Télétravail-bureau : pourquoi les startups du flex office ne sont pas encore rentables

Si les Français retournent en moyenne 3,5 jours au bureau par semaine, ils ne sont pas pour autant prêts à lâcher le télétravail. Un marché du travail hybride sur lequel surfent les jeunes pousses Witco, Woby et m-work, qui ont quasiment le même modèle économique d'un concurrent à l'autre. Décryptage.
César Armand
Selon une étude, les travailleurs hexagonaux viennent, en moyenne, 3,5 jours au bureau par semaine (Photo d'illustration).
Selon une étude, les travailleurs hexagonaux viennent, en moyenne, 3,5 jours au bureau par semaine (Photo d'illustration). (Crédits : DR)

Les Français sont les champions européens de la présence au bureau. Selon une étude réalisée par le cabinet de conseil en immobilier JLL auprès de 20.000 salariés issus de 29 entreprises clientes, les travailleurs hexagonaux viennent, en moyenne, 3,5 jours au bureau par semaine. C'est la même moyenne en Asie, mais 0,4 jour de plus que la moyenne mondiale, 0,7 jour de plus que la moyenne européenne et 1,5 de plus que la moyenne étasunienne.

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 « Ces quelques chiffres montrent qu'il y a une vraie différence entre le monde anglo-saxon, plus habitué et demandeur de télétravail, et la France, de culture plus latine, qui accorde davantage d'importance au lien social créé au bureau », décrypte, à La Tribune, Flore Pradère, directrice de recherche sur les nouveaux modes de travail chez JLL.

Les Français pas prêts à lâcher le télétravail

Et de poursuivre : « En France, nous avons une culture forte de la socialisation. Les moments informels, avec ses collègues, sont très importants. Par exemple, la pause-déjeuner est pour nous un vrai moment de convivialité. Chez les Anglo-saxons, c'est simplement utilitaire, on mange souvent devant son ordinateur. A tel point qu'ils calent des réunions en même temps. »

Pour autant, les Français ne sont pas prêts de lâcher le télétravail. Ils sont désormais attachés à ce mode de travail hybride, qui leur confère une véritable liberté. « Dans toutes nos recherches sur le sujet ces dernières années, nous avons constaté que le télétravail était quasiment devenu un acquis social », constate Flore Pradère.

Un marché porteur

Une organisation du travail dite « flexible », « hybride », ou encore qualifiée de « flex office » et sur laquelle surfent des jeunes pousses de la « worktech », avant même le confinement consécutif à la crise sanitaire en 2020.

Ces startups offrent des services aux collaborateurs d'une même entreprise, qu'elle soit de taille intermédiaire (ETI) ou un grand groupe. Via une application mobile, ils peuvent réserver un bureau, une salle de réunion, une place de parking... Autant d'outils qui donnent à voir aux directions qui est sur site, en déplacement ou en télétravail. Le tout avec un plan qui permet de visualiser les espaces de travail.

Créée dès juin 2016, la pionnière Witco (ex-Monbuilding) facilite aussi le recours à un « centre d'aide » pour que le problème - informatique par exemple - soit traitée par les bonnes personnes, l'information sur l'arrivée d'un visiteur, le fait de badger avec son téléphone, ou encore l'accès à un cours de sport, à de la restauration...

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Un modèle économique quasi-identique d'un concurrent à l'autre

Après avoir levé 2 millions d'euros, puis 12 millions d'euros, en 2019 et 2021, la jeune pousse, qui assure équiper plus de 1.000 immeubles, vient d'annoncer son rapprochement avec son homologue britannique, District Technologies. Les clients de cette dernière utiliseront désormais l'application française.

« Nous voulons jouer un rôle dans la consolidation du marché qui s'opère et qui n'en est qu'à ses débuts », déclare, à La Tribune, la présidente-fondatrice de Witco, Eliane Lugassy.

Fondé sur un modèle d'abonnement à l'utilisateur, son modèle économique est clair : un tarif par collaborateur et par mois, variable en fonction des modules choisis et du volume de salariés. Un modèle qui est quasiment le même chez ses concurrents : m-work et Woby.

C'est en septembre 2018 que Thibault Paternoster a, lui, fondé Woby (ex-Coworklib) et en 2022 qu'il a levé 800.000 euros. Sur son application, les salariés d'une même entreprise peuvent notamment créer des communautés, soit pour un projet, soit pour une activité, soit en raison d'un centre d'intérêt partagé. Pour les entreprises abonnées à l'option premium, la « worktech » se met à leur disposition 7 jours sur 7 et offre son expertise conseil en matière de « flex office ».

Sa rivale Joséphine de Leusse, dirigeante de m-work, a, elle, co-créé sa startup en 2021 et déjà levé 1 million d'euros. Sa spécificité : permettre aux sociétés clientes de calculer leur empreinte carbone domicile-travail et de mesurer les économies d'énergie. Le premier point étant la déclinaison de la méthodologie de l'Ademe, l'agence d'Etat finançant la transition écologique, et le second, le fruit d'un partenariat avec la « greentech » Greenly.

Elles ne sont pas encore rentables

Sauf qu'aussi incroyable que cela puisse paraître, aucune des trois - m-work, Woby et Witco - ne sont encore rentables, malgré des investisseurs-actionnaires prestigieux. En réalité, chacun des trois dirigeants préfère réinvestir dans sa jeune pousse. « Nous ne sommes pas encore rentables, car les investissements sont importants en technologie avant de rentabiliser », affirme ainsi Thibault Paternoster de Woby.

« Il s'agit d'un choix d'investir à la suite de notre levée de fonds pour accélérer sur ce marché en très forte croissance », justifie Joséphine de Leusse de m-work.

« Nous faisons le choix de réinvestir tous nos revenus dans le produit. Le marché s'établit maintenant et nous voulons avoir la solution la plus robuste et complète. Nous avons en effet plus de 50 modules et 100 intégrations avec une présence internationale, donc c'est coûteux. Chaque entreprise n'a pas les mêmes services, il faut être capable d'être agile dans le produit », souligne Eliane Lugassy de Witco.

« Nous serons rentables l'année prochaine si tout se passe comme prévu », ajoute-t-elle. « Nous serons rentables en 2024 ! », s'exclame Joséphine de Leusse de m-work.

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 13/10/2023 à 0:23
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D'après l'article, ces entreprises sont très rentables et ont de bonnes perspectives de croissance (donc les faveurs des banques). On n'a pas la même définition du mot "rentable". Si elles réinvestissent leur bénéfices dans l'outil productif, c'est b...

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