La hausse des prix de l'énergie pourrait détruire 150.000 emplois industriels en France

La hausse des prix de l'énergie mais aussi la suppression progressive des quotas gratuits d'émission de CO2 en Europe menace des dizaine de milliers d'emplois dans l'industrie tricolore.
Les secteurs les plus exposés sont les plus grands consommateurs d'énergie : métallurgie, industrie du papier-carton et chimie, où la proportion de l'emploi menacé atteint respectivement 33%, 20% et 16%.
Les secteurs les plus exposés sont les plus grands consommateurs d'énergie : métallurgie, industrie du papier-carton et chimie, où la proportion de l'emploi menacé atteint respectivement 33%, 20% et 16%. (Crédits : Reuters)

Près de 6% des 2,7 millions de salariés que compte l'industrie française en équivalent temps-plein sont menacés par la hausse des prix. C'est ce que révèle une étude publiée par le groupe de réflexion La Fabrique de l'Industrie avec le cabinet de conseil Oliver Wyman.

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Sur les 145.500 emplois menacés, 117.000 viennent du « doublement durable des prix de l'énergie en Europe alors qu'ils restent stables dans le reste du monde », notamment aux Etats-Unis où l'industrie a reçu le soutien massif du plan protectionniste « Inflation Reduction Act » (IRA) de l'administration de Joe Biden.

Les entreprises vont devoir payer leur droit à polluer

37.500 autres suppressions d'emplois résulteraient des « conséquences négatives de la mise en place du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) » en discussion à Bruxelles pour réguler les émissions de gaz à effet de serre engendrées par les produits importés en Europe, selon l'étude.

Ce mécanisme prévoit notamment la suppression graduelle des quotas gratuits d'émission de CO2 dont bénéficient depuis 2013 des secteurs entiers de l'industrie lourde pour les encourager à décarboner leurs activités en évitant les délocalisations. Ces entreprises devront bientôt payer leurs droits de polluer.

Mais si l'instauration du MACF avait un temps été considérée favorablement comme un moyen de mettre fin au « dumping climatique » de certaines puissances commerciales, les industriels pointent les lacunes du dispositif. Ils font notamment valoir que le MACF taxera uniquement les entrées sur le marché intérieur européen et pèsera sur la compétitivité des exportations européennes « face à une concurrence étrangère qui n'aura pas essuyé le même coût du carbone en amont ».

« Pour que les producteurs européens et extra-européens soient logés à la même enseigne, il aurait fallu que le MACF fonctionne « à l'envers » pour les exportations, en les dédouanant du prix du carbone payé lors de leur production en Europe. Ce n'est pas le choix qui a été fait », note l'étude.

Les industriels forcés d'importer

Deuxième point, le MACF ne couvrant que quelques grands intrants industriels de base (aluminium, acier..), et non l'ensemble des chaînes de valeur, les importateurs européens pourront être incités à opter pour des importations de produits finis ou semi-finis au lieu de se tourner vers la filière de fabrication française qui aura payé un coût du carbone dans tous les cas de figure.

L'analyse du think tank présidé par deux grands capitaines d'industrie, Louis Gallois et Pierre-André de Chalendar, aboutit à l'idée « contre-intuitive » que « les secteurs les plus menacés par le MACF sont précisément ceux que ce dernier est supposé protéger », ajoute le document. Les secteurs les plus exposés sont les plus grands consommateurs d'énergie : métallurgie, industrie du papier-carton et chimie, où la proportion de l'emploi menacé atteint respectivement 33%, 20% et 16%, selon l'étude.

L'emblématique cas du verrier Arc

Le cas du verrier Arc, contraint d'arrêter ses fours cet hiver en raison de la flambée des prix du gaz, illustre les sombres pronostics du think tank. Pour redémarrer, elle a emprunté 10 millions d'euros. « L'activité reprend dans cette entreprise emblématique du territoire et qui va continuer à se développer », a salué le ministre délégué chargé de l'Industrie Roland Lescure en visite à l'usine Arc France, qui constitue selon la cristallerie le huitième plus grand site industriel français et emploie 4.500 personnes.

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Ce nouveau coup de pouce porte à 138,5 millions d'euros les prêts accordés par l'Etat depuis 2020 à Arc France. « Cela fait beaucoup d'argent mais c'est de l'argent qui est bien utilisé pour accompagner le développement d'une entreprise qui se positionne vers l'avenir », a mis en avant le ministre, relevant notamment les projets en cours de décarbonation du site. Cette réduction d'activités a entraîné la mise au chômage partiel « d'en moyenne, 40% du personnel durant les trois mois d'hiver », a-t-il indiqué, « moins de 10% des effectifs étant désormais concernés par cette mesure, essentiellement sur les fonctions support ». « Nous espérons qu'il n'y en aura plus en 2024 », mais « il faut être sûr que la demande, qui semble redémarrer, se confirme », a-t-il ajouté, relevant que s'il a baissé depuis le pic hivernal, « le prix du gaz reste quatre à six fois plus haut qu'avant la crise énergétique ».

Une remontée du chômage est attendue dans les prochains mois

Selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le marché de l'emploi surprend actuellement par sa vigueur, avec un million d'emplois créés en France depuis 2019. Sur ce chiffre, 70% des emplois créés sont dus au développement massif de l'apprentissage, aux effets des mesures de soutien public aux entreprises et à la réduction de la durée du travail, avec un chômage partiel persistant dans certaines industries électro-intensives comme la métallurgie. Environ 30% du million d'emplois restent inexpliqués. L'organisme s'attend à une remontée du chômage, qui devrait passer de 7,2% actuellement à 7,9% à la fin 2024, « avec la baisse de l'apprentissage et la hausse de la durée du travail », et a diminué depuis la crise sanitaire.

(Avec AFP)

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Commentaires 4
à écrit le 15/04/2023 à 8:59
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excellent!!!!!! ca lutte contre le rechauffement climatique et le racisme anti lgbt+ dans la tolerance bienveillante, donc il faut acceleer la destruction de l'emploi, c'est parfait pour l'extreme gauche qui pourra faire ses manifs en cassant tout av...

à écrit le 14/04/2023 à 9:17
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Entre la suppression à grande échelle des emplois intermédiaires liée à l'usage extensif de l'IA (en gros tout ce qui repose sur des diagnostics et des classements, ce qui n'est pas rien) et la suppression à grande échelle des emplois industriels pou...

à écrit le 14/04/2023 à 9:06
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Certes, on ne pourra pas remplacer partout le gaz par de l'électricité; mais il est clair qu'on a cruellement besoin d'une énergie nombreuse, décarbonée et bon marché. Ah, on l'avait en France dans les années 2000...et on ne l'a plus? C'est ballot, ...

à écrit le 14/04/2023 à 8:52
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La réussite du processus de décarbonation de l'économie globale qui vise à limiter la hausse des émissions de GES et, par là, la hausse de la température sur Terre à l'horizon du siècle est d'abord conditionnée par les résultats qui pourront être ob...

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