En Pays de la Loire, la filière bois prépare son entrée dans l'industrie 4.0

SÉRIE D'ÉTÉ. ENQUÊTE SUR LA FILIÈRE BOIS DANS LES PAYS DE LA LOIRE (1/4) - Avec peu de forêts mais un grand nombre d’entreprises de transformation, la filière bois ligérienne se développe pour répondre à la demande croissante de cette matière première, championne du monde de l’économie circulaire, promise à être de plus en plus présente dans l’habitat.
Les 390.000 hectares de forêts de la région des Pays de la Loire sont à 92%  détenues par des propriétaires forestiers privées.
Les 390.000 hectares de forêts de la région des Pays de la Loire sont à 92% détenues par des propriétaires forestiers privées. (Crédits : Atlanbois)

C'était le 2 octobre 2009, à Olonne-sur-Mer en Vendée. La région des Pays de la Loire inaugurait le lycée Eric Tabarly, premier établissement à respecter la norme Haute Qualité Environnementale (HQE). Et premier lycée construit en bois. « Depuis, une dizaine d'autres ont adopté ce matériau, jusqu'au lycée de Nort-sur-Erdre (44), auréolé du prix régional de la construction bois 2021 pour sa démarche environnementale globale intégrant l'économie circulaire », explique Nicolas Visier, délégué général de l'association Fibois Pays de la Loire (ex-Atlanbois), créée il y a trente-deux ans pour accompagner l'émergence et le développement d'une filière bois en Pays de la Loire.

Quelle qu'aient été les couleurs politiques à la tête de la collectivité régionale, cet écosystème a toujours bénéficié d'un accompagnement bienveillant. Jusqu'à ces derniers temps encore, où Antoine d'Amécourt, vice-président d'Atlanbois et président du Conseil national des Propriétaires forestiers, a été élu sur la liste de Christelle Morançais lors des dernières élections régionales. Une place prépondérante pour relayer « le discours de la forêt et du bois ». « Le bois n'a pas de consonance politique. Il pousse pour tout le monde et figurait dans tous les programmes des partis », observe Nicolas Visier.

« La forêt, c'est comme le jambon... »

Et pourtant, avec 390.000 hectares de forêt (12% de la surface régionale et 11% des forêts françaises), les Pays de la Loire sont loin de figurer au palmarès des régions les plus forestières. L'une de ses particularités est d'appartenir à 92% à des propriétaires privés (75% au plan national). Ce qui rend son entretien et son renouvellement peut-être plus complexe qu'ailleurs. A la rentrée, d'ailleurs, Fibois Pays de la Loire lancera une plateforme internet où seront présentés tous les dispositifs d'aide pour renouveler et replanter la forêt. « Il y a beaucoup de façons de faire, avec l'ONF, avec des propriétaires privés, avec des entreprises spécialisées, avec des coopératives... Tous les moyens sont bons pour amener les regards... et les investissements en forêt et produire du bois pour réduire les importations », estime Nicolas Visier.

« La forêt, c'est compliqué. C'est comme le jambon, tout le monde l'aime mais personne ne veut que l'on tue le cochon », compare Jean-Etienne Rime, président de Fransylva Pays de la Loire, la fédération des syndicats des forestiers privés de France, qui s'implique dans la formation des propriétaires forestiers, au nombre de 143.000 dans les Pays de la Loire. « Notre grande idée, c'est de leur dire, vous n'êtes pas que propriétaire, vous êtes responsable pour sortir du bois et pérenniser la forêt. C'est l'enjeu principal. Ensuite, c'est de proposer une forêt diversifiée. Il y a une vraie prise de conscience et de nombreux plans de gestions sont mis en place dans les Pays de la Loire. L'autre grand sujet, c'est de donner du bois à la filière en circuit court », indique-t-il

Un territoire enraciné dans la transformation

« Car, ici, nous sommes dans une région de transformation du bois », précise le délégué général de Fibois Pays de la Loire. De l'amont à l'aval de la filière, le secteur compte plus de 7.000 établissements, emploie plus 31.000 salariés et dispose d'une quarantaine d'établissements de formation allant du CAP à l'ingénieur, dont notamment l'Ecole Supérieur du Bois. Celle-ci vient d'investir un million d'euros pour s'équiper de six nouvelles machines et permettre à ses étudiants d'entrer dans l'ère de l'industrie 4.0, dans un secteur qui occupe une place majeure dans la filière française avec quelques belles signatures comme Piveteaubois, les menuiseries mixtes Minco ou le spécialiste du contreplaqué Drouin. Pourquoi une activité de transformation de bois s'est-elle développée sur un territoire peu boisé ?

« C'est le fruit de l'histoire », rapporte Nicolas Visier. Les racines de cette filière remontent au lendemain de la Seconde guerre mondiale avec le développement d'entreprises manufacturières en Vendée, au Sud de la Loire-Atlantique et à l'Ouest du Maine-et-Loire. Certains se sont lancés dans l'habillement, d'autres dans le meuble... et les scieries qui s'approvisionnent en priorité dans un rayon de 350 kilomètres. « Cette histoire particulière a créé le visage de l'interprofession régionale », résume le délégué général de Fibois Pays de la Loire où le territoire recense aujourd'hui plus d'un millier de bâtiments construits en bois.

