Il est temps de donner le Go à la production d'H2 « vert ». C'est en substance le message que le ministre de l'économie a fait passer aux industriels de l'hydrogène réunis à Bercy à l'occasion de la tenue du Conseil national de l'hydrogène. Bruno Le Maire les a pressé d'accélérer la cadence et de « faire émerger très rapidement » des usines d'électrolyse « à échéance de semaines ou de mois ».
Ce que n'a pas dit le représentant du gouvernement en revanche, c'est que la France devra, d'ici là, muscler son appareil de formation. Et de préférence vite. L'enjeu n'est pas mince connaissant le peu de magnétisme qu'exercent les « sciences dures » sur les nouvelles générations. Ce défi des compétences est d'ailleurs inscrit noir sur blanc dans les priorités de la Stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné.
Si la filière tient ses promesses, ce sont en effet 100.000 emplois qui pourraient être créés d'ici la fin de la décennie. Autant dire demain matin. Dans le détail, France Hydrogène a identifié 84 métiers du secondaire au supérieur qui seront clés pour le déploiement de la filière. Les plus recherchés concerneront le génie électrique, l'informatique industrielle, le génie mécanique, la mécanique des fluides, la métrologie, la QSE (qualité, sécurité, environnement) et l'anglais technique. Problème, 17 de ces métiers sont déjà des spécialités rares - tuyauteurs-canalisateurs, ingénieurs mécatronique, soudeurs, électromécaniciens...- que se disputent les entreprises. D'où un risque de pénurie voire de « siphonnage » d'autres activités industrielles.
Des vertus de l'anticipation
Dans l'agglomération Caux-Seine, en bonne place pour accueillir l'une des premières gigafactories françaises d'électrolyseurs*, on a très vite senti la portée de l'enjeu. « Avec le plan de relance industriel, les besoins en personnels qualifiés se feront davantage ressentir » préviennent ses élus. L'agglo, avec la complicité de la Région et d'un consortium d'entreprises (dont Air Liquide, TotalEnergies, GRT Gaz et EDF) a lancé une étude de faisabilité en vue de la création d'un plateau technique de formation supérieure spécialisé dans l'hydrogène. Objectif : « traiter très en amont la question de la formation professionnelle ». En clair, éviter d'avoir à réagir au pied du mur.
« On ne peut pas attendre que le besoin se manifeste pour aller chercher des jeunes. Sinon ils ne seront pas là le moment venu », argumente Eric Sammut, délégué régional de TotalEnergies.
Encore à l'état de projet, ce campus d'excellence dénommé H2 Académie convoite une partie des 30 millions d'euros fléchés à cet effet dans la stratégie nationale. Ses pères fondateurs tablent sur un lancement dès la rentrée prochaine. En attendant, ils ont obtenu du rectorat l'ouverture d'un BTS Maintenance des Système Énergétiques et Fluidiques avec une coloration H2, au lycée Pierre de Coubertin de Bolbec (Seine-Maritime). Un premier pas insuffisant, souligne-t-on au siège de l'agglomération : « les 15 places proposées actuellement ne suffiront pas à répondre aux enjeux à court et moyen-terme ». Là aussi, une invitation à accélérer.
*Comme celui de MacPhy à Belfort, ce projet porté par Air Liquide est en course pour l'obtention de la reconnaissance de Bruxelles au titre de « Projet Important d'Intérêt Européen Commun (PIIEC/IPCEI) »
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