
Rarement la rentrée politique n'aura été aussi cruciale pour le secteur énergétique, au carrefour d'enjeux écologiques, économiques et de souveraineté majeurs. Et pour cause, après la grave crise ayant secoué l'Europe ces deux dernières années, le calendrier s'accélère en France, qui s'apprête à se doter d'un plan à dérouler sur le long terme. L'objectif, pour le gouvernement : graver dans le marbre la relance du nucléaire et l'accélération massive dans les renouvelables, entre autres, afin de conserver un bouquet énergétique bas carbone et performant d'ici à la moitié du siècle. Et, surtout, battre le fer tant qu'il est chaud.
Car d'ici aux tous prochains mois, les textes de programmation devraient se succéder... avec un foisonnement d'acronymes à la clé. SFEC (Stratégie française pour l'énergie et le climat), LPEC (Loi de programmation sur l'énergie et le climat), PPE (Programmation pluriannuelle de l'énergie), ou encore SNBC (Stratégie nationale bas carbone) : ces sigles marqueront bientôt l'actualité comme autant d'instruments de pilotage de la politique énergétique du pays. Mais concrètement, à quoi chacun d'entre eux renvoie-t-il ?
Vers une nouvelle feuille de route
Bras armé de la transition énergétique en France, la PPE, d'abord, précisera l'avenir souhaité du mix national, en détaillant la répartition des différentes sources d'énergie nécessaires pour répondre à la demande future. Autrement dit, elle fixera des objectifs concrets jusqu'en 2033 pour le développement de chaque filière (photovoltaïque, éolien, nucléaire, biomasse, etc).
Ce document stratégique, qui devra être approuvé par le Parlement, n'est cependant pas le fruit d'une nouveauté : celui-ci a été institué en 2015, déjà, par la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, avec une première mouture approuvée dès 2016 par décret. Avant d'être revue en 2018, et qu'il soit prévu de la modifier tous les cinq ans. Celle attendue d'ici aux prochains mois s'inscrit donc dans ce processus prédéfini.
Cependant, la PPE actuellement en préparation revêt un caractère tout particulier. Et pour cause, elle devrait acter le changement majeur de stratégie dévoilé par Emmanuel Macron à Belfort, le 10 février 2022, et martelé depuis par l'exécutif. Car si le gouvernement a déjà fait passer, il y a quelques mois, ses projets de loi sur l'accélération des procédures liées à la construction d'installations nucléaires, et son équivalent pour les renouvelables, celui-ci n'a pas encore pu graver dans la loi la feuille de route du pays en la matière.
En théorie, c'est donc toujours l'ancienne PPE qui prévaut - la même qui prône un abandon progressif de l'atome civil, avec un plafonnement à 50% de cette source d'énergie dans le mix électrique d'ici à 2035. L'échéance à venir tombe donc à pic pour l'exécutif, malgré la riposte d'une partie de l'opposition de gauche, opposée à la construction de nouveaux réacteurs.
Une nouvelle loi pour encadrer les objectifs
Surtout, pour la toute première fois, cette PPE découlera d'un texte législatif qui, logiquement, la précédera : la programmation sur l'énergie et le climat (LPEC), elle-même programmée par la loi Energie-Climat adoptée en novembre 2019. Moins détaillée que la PPE, cet instrument législatif devra ainsi fixer, dans les grandes lignes, les grands objectifs de celle-ci. Et ce, en tenant compte du rehaussement récent de l'objectif européen de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre à -55% d'ici 2030.
La PPE résultera également de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui sera elle aussi bientôt dévoilée (dans un délai d'un an suivant l'adoption de la LPEC), afin de mettre en œuvre les orientations de cette dernière, et fixer les trajectoires d'émission du pays secteur par secteur d'ici à 2050. Comme pour la PPE, l'idée n'est toutefois pas nouvelle : adoptée pour la première fois en 2015, la SNBC a été révisée en 2018-2019, et arrivera à expiration en décembre 2023.
Retard du processus
Au total, ces trois documents formeront ainsi la stratégie française pour l'énergie et le climat (SFEC). Laquelle s'appuiera en partie sur travail du SPGE - un acronyme de plus -, pour « Secrétariat général à la planification écologique », une nouvelle structure sous l'égide de la Première ministre, Elisabeth Borne. Dans un document de travail publié mi-juin, cette instance inédite a ainsi déjà rehaussé les objectifs du pays dans les renouvelables d'ici 2030, en esquissant, sur 63 pages, la vision d'ensemble du gouvernement sur l'évolution du mix énergétique. Mais alors qu'un nouveau conseil de planification écologique (CPE) était prévu le 5 juillet dernier, celui-ci n'a toujours pas eu lieu, et sera reporté, a priori, autour de la mi-septembre.
Surtout, c'est tout le processus qui prend déjà du retard. Sur le site du ministère de la Transition écologique, il est d'ailleurs toujours précisé que la LPEC « doit être adoptée avant le 1er juillet 2023 ». A l'évidence, la promesse n'a pas été tenue. En mai, déjà, la commission des Affaires économiques invitait ainsi à déposer le projet de loi devant le Parlement « dans les meilleurs délais », et à publier dans la foulée la PPE. L'objectif du gouvernement, selon l'entourage de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher : « mettre à la concertation d'ici à la fin du mois un projet de programmation pluriannuelle de l'énergie et un projet de stratégie nationale bas carbone ». Avant, dans l'idéal, de démarrer la lecture au Parlement au cours de l'automne pour la LPEC, et d'ici au 1er semestre de 2024 pour la PPE.
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