Sale temps pour l'éolien et le solaire, la gauche freine... comme LR et le RN

Les Républicains et le Rassemblement national ne sont pas les seuls à faire obstacle aux ambitions du gouvernement en matière de déploiement des énergies renouvelables : alors que le projet de loi censé permettre leur accélération est arrivé lundi à l’Assemblée nationale, les députés Nupes se sont opposés aux dérogations demandées par l’exécutif, au motif que des parcs éoliens et solaires pourraient nuire à la biodiversité. De quoi crisper le syndicat de défense des énergies renouvelables, alors que la France accumule déjà du retard sur ses objectifs.
Marine Godelier
(Crédits : Pascal Rossignol/Reuters)

C'est une situation pour le moins paradoxale : la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), favorable au déploiement massif des éoliennes et autres panneaux solaires en France, freine des quatre fers sur le projet de loi du gouvernement dédié à l'accélération des énergies renouvelables. Au point que Syndicat de défense de la filière, le SER, s'en inquiète : « On est vraiment surpris de tout ça. L'idée du texte était de simplifier les procédures, mais on risque de se retrouver avec plus de règles qu'avant », souffle à La Tribune son président, Jules Nyssen. « C'est très grave. Ce qu'ils proposent revient à reculer, plutôt qu'à permettre un bond en avant ! », abonde Cédric Philibert, consultant et ancien expert de l'Agence internationale de l'énergie.

Et pour cause, à rebours des dérogations demandées par l'exécutif, les députés de gauche agitent un argument phare, jusqu'ici plutôt martelé par la droite : les infrastructures éoliennes ou photovoltaïques risquent de mettre à mal la biodiversité locale. C'est en tout cas ce qui ressort des premières discussions à l'Assemblée nationale, alors que la lecture du texte y a démarré lundi après-midi, après son adoption par le Sénat début novembre.

La Nupes contre la présomption de raison d'intérêt public majeur

En effet, lors de l'examen en commission, les députés écologistes ont rejeté en bloc, aux côtés des Républicains (LR) et du Rassemblement national (RN), un dispositif central pour accélérer les procédures avant qu'un parc éolien ou solaire ne sorte de terre, pourtant approuvé par les sénateurs. Initialement, l'idée du gouvernement était d'affirmer que les projets d'installations d'énergie renouvelable répondent par principe à une « raison impérative d'intérêt public majeur » (RIPM) du fait de l'urgence climatique. Une manière de limiter la possibilité d'intenter des recours juridiques, et, surtout, de faciliter la demande de dérogation d'atteinte aux espèces protégées, en vertu de l'importance que revêt ledit projet. De fait, aujourd'hui, les énergéticiens doivent demander ce « label », et ne peuvent l'obtenir qu'après un long travail administratif.

C'est d'ailleurs l'option retenue par la Commission européenne, puisque la directive « Fit for 55 », approuvée par le Parlement européen, prévoit d'accorder aux projets éoliens et solaires ce fameux intérêt public majeur sans qu'ils aient à le prouver. En Allemagne, ceux-ci sont également considérés dans la loi comme étant « d'intérêt public » et servant « la sécurité nationale », afin de pouvoir accélérer leur déploiement.

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Mais pour la Nupes, franchir ce pas risquerait d'aboutir à ce que « la biodiversité trinque encore » :

« Chaque projet n'est pas d'intérêt public majeur ! Par exemple, en Nouvelle-Aquitaine, le projet Horizeo qui prévoit de supprimer 1.000 hectares de forêt pour installer du solaire photovoltaïque porte gravement atteinte à la biodiversité. [...] Il ne faut pas accepter la pagaille et l'improvisation sous couvert de l'urgence de la situation ! », a défendu en séance la députée LFI Clémence Guetté, déplorant des « dérogations à tire-larigot ».

Face aux oppositions de la droite comme de la gauche, le gouvernement avait d'ailleurs déjà retiré un article phare, qui permettait de relever tous les seuils à partir desquels les projets d'énergie renouvelable seraient soumis à évaluation environnementale.

