Énergie : les Britanniques bientôt rémunérés pour ne pas consommer aux heures de pointe

Au Royaume-Uni, les ménages équipés de compteurs intelligents devraient prochainement être payés pour éteindre les appareils à haute consommation d'énergie, tels que les machines à laver, pendant les heures de pointe. Une manière de limiter le risque de coupures de courant cet hiver, alors que le réseau traversera une période critique.
Marine Godelier
(Crédits : Stephane Mahe)

Fini, le temps de l'énergie disponible au même prix à toute heure de la journée ? Alors que l'invasion de l'Ukraine par la Russie met à rude épreuve l'approvisionnement en hydrocarbures de l'Europe, la demande des ménages devra s'adapter à l'offre réelle cet hiver pour éviter les coupures de courant. Y compris au Royaume-Uni, très dépendant du gaz pour produire ses électrons, et où les tarifs de l'électricité pour les particuliers feront plus que doubler sur un an d'ici à janvier prochain, selon les prévisions actuelles.

En effet, l'opérateur du réseau électrique national du pays (ESO) se prépare à annoncer un plan pour inciter les Britanniques à diminuer leur consommation durant les heures ou jours de pic de demande, afin d'alléger la pression sur le réseau lors de ces périodes critiques. Et ce, en passant par un signal-prix clair : les foyers privilégiant les heures creuses (c'est-à-dire hors de la plage 17h00-20h00) pour recharger leur véhicule électrique, faire tourner leur machine à laver ou encore allumer leur sèche-linge, devraient être « récompensés » par des ristournes. Concrètement, ils pourraient recevoir jusqu'à 6 livres (8 euros) pour chaque kilowattheure (KWh) utilisé à ces moments précis, une aide bienvenue alors que l'inflation atteint déjà plus de 10% sur un an outre-Manche, un record en 40 ans.

« Nous sommes en train de développer un nouveau service dont les consommateurs pourront bénéficier cet hiver, et donnerons bientôt des informations supplémentaires », a indiqué un porte-parole de l'ESO, qui gérera le programme.

La manière dont cet argent sera remboursé aux clients en fonctions de leurs pratiques devrait ainsi être rendue publique dans les quinze prochains jours, après des consultations avec les fournisseurs d'énergie et le régulateur britannique du secteur, Ofgem.

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Augmentations drastiques des prix

De fait, comme pour ses voisins européens, la situation énergétique du Royaume-Uni s'envenime, laissant craindre le pire pour cet hiver - même si le ministre de l'Economie, Nadhim Zahawi, a écarté à ce stade l'éventualité de coupures. Et pour cause, au-delà de la question d'une éventuelle pénurie temporaire, le sujet des factures d'électricité à venir fait des émules.

Pourtant, contrairement à la France, le montant maximum que les fournisseurs d'énergie peuvent facturer se trouve plafonné depuis janvier 2019 par le régulateur national. Mais face à l'envolée incontrôlable des cours, Ofgem a décidé de revoir ce montant tous les trois mois, au lieu de six mois auparavant, malgré le manque de visibilité pour les particuliers. Ainsi, celui-ci a récemment augmenté de 54%, jusqu'à atteindre environ 1.970 livres par an pour un ménage moyen aujourd'hui. Et alors même que le plafonnement des prix de l'énergie devait augmenter à 2.800 livres en octobre, ce montant s'avère « déjà obsolète », ont averti fin juillet des députés de la Commission de la stratégie commerciale, énergétique et industrielle.

Résultat : le tarif maximum encadré par l'Ofgem devrait plutôt atteindre 3.500 livres en octobre, avant de culminer à 4.200 livres en janvier. Selon le cabinet de conseil Auxilione, celui-ci pourrait même grimper jusqu'à 6.000 livres à partir d'avril prochain. Une situation explosive qui a poussé vendredi des professionnels du secteur à mettre en garde contre une « crise humanitaire » à l'horizon, et à appeler le gouvernement à augmenter « rapidement » les aides aux consommateurs.

Mais malgré l'urgence, le Premier ministre démissionnaire Boris Johnson a renvoyé ce dossier à son successeur, en cours de désignation par les militants du parti conservateur, et dont le résultat devrait être connu le 5 septembre. Sur ce sujet brûlant, Liz Truss, la favorite, privilégie les baisses d'impôts, tandis que son rival Rishi Sunak parle de « responsabilité morale » d'apporter plus d'aides directes aux consommateurs, la subvention publique étant actuellement de 400 livres par an.

Les Français incités à déplacer leurs consommations

En France, l'exécutif tente également de trouver des solutions économiquement acceptables à la crise, en jouant sur le signal-prix. Alors que le risque de ruptures d'approvisionnement en électricité est élevé pour l'hiver prochain, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, cherche en effet elle aussi à adapter mécaniquement la demande à l'offre via un signal-prix clair envoyé au consommateur, en échange de contreparties financières comme des tarifs plus avantageux hors période de pointe.

« C'est un sujet qu'on regarde de très près. Les tensions sur le réseau électrique sont très concentrées sur quelques heures ou jours par an. Ce type d'offre sera donc fondamental pour passer l'hiver prochain », glissait fin juillet à La Tribune une source ministérielle.

Cependant, contrairement au Royaume-Uni, le mécanisme passerait par des offres particulières souscrites par certains ménages volontaires, dites à « pointe mobile », c'est-à-dire dont le prix au mégawattheure varierait selon le niveau de tension sur le réseau. A l'instar du tarif « EJP » (Effacement jour de pointe) d'EDF, mis en place en 1982 mais retiré de la vente il y a quelques années, le consommateur apprendrait la veille pour le lendemain si des pointes sont prévues, auquel cas il paierait deux fois plus cher qu'en période « normale »...et décalerait donc sa consommation. Mi-juillet, Agnès Pannier-Runacher a ainsi demandé par courrier aux principaux fournisseurs de relancer ce type d'offre, afin de lisser la demande des Français et ainsi, espère le gouvernement, éviter le pire cet hiver.

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Marine Godelier

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Commentaires 3
à écrit le 23/08/2022 à 20:38
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Un plâtre sur une jambe de bois pour réduire les investissements dans le réseau de distribution plutôt que réduire la consommation réelle qui ne sera que reportée... Manifestement les bobos parisiens ont colonisé les esprits londoniens pour ado...

à écrit le 23/08/2022 à 9:51
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C'est étonnant, mais l'on retrouve ce principe dans le programme LFI pour les présidentielles, avait il une boule de cristal?

le 24/08/2022 à 10:56
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Ce concept n'a rien de nouveau. Tout le monde y est favorable. Le seul problème est comment le rendre acceptable, transparent et facile à gérer par le consommateur.

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