pour la survie économique des territoires de montagne.
Justement, la sénatrice (LR) de Haute-Savoie, Sylviane Noel, a fait savoir que la Chambre haute avait distingué le flux et le stock de logements. Pour ces derniers, les propriétaires auront dix ans pour se mettre en conformité. « Les stations de ski peuvent avoir des taux de 80% des passoires thermiques. Il ne faut pas trop déstabiliser ces territoires et permettre aux gens de se mettre en règle », a insisté la parlementaire.
Selon toute vraisemblance, la loi devrait entrer en application après les Jeux olympiques et paralympiques de l'été 2024, juste avant l'arrivée de la loi de finances 2025 qui arrivera fin septembre en Conseil des ministres.
Ce texte gouvernemental se nourrira notamment d'un rapport sur la remise à plat de la fiscalité locative, signé par la députée (Renaissance) du Finistère Annaïg Le Meur, co-autrice de cette proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif. L'intéressée confie à La Tribune avoir remis le document, mais ne connaît pas encore le calendrier de l'exécutif.
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