Pénaliser les plus petits projets

De quoi crisper le président du SER. « Le fait de reconnaître la RIPM ne veut pas dire qu'on pourra porter atteinte à la faune et à la flore ! », s'agace Jules Nyssen. Car les opérateurs de parcs d'énergies renouvelables devront de toute façon respecter deux autres conditions s'ils veulent obtenir le droit de porter atteinte à un individu appartenant à une espèce protégée, rappelle-t-il : qu'il n'y ait « pas d'alternative ailleurs », et avoir « pris toutes les mesures possibles de conservation des espèces ».

D'autant que refuser d'accorder a priori la RIPM aux projets éoliens et solaires risque surtout de pénaliser les plus petits d'entre eux, estime Jules Nyssen. « Quand vous voulez construire une infrastructure immense comme le parc éolien en mer de Saint-Nazaire, c'est évident qu'il n'est pas compliqué d'obtenir la RIPM ! », lance-t-il.

« Ce serait un affichage désastreux de reculer sur ce point dans le texte final, en donnant du grain à moudre à ceux qui cherchent tous les prétextes pour s'opposer aux renouvelables », insiste de son côté Cédric Philibert, lequel a d'ailleurs cosigné une tribune publiée lundi dans Libération pour défendre le dispositif, avec, entre autres, le climatologue Jean Jouzel.

« Le changement climatique est reconnu comme l'une des cinq principales menaces qui pèsent sur la biodiversité, contrairement aux éoliennes et aux panneaux solaires, qui participent d'ailleurs à limiter ce changement climatique », rappelle par ailleurs le chercheur.

Retard sur les objectifs

« Pire », selon le Syndicat des énergies renouvelables : non satisfaits, les députés écologistes ont également voté en commission pour l'interdiction par principe de tout projet solaire photovoltaïque dans une zone forestière. « Cela reviendrait à rendre plus strict le droit actuel, qui dispose déjà qu'on ne peut rien faire sur le sol forestier sans autorisation de défrichement des services instructeurs », alerte-t-il. L'opposition de gauche entend aussi freiner les ambitions du gouvernement sur l'agrivoltaïsme, qui consiste à associer la production d'électricité renouvelable et la production agricole.

« On risque finalement de ressortir des discussions avec encore plus de contraintes, alors que le projet de loi servait, de base, à accélérer des procédures trop longues », soupire le président du SER.

Alors que la France est le seul pays européen à ne pas avoir pas atteint ses objectifs de déploiement des énergies renouvelables, reste à voir si les députés de gauche assoupliront leurs positions lors de l'examen en séance. Car le temps presse : atteindre l'objectif de mi-parcours fixé en 2023 paraît désormais impossible. D'ici à un an, la France devrait en effet ajouter près de 6 gigawatts (GW) de puissance éolienne, soit près de 40% de la capacité totale cumulée à ce jour, et presque doubler la capacité solaire photovoltaïque (de 13 GW à 20,6), nécessitant de mobiliser plusieurs milliers d'hectares.

Même dans une optique de relance du nucléaire, d'ailleurs refusée par la Nupes (favorable au 100% renouvelable), l'Hexagone n'aura d'autre choix que de bâtir une cinquantaine de parcs éoliens en mer, et de multiplier par 7 au moins sa puissance solaire installée d'ici à 2050, s'il veut assurer sa sécurité d'approvisionnement sans dépendre des combustibles fossiles. « Dans ces conditions, on ne pourra pas avoir le beurre et l'argent du beurre : il faudra faire des choix clairs, et les assumer », conclut Cédric Philibert.

Lire aussiEDF annonce la mise en service complète du parc éolien en mer de Saint-Nazaire

Marine Godelier

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Commentaires 19
à écrit le 07/01/2023 à 10:29
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Bonjour, Avant tout ces grands oiseaux blancs disgracieux s'était posée la question technique: axe vertical ou horizontal, et c'est le 1 qui marche le mieux. Discret, silencieux, départ moins de 5 m/secondes , insensible au sens du vent , pas de...

à écrit le 07/12/2022 à 18:28
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on a toujours dit qu'il ne fallait attendre de miracle de la part de l'eolien et du solaire c'est bourre de polluant cela demande de la maintenance surtout l'eolien c'est disgracieux c'est bruyant quand au solaire cela vielli mal il faudra dou...

à écrit le 07/12/2022 à 14:18
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On peut facilement comprendre qu'il y a peu de dégâts esthétiques si on remplace une toiture en ardoise par des panneaux photovoltaïques. On peut imaginer des toitures rouges-orangées couvertes de PV colorés rouge (moyennant perte de rendement) : là...

