LA TRIBUNE - Alors que le projet de loi relatif à l'industrie verte vient d'être promulgué par le président de la République, vous avez une nouvelle stratégie de réindustrialisation de l'Ile-de-France et de décarbonation de l'économie francilienne. Dès avril, lors de la présentation de votre schéma directeur régional (SDRIF), vous avez annoncé la réservation de 28.000 hectares pour la souveraineté productive. Qu'y a-t-il de neuf depuis six mois ?
VALÉRIE PÉCRESSE - Nous avons une ambition écologique très forte dans notre schéma directeur régional (SDRIF), car nous souhaitons à la fois réindustrialiser et décarboner. A la différence des décroissants, nous voulons faire de la croissance décarbonée. Nous allons investir 400 millions d'euros dans les cinq prochaines années. L'accompagnement de la région se fera sous trois formes, que nous résumons en « 3F », à commencer par le foncier.
Pourtant, dès novembre 2020, vous avez lancé 26 sites clés en main... Et d'après le directeur général de l'agence d'attractivité Choose Paris Region, Lionel Grotto, « le grand mouvement de réindustrialisation n'est pas parti aussi vite qu'on l'espérait ».
Notre société d'économie mixte Île-de-France Investissements et territoires, que nous avons portée sur les fonds baptismaux en juillet 2020 moyennant 10 millions d'euros, peut déjà porter du foncier pour un tiers, lui louer, voire lui permettre de le racheter. Aujourd'hui, nous avons sur 1.500 hectares près 145 sites clés en main, dont la moitié sera disponible à court-terme d'ici à 2025, et dont la carte sera disponible directement sur le site Internet du conseil régional.
Pour le portage foncier, nous avons déjà débloqué 140 millions d'euros d'investissement pour une vingtaine d'opérations d'un total de 86.000 mètres carrés d'actifs immobiliers. La moitié des projets participent à la réindustrialisation de la Région Île-de-France. Nous comptons poursuivre ce travail en recapitalisant la SEM à hauteur de 5 millions d'euros fléchés spécifiquement sur des projets industriels.
Un remodelage de l'actionnariat est-il à l'ordre du jour ?
Tout le monde reste actionnaire : le conseil régional à 51%, suivi de la Banque des territoires (groupe Caisse des Dépôts), la Caisse d'épargne Île-de-France et Arkéa Banque Entreprises & Institutionnels.
Le deuxième « F » serait-il celui du financement ?
Nous allons effectivement lancer un fonds souverain régional baptisé Île-de-France Capital Investissement, doté de 250 millions d'euros et opérationnel au 1er janvier 2024. Ce sera un outil pour la réindustrialisation décarbonée dans un contexte de remontée des taux d'intérêt. Nous interviendrons en fonds propres, permettant un fort effet de levier auprès de co-financeurs privés. Il se décomposera en plusieurs fonds : un fonds Île-de-France Réindustrialisation de 65 millions pour soutenir la pré-industrialisation de startups industrielles et technologiques dans des secteurs prioritaires, comme celui de la deeptech [des jeunes poussent développant des solutions disruptives reposant sur de la recherche avancée et des technologies de pointe]. Et ce, via des tickets de 3 à 5 millions d'euros d'apports en capital. Le deuxième baptisé Île-de-France Décarbonation de 150 millions d'euros servira aux PME et ETI dans les filières prioritaires que sont la mobilité, le bâtiment et l'énergie, avec des tickets de 5 à 10 millions.
Il manque 35 millions d'euros...
Ce sera pour un fonds Invess dans l'économie sociale et solidaire, avec des tickets plus faibles pour financer des entreprises à impact social ou environnemental, qui se heurtent au manque d'investisseurs privés.
Quid du troisième « F » sans doute pour la formation aux métiers de l'industrie et de la décarbonation ?
Nous voulons ouvrir trois écoles de production en 2024 qui œuvrent pour réinsérer les décrocheurs scolaires de moins de 18 ans en leur apprenant les métiers de l'industrie. Il s'agira, en l'espèce, de transmettre des savoir-faire sur la métallurgie ou encore la chaudronnerie. De même, nous offrons toujours une prime de 2.000 euros aux demandeurs d'emploi franciliens qui s'engagent dans des parcours de formation dédiés à des métiers en tension, comme c'est le cas pour l'industrie.
Vous, candidate à l'élection présidentielle, rêviez d'un « comité de la hache » pour simplifier les procédures. Or, en Île-de-France, il demeure une procédure qui n'existe nulle part ailleurs : l'agrément d'immobilier d'entreprise (voir encadré)...
Je rêve toujours qu'on nous simplifie les procédures. Il faut 17 mois de procédures administratives en France pour implanter une usine contre 9 en Allemagne.
Le projet de loi relatif à l'industrie verte vise aussi ce délai...
J'ai réuni récemment les acteurs de l'hydrogène dont les usines sont classées site Seveso [sites industriels à risque produisant ou stockant des substances pouvant être dangereuses pour l'homme et l'environnement, ndlr]. Il leur faut 5 ans pour obtenir une autorisation d'implantation, contre dix-huit mois aux Etats-Unis. Avec l'Inflation Reduction Act, les Américains jouent à fond la carte de la débureaucratisation pour attirer un maximum de monde, nous devons être à la hauteur en Europe et en France. Il en va de la survie de notre tissu industriel !
Instauré en 1995, il est censé rééquilibrer les activités économiques et les logements. Tout projet de bureaux supérieur à 1.000 m² ou de logistique/data centers excédant 5.000 m² doit être instruit par la direction régionale et interdépartementale de l'environnement, de l'aménagement et des transports (DRIEAT) et validé par le préfet.L'agrément immobilier d'entreprise
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