Le président de la Fédération française du bâtiment (FFB) « ne voit rien venir ». Lors de la présentation du bilan 2023 et des perspectives 2024 du secteur le 13 décembre dernier, Olivier Salleron s'était étonné de ne pas avoir encore été consulté par la mission parlementaire sur la remise à plat de la fiscalité locative. D'autant que l'annonce a été faite le 19 octobre par le ministre du Logement, Patrice Vergriete, lors du Sommet de la Construction organisé par la FFB. Et ce, avant que la Première ministre, Elisabeth Borne, ne le répète et confirme le 16 novembre à Dunkerque, afin de « favoriser les locations de longue durée ».
Capter plus d'investisseurs
Selon nos informations, il s'agit d'examiner les dispositifs fiscaux existants comme l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), la fiscalité de cession et de succession, mais aussi de regarder les avantages fiscaux liés au logement abordable, pour les faciliter et les consolider. A l'époque, le ministre Vergriete confiait à La Tribune ne pas vouloir seulement traiter le cas des meublés touristiques, mais aussi réussir à faire venir plus d'investisseurs particuliers et institutionnels dans le logement, comme résidence principale.
« Nous voulons faire en sorte que les propriétaires, qui détiennent 4-5 logements, voire plus, se tournent encore plus vers le locatif de longue durée. C'est donc l'ensemble de la fiscalité locative que ces députées vont étudier, et pas uniquement la question de l'abattement fiscal des contribuables qui optent pour le régime fiscal "simplifié" », expliquait, fin novembre, Patrice Vergriete.
Mettre à disposition plus de logements abordables
Pas plus tard qu'hier, lundi, les « Sages » de la Cour des comptes ont avancé leurs pions dans ce domaine. Ils ont ainsi suggérer de « remettre en cause » la distinction « historique et unique dans le monde » entre la location vide et la location meublée. Comment ? En supprimant les conditions « favorables » pour les meublés touristiques classés et en « unifiant progressivement » le droit fiscal autour des deux régimes. Ou encore de mettre en cohérence les dispositifs fiscaux avec la valeur économique des logements en bornant dans le temps les dépenses fiscales et en procédant à leur évaluation systématique.
« L'objectif est de positionner les futurs propriétaires en investisseurs en regardant comment les aider à acquérir un ou deux logements supplémentaires afin de mettre à disposition du logement abordable de longue durée », déclare ce mardi à La Tribune la députée (Renaissance) du Finistère, Annaïg Le Meur, missionnée par l'exécutif aux côtés de Marina Ferrari (Savoie, MoDem).
Les conseillers en gestion de patrimoine en ligne de mire
Du fait de l'accès aux prêts qui reste très compliqué, « il faut aller chercher là où sont les moyens ».
« De l'argent dort sur des comptes d'épargne et ne sert pas, alors que derrière un logement, il y a toute une dynamique d'économie locale, voire de réindustrialisation », explique la députée Le Meur.
Aussi, avec Marina Ferrari, ont-elles décidé de rencontrer, en priorité, les conseillers en gestion de patrimoine (CGP), les notaires, les ministères, les investisseurs institutionnels - compagnies d'assurance, fonds d'épargne... aussi surnommés « les zinzins » au sein de l'écosystème financier -, les élus et bien sûr, les banques.
« Les meilleurs acteurs sont ceux qui se trouvent en face des locataires et des propriétaires », justifie la parlementaire du Finistère.
Les professionnels trépignent d'impatience
Les administrateurs de l'Assemblée nationale ont été nommés la semaine dernière et les deux députées doivent rendre leurs travaux le 31 mars prochain au plus tard. Des conclusions attendues avec impatience par les professionnels de l'immobilier, agents, constructeurs, notaires et promoteurs confondus. Et pour cause, là réside une de leurs demandes historiques : la création d'un statut du bailleur privé.
La recommandation figurait parmi celles du groupe de travail « réconcilier la France avec la production de logements nouveaux », co-animé par le consultant et ex-député Mickaël Nogal et la déléguée générale de l'Institut des hautes études pour l'action dans le logement (Idehal) et ex-journaliste, Catherine Sabbah, dans le cadre du Conseil national de refondation (CNR) dédié au logement.
Leur piste : ériger le propriétaire-bailleur en « un agent économique à part entière, en somme une micro-entreprise » et permettre de refondre « en profondeur » la fiscalité des revenus fonciers applicables aux loyers. De fait, s'il existe des incitations à investir par la défiscalisation ou l'amortissement, elles sont à double tranchant, notaient-ils.
D'un côté, elles présentent de nombreux avantages : elles permettent de produire des logements dont les loyers et les prix sont encadrés par zone, tout comme elles fonctionnent mieux dans le neuf que dans l'ancien. De l'autre, ces dispositifs ont souvent été tenus « responsables » de participer à la hausse des prix, et coûtent « très cher aux finances publiques », à l'image du Pinel qui prend fin le 31 décembre 2024.
Veiller à ne pas surendetter les comptes publics
Sauf que cette idée n'a pas été retenue en conclusion du CNR logement, en juin dernier par la Première ministre, Elisabeth Borne. Aujourd'hui, le gouvernement reconnaît que le coût de la construction et la restriction de l'accès au crédit, notamment, sont venus renforcer la pénurie de résidences principales, rendant l'accès à un logement de plus en plus difficile dans les territoires tendus, où l'offre est inférieure à la demande. Et ce, quel que soit le public (salariés, étudiants, familles).
« Nous avons besoin que l'Etat accompagne le logement en mettant en place les outils et les dispositifs nécessaires. Nous allons regarder ce qui est possible de faire tout en restant raisonnables et en veillant pas à ne pas surendetter les comptes publics », affirme la députée Le Meur.
Co-autrice avec le député (PS) des Pyrénées-Atlantiques, Iñaki Echaniz, d'une proposition de loi transpartisane visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, c'est-à-dire, là où l'offre de logements est inférieure à la demande, la parlementaire du Finistère entend nourrir en ce sens son texte en commission mixte paritaire Assemblée-Sénat.
Pour un alignement de la fiscalité entre les meublés et les locations nues
Comme le ministre du Logement Patrice Vergriete, Annaïg Le Meur défend un alignement de la fiscalité entre les meublés, touristiques ou non, et les locations nues à titre de résidence principale. « Quant à savoir si c'est 30 ou 40% d'abattement, je n'ai pas de totem là-dessus. L'idée est de trouver le bon pourcentage en fonction du budget de l'Etat », souligne Annaïg Le Meur. Dans ce cas, la disposition retenue viendra « écraser » le projet de loi de finances 2024.
Pour le reste, l'exécutif compte inscrire les suggestions des deux députées dans la loi de finances... 2025. « A titre personnel, j'estime qu'il est urgent d'agir », insiste la parlementaire du Finistère. Autrement dit, elle vise le projet de loi de finances rectificatif (PLFR) adopté avant l'été prochain. Avec Marina Ferrari, elle vient donc de demander une évaluation de tous les dispositifs fiscaux qui ont fonctionné et les autres. Un vieux rêve de la Cour des comptes...
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