La construction est d'ailleurs devenue le plus gros marché d'une profession considérée en devenir au regard de la prise de conscience des enjeux climatiques... jusqu'à ce que la pandémie mondiale accélère les choses. Il y a dix ans, déjà, la mise en œuvre de la norme RT2012 avait poussé les constructeurs à bâtir des bâtiments moins consommateurs d'énergie, et donc à introduire du bois. « Aujourd'hui, tout le monde s'intéresse au bois », constate-il. « Outre ses qualités intrinsèques, il a la capacité de stocker le CO2. A partir du moment où les entreprises se fixent une trajectoire carbone et ambitionnent de réduire leurs émissions, tout à coup, le bois, qui pousse seul, avec de l'eau et du soleil, devient un matériau biosourcé, champion du monde de l'économie circulaire. En ce sens, la filière bois a quelque chose à dire », explique-t-il.

S'adapter au monde d'après

Sur un marché perturbé par la pandémie mondiale, confronté à une désynchronisation de l'offre et de la demande et à l'application au 1er janvier dernier de la règlementation environnementale RE2020 sur les bâtiments neufs, les approvisionnements sont devenus compliqués. Certains prix augmentent, d'autres flambent... Pénurie ou légère surchauffe ? «Comme toute turbulence, ça passera, estime Jean Piveteau, président de Piveteaubois, en Vendée. En revanche, l'engouement vers les matériaux biosourcés est une réalité mondiale. Le bois et la forêt sont des produits qui cochent beaucoup de cases sur la problématique du carbone et du réchauffement climatique. Les enjeux sociétaux sont presque plus importants que l'écologie.»

Entrée en vigueur, au 1er janvier dernier, « la réglementation environnementale RE2020 a, cette fois, fait entrer le bois dans la cour des grands... au pays du béton. Et pour nous, le problème n'est pas l'approvisionnement mais la formation des salariés. Car on ne construit pas en bois comme en béton », explique le délégué général de Fibois Pays de la Loire où depuis trois ans, deux cents acteurs du BTP sont venus se former aux spécificités de l'architecture, de l'ingénierie, de l'économie de projet, des bureaux d'études... « On les aide à monter en compétence dans une industrie qui, comme dans d'autres secteurs, souffre des délocalisations. Avec toutefois la particularité que la matière première vient de chez nous. On a là une carte à jouer. En favorisant les investissements dans les usines du futur, en accompagnant les programmes de replantation et les marchés... », dessine-t-il estimant que la culture du bois est entièrement à reconstruire. « Si vous arrivez à concilier les aspects environnementaux, sociaux, et écologiques, vous avez un gisement de matière première et d'emplois sur votre territoire à côté de chez vous », assure-t-il.

Signe de cette évolution des mentalités, l'ambition de la fédération Fransylva est de transformer les propriétaires forestiers en sylviculteurs qui assument leur responsabilité économique, environnementale et sociétale. « Souvent la forêt se transmet par héritage, et il faut informer ces nouveaux propriétaires des réalités d'aujourd'hui, comme la responsabilité sociétale, le réchauffement climatique... Ce n'est pas ce dont on aurait parlé il y a dix ans », reconnait Jean-Etienne Rime. Jusqu'ici insuffisamment entretenue, la forêt ligérienne pourrait produire 50% de bois supplémentaire d'ici trente ans. Engagé par la région depuis 2019, un programme d'investissement prévoit la plantation de 2 millions d'arbres d'ici 2024. « Cent trente-six essences sont utilisées pour garantir une diversité des usages et mener des essais face au réchauffement climatique. Et éviter d'avoir tous ses œufs dans le même panier », observe Antoine d'Amécourt.

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Retrouvez les autres épisodes de la série :

2/4 La start-up nantaise Neosylva au chevet des arbres et des patrimoines des forestiers

3/4 Le bois transformé 100% français de Piveteaubois séduit de plus en plus de promoteurs

4/4 En Pays de la Loire, le chauffage au bois représente une alternative prometteuse

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Commentaires 3
à écrit le 09/08/2021 à 17:29
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Avez-vous remarqué que de plus en plus de résineux remplacent les feuillus, et ils prétendent faire de la gestion durable.

à écrit le 09/08/2021 à 12:26
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Une forêt bien entretenue ( coupes et éclaircies régulières, nettoyage du ss bois évacuation et valorisation des déchets végétaux en copeaux et granulats) est un super puits de carbone, car les arbres st vigoureux et poussent bien, il y a peu de bois...

le 09/08/2021 à 13:02
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Super, j'espère que la forêt pourra s'en sortir et vieillir pour devenir magnifique et que les animaux puissent en profiter, pauvre nature

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