à écrit le 07/12/2022 à 14:01
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Il faut cesser de parler "d’éolien», comme si l’éolien terrestre avec ses taux de charge ridicules (moins de 20%), et son intermittence très problématique, avait quelque chose à voir avec l’offshore.. Mettre des limites inférieures pour les taux de c...

à écrit le 07/12/2022 à 11:00
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C'est atterrant de voir la bêtise et l'irresponsabilité de nos députés, de droite comme de gauche, qui préfèrent sacrifier la France à leurs luttes idéologiques, de façon totalement incohérente. Ainsi il est évident qu'il faut faciliter le développe...

le 07/12/2022 à 14:23
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Outre l'idéologie, il peut aussi y avoir la défense d'intérêts catégoriels le solaire et l'éolien étant copieusement subventionnées et il arrive que le rendement énergétique des éoliennes ou des panneaux solaires soit négatif si on intègre leur produ...

le 07/12/2022 à 14:43
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"Faciliter" ne serait-ce pas un raccourci pour "déroger aux règles de protection des sites et de la biodiversité" ?

le 07/12/2022 à 19:26
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Des énergies propres qui doivent, à cause de leur intermittence, être adossées à plus de 70% du temps à des énergies fossiles gaz, fioul voire charbon! L'Allemagne est bien placée pour le savoir et s'en mord les doigts, alors accélérer l'implantation...

à écrit le 07/12/2022 à 10:09
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Nous ne voulons pas d'éolien terrestre qui dénature les paysages et est totalement inefficace quant à son rendement. Quand est ce que les politiques vont comprendre cela et ne pas agir contre le peuple ?!

le 07/12/2022 à 13:44
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ni d'éolien maritime vu que ça dénature aussi les paysages, maritimes. La structure immergée peut parfois, si bien pensée, être colonisée par la flore et la faune. Souvent ce que les gens craignent est que leur maison en bord de mer voit sa valeur ba...

à écrit le 07/12/2022 à 9:32
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La religion éolienne n'est pas partagée par tous, notamment ceux qui voient l'inutilité de ces horreurs.

à écrit le 06/12/2022 à 23:22
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Disons que cela va dans le bon sens. Le véritable progrès aurait été d'interdire toute pose neuve d'éoliennes (sauf cas de renouvellement du parc existant) ; et limiter le solaire sur les toitures de bâtiments industriels. Il est grand temps de mettr...

à écrit le 06/12/2022 à 22:13
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"On est vraiment surpris de tout ça. L'idée du texte était de simplifier les procédures, mais on risque de se retrouver avec plus de règles qu'avant". Tout est dit dans ce constat à l'ADN française: - Comment rendre les choses plus compliquée quand o...

à écrit le 06/12/2022 à 22:03
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La NUPES, les LR et le RN, de la pure politique politicienne stérile pour des idéologies diverses et dépassées.Il n'y a rien à attendre de groupes qui sont systématiquement "contre", invoquant des prétextes plutôt que de vrais arguments. Voter à no...

à écrit le 06/12/2022 à 21:08
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Ils ont enfin ouvert les yeux sur incapacité des énergies intermittente a faire face au pic de consommation qui a lieu après 18h en hiver. Ainsi cela fait plus d'un mois que la production éolienne tourne a seulement 10% de ses capacité par cause de m...

le 07/12/2022 à 2:11
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Pour une production électrique comparable, la part de l’éolien en Allemagne est de 22 % quand la part du nucléaire en France est de 72 %. Le bilan de l’éolien est catastrophique.

à écrit le 06/12/2022 à 19:42
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La Chine communiste premier producteur et fournisseur de Solaire et d'éolien visent à long terme sur le nucléaire civil et l'hydroélectrique seules énergies propres pilotable. La Chine communiste aura construit jusqu'à 2030 plus de 150 centrales nuc...

le 06/12/2022 à 21:44
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@ Communiste 🤣🤣🤣🤣: la Chine 👎

le 06/12/2022 à 22:41
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La consommation électrique de la Chine en 2035 sera de 12000 TWh contre 8300 TWh actuellement. Le nucléaire représentera 10% de la production et un tiers de la hausse attendue. Les ENR incluant les barrages et le charbon couvriront le reste de la hau...

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