Logement neuf : désormais, avec le Pinel +, un studio devra dépasser 28 m²

Le ministère du Logement vient de publier au Journal officiel le décret correspondant au Pinel +, l'avantage fiscal qui s'appliquera dans l'immobilier neuf en 2023 et en 2024. D'ores et déjà, les professionnels du logement alertent sur des critères environnementaux et d'usage complexes introduits par cette ristourne fiscale.
César Armand
(Crédits : Regis Duvignau)

C'est un avantage fiscal qui porte le nom de la ministre du Logement qui l'a porté en 2015. Une baisse d'impôt qui bénéficie aux investisseurs immobiliers dans le parc locatif privé, à condition de louer leur bien a minima six ans et de respecter un plafond de loyer. Une carotte nommée « Pinel » qui s'arrêtera en 2024 mais qui va être transformée en « Pinel + » dès 2023.

« Toute la profession pariait sur le fait qu'il ne verrait pas le jour »

Les taux actuels de réduction d'impôt de 12%, 18% et 21% pour des engagements de location à loyers plafonnés de respectivement 6, 9 et 12 ans seront ramenés en 2023 à 10,5%, 15% et 17,5% et en 2024 à 9%, 12% et 14%. Sauf si les habitats concernés se trouvent en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), appliquent la nouvelle réglementation environnementale dite « RE2020 » et respectent des critères de qualité.

Lors de la restitution de la concertation « Habiter la ville de demain » mi-octobre 2021, et au lendemain de la remise du rapport Girometti-Leclercq sur la qualité du logement, Emmanuelle Wargon avait promis un décret correspondant d'ici à la fin de l'année. Ce dernier est finalement paru au Journal officiel ce 18 mars 2022.

« Ce n'est pas une bonne nouvelle. Toute la profession pariait sur le fait qu'il ne verrait pas le jour », déplore le promoteur Norbert Fanchon. « Sans parler de la conjoncture, le seuil environnemental supplémentaire devrait renchérir le coût rendant le dispositif moins avant avantageux que le précédent », pointe le PDG du groupe Gambetta.

Un jalon 2025 à atteindre en... 2023

Les logements neufs devront pour 2023, présenter un niveau de performance environnementale équivalent au jalon 2025 de la « RE2020 », et, pour 2024, obéir à ce critère et atteindre l'étiquette A du diagnostic de performance énergétique (DPE). Cette dernière correspond à une consommation de 50 kWh/m²/an. A titre de comparaison, une ville de 100.000 habitants consomme 415 GWh par an.

« La RE2020 obéit à une mise en œuvre intelligente dont les seuils évoluent dans le temps, sauf dans ce cas où début 2023, il faudra appliquer les seuils de 2025 », pointe Didier Bellier-Ganière, délégué général de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).

« Nous commençons tout juste à appréhender la nouvelle réglementation environnementale. Je ne suis pas certain que ce soit le bon moment », abonde le président du pôle Habitat de la Fédération française du bâtiment (FFB), Grégory Monod.

Pour l'heure, la réglementation encourage en effet le recours aux matériaux biosourcés et géosourcés, à la brique et au béton décarbonés, mais à horizon 2031, sous réserve de décarbonation, tous les matériaux pourront être utilisés.

Lire aussi 4 mnRéglementation des bâtis neufs: le gouvernement revoit sa copie

Un déploiement plus facile dans l'habitat individuel

D'autant que cela se complexifie pour les autres types d'habitat. Pour ceux dont le permis de construire a été demandé le 1er janvier 2022, soit avant l'entrée en vigueur de la « RE2020 », ils devront respecter l'étiquette A du DPE et le label « E+C- », c'est-à-dire « bâtiments à Energie positive et réduction Carbone ». Autrement dit, avec un bilan énergétique et des émissions de gaz à effet de serre exemplaires. Quant aux réhabilitations à neuf, l'étiquette B, id est dont la consommation oscille entre 51 et 90 kWh/m²/an, s'appliquera.

Pour atteindre ces objectifs, la RE2020 parie sur les énergies renouvelables, mais le déploiement des pompes à chaleur (PAC), principales alternatives au gaz, semble plus difficile dans l'habitat collectif que dans l'individuel. La PAC d'une hauteur de 1 à 1,50 mètre de haut, peut rendre la construction non-viable car empêchant la construction d'un dernier étage de logements. « Nous aurions pu trouver des solutions hybrides pour pouvoir y répondre », regrette le DG de la FPI Didier Bellier-Ganière.

Autres critères : la surface des logements, leur partie extérieure et leur orientation. Un studio devra mesurer 28 m² et comporter 3m² dehors. Un T2 : 45 m² avec 3 m² ; un T3 62 m² avec 5 m² ; un T4 79 m² avec 7 m² et un T5 96 m² avec 9 m². « De façon générale, les constructions neuves respectent déjà en moyenne ces superficies. Si nous ne faisons pas les espaces extérieurs, c'est par faute de place ou dû au plan local d'urbanisme », souligne Didier Bellier-Ganière, porte-parole des professionnels du logement neuf.

Pour les T3 et plus, ils devront même comporter deux orientations différentes. « Ce n'est pas une simple question de luminosité, mais aussi une question de ventilation. Des Velux auraient pu être pris en compte... », soulève Didier Bellier-Ganière pour les promoteurs.

Et si les promoteurs ne pouvaient plus construire...

Outre ces exigences très élevées de performance écologique et ces demandes d'espaces toujours plus grands, la crise des matériaux de construction, entre surcoûts et pénurie, malgré le plan de résilience économique et sociale, pénaliserait déjà la fabrique de la ville.

« Nous demandons une pause normative pour permettre à l'outil industriel de s'approprier toutes les évolutions réglementaires et continuer à pouvoir construire », affirme le délégué général de la Fédération des promoteurs immobiliers, Didier Bellier-Ganière.

« N'est-ce pas le moment de faire une pause ? Nous allons avoir du mal à construire du logement abordable voire même du logement tout court », appuie Grégory Monod, président du pôle Habitat de la Fédération française du bâtiment.

Invité-vedette du Marché international des professionnels de l'immobilier (Mipim) le 16 mars, l'autoproclamé « amoureux des villes » et « praticien de la ville » le maire du Havre Edouard Philippe a lui aussi regretté que cette dernière soit « très encadrée par les normes ». « On va vous expliquer qu'il y a des délais, des recours, des bidules et des machins. C'est assez con... assez dommage mais c'est comme ça que ça marche », a ajouté l'intéressé.

« Les normes ne sont pas la simple expression de la folie bureaucratique d'un type enfermé dans son bureau qui veut emmerder le monde. Je suis extrêmement agacé sur la capacité du pouvoir politique à limiter la production normative », a-t-il poursuivi.

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 23/03/2022 à 9:00
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le principal probleme c est pas les normes mais les taux bas. ils poussent les prix vers le haut et rendent le logement trop cher pour la majorite de la population (sauf bein sur les booemrs qui ont deja paye le leur depuis longtemps et qui au contra...

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