Hydrogène : quand l'établissement public Haropa prospecte aux Emirats

Acheter de l’hydrogène produit ailleurs. A l’instar d’Emmanuel Macron, l’établissement public qui administre les grandes zones industrialo-portuaires de la vallée de Seine y songe. Son numéro 2 s’est rendu récemment à Dubaï pour évaluer la faisabilité d’un couloir d’importation d’H2 « vert » par la mer entre les Emirats Arabes Unis et Le Havre.
La première compagnie pétrolière émirati a récemment annoncé vouloir produire un million de tonnes d'hydrogène vert d'ici 2030.
La première compagnie pétrolière émirati a récemment annoncé vouloir produire un million de tonnes d'hydrogène vert d'ici 2030. (Crédits : Shutterstock)

Accros à l'hydrogène, les zones industrialo-portuaires de la vallée de Seine devront-elles se résoudre à importer de l'H2 « vert » pour alléger leur empreinte carbone ? C'est en tout cas ce que semblent penser les dirigeants d'Haropa Port. L'établissement public qui administre les grands ports de Paris, de Rouen et du Havre, a fait ses calculs. Et selon lui, les électrolyseurs qui doivent sortir de terre entre la Normandie et l'Ile de France pourront difficilement répondre à la demande future en hydrogène propre des industriels du raffinage, de la chimie ou des engrais, tous partis à la chasse au CO2.

« L'importation est une possibilité »

Au total, les autorités portuaires estiment les besoins à venir à « 300.000 tonnes par an ». Un chiffre considérable à comparer avec la capacité de la méga-usine d'électrolyse Normand'Hy, dont Air Liquide doit lancer la construction près du Havre. L'établissement pourtant présenté comme « l'un des plus puissants du monde » par le groupe gazier fournira moins du dixième de ce tonnage global. Plus capacitaire mais moins avancé, le projet d'électrolyseur porté par Verso Energy à Rouen devrait produire quelque 50.000 tonnes par an. Encore très loin de ce qui serait nécessaire, à plus forte raison si l'on inclut l'H2 qui sera fléché vers la production des carburants d'aviation de demain : les fameux SAF.

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Quant au captage du CO2 qui permettrait à terme de verdir - ou plutôt de bleuir - la production d'hydrogène « gris », son potentiel reste à évaluer précisément mais le directeur général adjoint d'Haropa ne se fait manifestement guère d'illusions. « Ces deux technologies (électrolyse et captage, ndlr) ne couvriront qu'une partie des besoins. Aussi nous revient-il d'étudier d'autres pistes », explique Kris Danaradjou. « L'importation est une possibilité à propos de laquelle Emmanuel Macron a d'ailleurs évolué récemment », ajoute-t-il.

C'est dans ce contexte que l'intéressé s'est envolé juste avant Noël pour Dubaï, profitant d'une mission économique emmenée par le président de la Région Normandie. Objectif : poser des jalons en vue de la création éventuelle d'un couloir d'importation d'H2 « vert » entre les Emirats Arabes Unis et le port du Havre. Un choix qui ne doit rien au hasard.

Les EAU, terre promise de la molécule verte ?

Tout, en effet, laisse à penser que les EAU deviendront demain une place forte de l'hydrogène fabriqué à partir d'électricité renouvelable, comme l'a rappelé Nicolas Poirot, directeur général d'Air Liquide pour le Moyen-Orient que le dirigeant français a rencontré à Dubaï en présence de La Tribune. « Ils ont tous les atouts en main avec beaucoup de vent, du soleil et des terrains disponibles en quantité pour installer des panneaux solaires et des éoliennes ».

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La compagnie nationale pétrolière émirati, affiche d'ailleurs de grandes ambitions. Dirigée par Sultan Al-Jaber, qui a présidé la dernière COP, le groupe ADNOC a investi récemment dans la fabrication d'électrolyseurs et annoncé vouloir produire un million de tonnes d'H2 « vert » d'ici 2030 via sa filiale Masdar, spécialisée dans les énergies renouvelables. Un signal probant pour le responsable d'Air Liquide. « Malgré les doutes que se sont exprimés pendant la COP28, il est certain qu'ADNOC veut sortir du fuel et mise sur l'hydrogène pour se départir de sa dépendance ».

En se faisant connaître des acteurs des EAU, les autorités portuaires de la vallée de Seine espèrent donc apparaître dans leurs radars, le moment venu. « La France n'est pas toujours dans le viseur des grands énergéticiens dans cette partie du monde. Par conséquent, il est important de comprendre leur stratégie pour pouvoir les mettre en contact avec nos industriels si le besoin se présente », souligne Kris Danaradjou.

Des questions en suspens

Reste qu'acheter de l'hydrogène produite au-delà des mers relève encore de la gageure. Même sous forme d'ammoniac plus simple à transporter, importer la molécule verte par la voie maritime exigera de disposer non seulement de navires et d'infrastructures adhoc, mais aussi d'importantes unités de liquéfaction au départ et de regazéification à l'arrivée. Avec à la clef, un effet sur le prix difficile à estimer à ce stade, sans compter les questions environnementales que soulève cette solution.

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On en saura vraisemblablement plus dans les prochaines semaines. Le ministre de l'Industrie Roland Lescure a, en effet, demandé à pas moins de trois services (l'inspection générale des finances, l'inspection générale de l'environnement et du développement et le Conseil général de l'économie) d'évaluer la pertinence des importations d'hydrogène. Si leurs conclusions se révèlent négatives, l'émissaire d'Haropa aura sans doute prêché dans le désert.

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Commentaires 2
à écrit le 05/01/2024 à 15:56
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"entre les Émirats Arabes Unis et Le Havre" c'est le circuit le plus court pour atteindre la France, voire l'UE, le Havre ? Si les rois du pétrole peuvent devenir les rois de l'hydrogène, ça leur permettrait de continuer à avoir des revenus, et form...

le 06/01/2024 à 9:55
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Nous avons une société française cocorico ( pour combien de temps encore ? ) dans le domaine : McPhy Energy

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