Fairbrics, cette entreprise française qui veut transformer le CO2 des usines en vêtements

Fairbrics, jeune entreprise parisienne, veut récupérer le CO2 rejeté par les industriels pour le transformer en bobines de polyester pour confectionner du textile. Une façon de remplacer le polyester d'origine fossile par un homologue issu de l'économie circulaire. Une usine pilote doit voir le jour en Belgique mi-2024. Selon une récente étude de l'université d'Oxford, ce type d'innovation est nécessaire et doit être accéléré si les États veulent éliminer le CO2 sur le long terme et atteindre leurs objectifs climatiques.
L'entreprise vient de boucler une levée de fonds de 22 millions d’euros. 17 proviennent d’une subvention de l’Union européenne à travers son programme de recherche et d’innovation « Horizon 2020 » et les 5 millions restants de ses partenaires.
L'entreprise vient de boucler une levée de fonds de 22 millions d’euros. 17 proviennent d’une subvention de l’Union européenne à travers son programme de recherche et d’innovation « Horizon 2020 » et les 5 millions restants de ses partenaires. (Crédits : Peter Andrews)

Des t-shirts produits à partir des émissions de CO2 des usines : telle est l'innovation portée par Fairbrics. Spécialisée dans la chimie verte, cette entreprise basée à Paris et créée en 2019 a développé une plateforme technologique brevetée qui transforme les émissions de CO2 en bobines de polyester. « Nous utilisons du CO2 industriel. En échange de la récupération de ces émissions, nous avons un matériau de base à un coût quasi nul », explique à l'AFP son président Benoît Illy. Une solution gagnant-gagnant puisque, de leur côté, les industriels « n'ont potentiellement pas à payer de taxe carbone et peuvent communiquer sur leur engagement à réduire leurs émissions ».

Si la jeune pousse n'a pas encore signé d'accord, elle assure avoir « beaucoup discuté avec les pétrochimistes » et « commencé à parler avec les sidérurgistes ». Elle a du moins déjà noué trois partenariats côté clients - avec H&M, Aigle et On-Running - « qui ont payé une partie de notre développement », indique le dirigeant.

Fairbrics prône les vertus du polyester, une fibre pourtant synthétique. « Elle peut être produite de manière très efficace, en utilisant très peu d'eau et de ressources, contrairement au coton, fibre naturelle, mais qui a un impact désastreux sur l'environnement », considère Benoît Illy. Il assure que sa technologie, comparée avec une fibre actuellement sur le marché, « permet de réduire l'impact carbone de 70% ».

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Une usine en Europe plutôt qu'en Asie

Fairbrics ambitionne d'installer une usine pilote à Anvers, en Belgique, d'ici mi-2024. « Nous récupérerons du CO2 sur la plateforme pétrochimique de son port. Cette phase préindustrielle nous permettra de produire l'équivalent de 1.000 t-shirts par jour », se réjouit Benoît Illy.

Pour construire ensuite une usine à taille réelle, qui nécessite « plusieurs dizaines de millions d'euros », l'entreprise devra lancer une nouvelle levée de fonds. Elle vient d'en boucler une mi-janvier de 22 millions d'euros. 17 proviennent d'une subvention de l'Union européenne à travers son programme de recherche et d'innovation « Horizon 2020 » et les 5 millions restants des partenaires de Fairbrics.

Selon le dirigeant, son innovation est, en tout cas, rentable. « Nous avons des prédictions qui nous permettent de calculer que nous aurons un coût qui sera voisin des productions de matières pétrosourcées, entre le même prix et deux fois plus cher. Les marques nous ont dits que c'était acceptable, car il y a un bénéfice environnemental », assure-t-il.

S'il était initialement prévu de produire en Asie, l'équipe a finalement changé d'avis en optant pour une production en Europe « pour le marché européen ». « Ce qui est compliqué, c'est le coût de l'énergie, beaucoup plus chère en Europe qu'en Chine. Mais comme cette technologie nécessite peu de main-d'œuvre (techniciens et ingénieurs), nous pourrons être compétitifs même avec des salaires européens », estime Benoît Illy. Fairbrics devrait par contre licencier sa technologie pour les États-Unis et l'Asie.

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Les scientifiques alertent sur le besoin urgent d'éliminer le CO2

Une étude publiée la semaine dernière tend à montrer que les projets d'élimination du CO2 sont actuellement largement insuffisants pour atteindre les objectifs climatiques internationaux, qui vont donc nécessiter le développement massif et rapide de technologies innovantes.

Menée par l'université d'Oxford, cette enquête a fait le bilan des moyens de capter le CO2 dans l'atmosphère pour le stocker à long terme. Par exemple, grâce à la restauration de forêts ou à des techniques plus récentes comme le captage direct du CO2 dans l'air. Il ressort que les technologies innovantes - à l'image de l'usine Climeworks qui retire directement du CO2 de l'air en Islande - sont pour l'instant extrêmement marginales. Or, elles vont devoir croître « rapidement » pour rester dans les clous de l'accord de Paris, indiquent les chercheurs. Selon les scénarios, leurs capacités devraient être multipliées d'un facteur 1.300 - voire plus - d'ici 2050.

Les chercheurs insistent néanmoins sur le fait que ces méthodes ne doivent pas être considérées comme une baguette magique, qui dispenserait de faire baisser les émissions. « La réduction des émissions doit toujours être la priorité », a souligné Emily Cox, de l'université d'Oxford.

(Avec AFP)

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