BearingPoint se penche sur la transition socio-écologique des entreprises

Confrontées à des pressions de toutes parts pour se transformer, les sociétés se heurtent à de nombreux obstacles sur le chemin de leur transition. Sans référentiels comparables pour objectiver leurs efforts, elles jouent un jeu d’équilibriste entre volonté de se dévoiler et tentation du greenwashing, qui peut compromettre leurs avancées en la matière, affirme le cabinet de conseil BearingPoint.
Marine Godelier
Les entreprises se trouvent tiraillées entre des objectifs de rentabilité
à court terme, des réglementations disparates et des besoins consommateurs et collaborateurs en mutation, souligne BearingPoint, qui a interrogé 20 dirigeants d'entreprises sur leur transition.
Les entreprises se trouvent tiraillées entre des objectifs de rentabilité à court terme, des réglementations disparates et des besoins consommateurs et collaborateurs en mutation, souligne BearingPoint, qui a interrogé 20 dirigeants d'entreprises sur leur transition. (Crédits : Pixabay / CC)

Consommer plus « vert », mais pas plus cher. Exercer une activité porteuse de sens, mais sans compromettre sa sécurité financière. Investir sur le long terme, mais en voir les fruits rapidement. Autant d'« injonctions contradictoires » de la part des parties prenantes des entreprises - clients, collaborateurs ou actionnaires -, qui peuvent mettre en péril la transition socio-environnementale de celles-ci, considère BearingPoint. Après avoir rencontré une vingtaine de dirigeants de grands groupes, le cabinet de conseil a identifié les défis et les accélérateurs de la transformation profonde des sociétés, confrontées à des difficultés lors de l'opérationnalisation de leur stratégie en la matière.

Les questions sociales et environnementales sont pourtant « aujourd'hui à l'agenda de la grande majorité » d'entre elles, affirme le cabinet. Mais de nombreux freins subsistent. Comme le pilotage des indicateurs de performance, nécessaires pour mesurer la valeur des entreprises au-delà de leurs seuls résultats financiers. « Il n'existe pas de norme homogène pour mesurer leurs efforts. Or, elles ont besoin de points de repères pour avancer », souligne Rémy Sergent, associé chez BearingPoint.

Lire aussi : Après la convention citoyenne, des entreprises créent leur propre convention pour le climat

Convergence des référentiels

Il y a bien des réflexions en cours, au niveau européen, sur les notations extra-financières et la mise en place d'une "taxonomie" (c'est-à-dire, la classification des activités selon leur contribution ou non aux objectifs climatiques), afin de faire converger les approches. Et, pour récolter des données, la directive européenne sur le reporting extra-financier, adoptée en 2014, oblige déjà des grandes entreprises à publier des informations sur leurs impacts environnemental et social. Mais, en l'absence de critères techniques définis et comparables d'une société à l'autre, et sans vérification obligatoire, difficile aujourd'hui d'y voir clair.

Surtout, cette absence de métrique homogène et comparable aboutit à un foisonnement d'indicateurs « manipulés différemment selon les organisations », déplore Rémy Sergent. Une étape « naturelle », estime Nicolas Beaumont, senior VP Développement durable et mobilité chez Michelin, interrogé par BearingPoint.

«  Seule l'expérimentation permettra d'identifier les indicateurs pertinents. La convergence s'opérera dans les dix prochaines années, par le travail des gouvernements, des différents secteurs et d'ONG. Chacun doit apporter sa pierre à l'édifice, pour dégager ce que seront les normes du futur », fait-il valoir.

La tentation du greenwashing

D'autant que, si les entreprises veulent se distinguer et orienter leurs choix business, ces normes communes leur sont nécessaires. Des unités de mesure reconnues et exigeantes permettraient en effet une réelle transparence vis-à-vis du consommateur, et donc une plus grande crédibilité. Et, vis-à-vis des investisseurs, il leur est désormais primordial de valoriser leurs engagements, notamment pour obtenir des capitaux nécessaires à leur transition écologique. A cet égard, elles « doivent veiller à ne pas tomber dans de nouvelles formes de greenwashing », prévient le cabinet de conseil. « Les annonces qui se multiplient autour de la « neutralité carbone » ont tendance à égarer le lecteur : horizons de temps très hétérogènes, scopes d'émission peu clairs, périmètres géographiques incomplets... », alerte-t-il.

Et éviter de s'appuyer sur la fameuse promesse de « compensation carbone », qui rime souvent avec plantation d'arbres ou opérations de protection de forêts primaires dans le monde... afin, parfois, de faire oublier ses propres émissions. Un moyen, pour certaines entreprises, de ne pas revoir leur modèle, estime Rémy Sergent. « Il faut d'abord éviter, les émissions, puis réduire celles qu'on ne peut pas éviter. La compensation doit rester la solution ultime mais elle doit s'intéresser en premier à des technologies de captation qui permettront de stocker ou de transformer le CO2 résiduel qu'on n'aura pas pu éviter ou réduire », considère Nicolas Beaumont. Pour intégrer réellement la composante climatique au coeur de sa stratégie, le leader français de fabrication de pneumatiques a, lui, décidé de mettre en place un prix interne du carbone.

Lire aussi : Faut-il planter des arbres pour compenser les émissions de carbone?

Irriguer l'organisation de l'entreprise

Car c'est bien au coeur même du fonctionnement de leurs entreprises que les dirigeants doivent s'attaquer, avance BearingPoint. En irriguant leur organisation interne des réflexions sociales et environnementales, à l'instar du digital - un sujet devenu transversal. « Ce n'est pas seulement le problème d'une fonction, d'une équipe ou d'une personne. Il faut infléchir la culture de l'entreprise en injectant le sujet partout, plutôt que de le segmenter. Celles qui l'ont fait ont atteint un modèle très mature, et doivent faire office de référence », affirme Rémy Sergent. « A l'inverse, on voit des organisations où le porte-parole reste isolé, et avec peu de moyens... dans le pire des cas, un responsable Développement Durable rattaché au service Communication », regrette-t-il.

« Comme le digital, le développement durable présente la spécificité d'être multi-dimensionnel et de nécessiter une considération dans l'ensemble des fonctions de l'entreprise. Il pourrait ainsi suivre la même tendance, avec une équipe centrale très restreinte et des responsabilités intégrées dans chaque fonction de l'entreprise (par exemple, responsable de la notation extra-financière dans la direction finance, responsable Green IT à la DSI...). Certaines entreprises sont allées jusqu'à supprimer leur direction du digital, en sera-t-il de même à l'avenir pour le développement durable ? », conclut BearingPoint.

Marine Godelier

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Commentaires 2
à écrit le 10/05/2021 à 20:25
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Incroyable comme ces supermarchés du conseil (anglo-saxons) trouvent aisément une tribune dès qu'ils publient la moindre étude, aussi creuse soit-elle ...

à écrit le 10/05/2021 à 13:04
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Au fait, existe t'il une institution qui vérifierait qu'elles polluent moins nos entreprises ? Non parce que cela pourrait mettre un point définitif à cette hypocrisie avant même que l'on en discute. Déjà on les oblige à établir des chartes ethiq...

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