Le changement climatique, et d'une manière plus générale la dégradation de l'environnement, nuisent en particulier aux femmes. Elles en sont en effet triplement victimes, souligne un rapport publié en 2015 en France par la fondation Raja-Danièle Marcovici. Tout d'abord, parce que les effets du réchauffement et des pollutions touchent surtout les populations les plus précaires et que, selon la Banque mondiale, les femmes représentent 70 % des personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour. Ensuite, en raison du rôle qu'à travers le monde elles occupent dans la gestion du foyer : la raréfaction de l'eau, du bois et de certains aliments implique souvent pour elles des trajets plus longs et davantage de travail.
Enfin, parce que les discriminations que subissent encore les femmes, limitant leur accès à la connaissance, aux ressources économiques et aux nouvelles technologies, limitent aussi leurs capacités de résilience et d'adaptation. C'est notamment le cas dans les pays qui appliquent encore des droits d'héritage discriminatoires, qui réservent peu de terres aux femmes, souvent les moins productives et accessibles, avec des conséquences aussi sur leur accès au financement. C'est également le cas dans les pays où les femmes sont moins éduquées et formées que les hommes : elles y auront accès à moins d'informations et de ressources leur permettant de réagir, par exemple, à une catastrophe naturelle. Cette triple victimisation génère d'ailleurs un cercle vicieux : plus occupées à la maison, les femmes renoncent à s'éduquer et à exercer des activités complémentaires, elles restent donc pauvres et vulnérables...
Détentrice de savoir-faire traditionnels
Cette vulnérabilité est pourtant aussi en partie le revers de la médaille du rôle clé qu'elles jouent non seulement politiquement, mais aussi sur le terrain dans la transition écologique. C'est particulièrement vrai dans les pays en voie de développement, et notamment dans le domaine de l'agriculture et de l'alimentation puisque, selon la FAO, les femmes y assurent entre 60 % et 80 % de la production alimentaire.
« Elles sont donc les détentrices de savoir-faire traditionnels et d'expertise technique très pointus, par exemple en matière de semences ou de propriétés nutritionnelles des aliments », observe Clotilde Bato, déléguée générale de l'association SOL, qui appuie des initiatives locales d'agro-écologie et d'agriculture paysanne en Asie et en Afrique - ainsi qu'en France.
En charge d'activités de petite échelle, sur des parcelles vivrières de taille modeste qu'elles cultivent tout au long de l'année, les femmes y sont souvent les premières actrices de la mise en place de pratiques plus résilientes et durables. Les exemples sont légion. En Inde, où SOL soutien l'ONG Navdanya, fondée par l'écologiste et militante féministe Vandana Shiva, les femmes agricultrices sont les chevilles ouvrières du programme « Graines de l'espoir », qui promeut la biodiversité et l'agriculture biologique via la création de banques de semences et de jardins potagers. Au Maroc, 60 femmes participent à un projet de l'ONG Migrations & développement, visant à conserver 27 espèces de plantes maraîchères, aromatiques et médicinales, révèle un rapport de la fondation Raja publié en 2018.
Responsable de l'approvisionnement
Toujours en raison de leurs tâches domestiques, les femmes jouent aussi un rôle clé dans la transition énergétique. Responsables de la cuisson des aliments, ce sont en effet elles qui, dans les pays qui manquent d'infrastructures, sont responsables de l'approvisionnement en combustibles - ce qui, en Afrique subsaharienne, peut impliquer plusieurs heures de marche par jour. De la Géorgie à l'Inde, elles sont ainsi au centre de divers projets d'ONG visant à développer d'autres sources d'énergie, plus sûres et pratiques, mais aussi plus propres, comme des panneaux solaires ou des réservoirs à biogaz alimentés par des excréments d'animaux.
Elles sont aussi les principales actrices de l'accès à l'eau : selon l'ONU, le temps passé chaque jour dans le monde par les femmes et les filles à en collecter s'élève à 200 millions d'heures. Au Togo par exemple, ce sont des « Clubs des Mères », initiés par la Croix-Rouge locale, qui organisent des opérations publiques de nettoyage des points d'eau, promeuvent les bonnes pratiques d'hygiène et sensibilisent l'ensemble de leur communauté à l'assainissement. L'initiative s'est aujourd'hui étendue en RDC, rapporte le groupe Suez, qui leur a décerné en 2011 un prix destiné à renforcer l'accès aux services essentiels dans les pays en développement.
Elles jouent enfin souvent un rôle actif dans le secteur des déchets, puisqu'elles sont très présentes parmi les « waste pickers » qui, dans de nombreux pays, effectuent aujourd'hui les tâches de propreté et de recyclage encore insuffisamment prises en charge par les municipalités locales. À Bogota, selon la fondation Raja, les femmes représentent 60 % des recycleurs de la ville, qui dans leur ensemble sauvent chaque jour 1200 tonnes (19 %) de déchets de la décharge.
Aider les femmes pour aider l'environnement
C'est justement en raison de ce rôle pivot des femmes dans la transition écologique, encore trop souvent sous-évalué, voire oublié, que les principaux acteurs du développement durable insistent de plus en plus sur la nécessité d'intégrer la dimension de genre dans les divers programmes et projets. Un Plan d'action « Genre et Climat » a notamment été adopté en novembre 2017 dans le cadre de la COP23.
Il s'agit non seulement d'écouter les difficultés spécifiques rencontrées par les femmes face à la dégradation de l'environnement, mais aussi d'en soutenir l'empowerment, pariant sur des retombées positives bien au-delà de l'égalité de genre. « Aider les femmes à exprimer et utiliser leurs connaissances, renforcer ainsi leur confiance en elles, a des effets positifs sur la biodiversité, sur leur production de végétaux, ainsi que sur l'ensemble de la vie de leurs villages », témoigne Clotilde Bato.
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