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Comment réussir à intégrer les énergies renouvelables dans notre mix avant 2030 ?

Pour sa transition énergétique, la France a fait le choix de recourir de manière croissante aux énergies renouvelables. Mais pour atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée, il faudra planifier, simplifier, structurer et favoriser le déploiement de technologies nouvelles et compétitives, explique Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), à la Tribune de l’énergie.

Une planification indispensable

Le projet de loi de transition pour une croissance écologique prévoit une proportion de 32% d'énergies renouvelables (EnR) dans le mix énergétique français d'ici 2030 : 40% pour la production d'électricité, 38 % pour celle de chaleur et 15% pour les transports. Avant lui, la France s'était engagée à parvenir à 23% d'EnR en 2020. Jean-Louis Bal rapporte :

« Si on continue sur la tendance actuelle, l'objectif 2020 ne pourra pas être tenu. Fin 2013, on comptait 14% d'énergies renouvelables dans notre mix énergétique et selon  nos estimations, on devrait atteindre 18% en 2020 ».

Pour intégrer plus de 30% d'énergie renouvelable en 2030, il faudra donc « que l'on ait beaucoup plus de visibilité et que l'on dispose de prévisions annuelles des appels d'offres à venir pour de nouvelles installations renouvelables, estime encore le président du SER. La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévue dans la loi est censée remplir ce rôle.» Et venir compléter et faire évoluer les schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR).

Placer les installations aux bons endroits

Les EnR ne doivent pas être installées de manière aléatoire sur le territoire. Elles doivent être localisées au plus près des lieux de consommation d'abord, pour éviter des surcoûts de réseau et la mise en place d'infrastructures supplémentaires. Et évidemment la météo et la géographie comptent. Le solaire est ainsi plus indiqué dans le Sud « pour répondre aux besoins de climatisation et des activités dans le tertiaire particulièrement propices à une production solaire diurne », avance Jean-Louis Bal. Sans cela, des installations mal placées ne seraient ni rentables ni ne permettraient d'assurer une production suffisante.

Simplifier les procédures

« Pour réussir à intégrer les EnR, il subsiste encore un obstacle : la lourdeur des procédures d'installation et environnementales. L'éolien en fait particulièrement les frais, puisqu'il faut entre cinq et sept ans pour qu'un parc voit le jour en France, contre deux à trois ans chez nos voisins européens », déplore Jean-Louis Bal.

Cette simplification des procédures est d'ailleurs en cours. La France expérimente depuis le 1er juin 2014, et pendant trois ans, une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Elle vise, selon le ministère en charge, « la délivrance d'un « permis unique » réunissant l'ensemble des autorisations nécessaires à la réalisation d'un projet soumis à autorisation au titre de la législation relative aux ICPE ». Un poids en moins pour les installations éoliennes et les projets de méthanisation notamment.

Rendre les EnR plus compétitives

On a beaucoup reproché aux énergies renouvelables de ne pas être compétitives et de ne rien faire pour l'être, en bénéficiant simplement des tarifs d'achat de l'Etat pour chaque KWh produit. Le projet de loi prévoit ainsi de remplacer progressivement ce mécanisme par celui d'une prime accordée aux producteurs sur la base du marché. « Concrètement, les producteurs d'EnR vendront désormais leur électricité sur le marché », explique le président du SER.

Après quoi sera calculé l'écart entre le prix de vente sur le marché et le prix cible du producteur pour assurer ses coûts d'exploitation, que l'Etat versera sous forme de prime. « Cela permettra aux producteurs de s'initier au marché avant d'y entrer totalement et de montrer, pour beaucoup,  qu'ils sont déjà compétitifs », assure Jean-Louis Bal.

Structurer les filières

Si l'éolien terrestre et le photovoltaïque ont derrière eux 15 à 20 ans de structuration, la filière Biogaz et la filière Energies marines renouvelables (EMR) sont, elles, jeunes et ont besoin de trouver un modèle et une organisation.

Pour la première, « les matériels doivent aussi évoluer car ils ont été pensés dans les pays nordiques ou l'Allemagne voisine pour fonctionner avec des matières premières que l'on trouve peu ou pas en France », précise Jean-Louis Bal.

Pour la seconde, la structuration est en route avec la mise en place de véritables pôles industriels près de futurs parcs éoliens offshore, en Normandie ou en Pays de la Loire notamment. Et le bois énergie « qui contribue de plus en plus au mix énergétique français et remplit ses objectifs de progression, doit encore évoluer pour structurer la filière en termes d'approvisionnement directement dans la forêt », ajoute le dirigeant du syndicat.

Les bonnes technologies au bon moment

Pour réussir le pari des 32% d'EnR, voire plus, en 2030, il faut développer les bonnes énergies au bon moment et savoir anticiper les besoins de maturation de certaines technologies.

C'est particulièrement le cas des EMR qui ne sont pas encore compétitives. Les appels d'offres lancés par l'Etat entre 2012 et 2014, et remportés par divers consortiums d'énergéticiens, permettent toutefois aux industriels de se mettre en ordre de marche et d'investir pour qu'à l'heure de la mise en fonctionnement des parcs éoliens offshore (entre 2018 et 2022), « le prix du MWh passe en dessous de la barre de 200 euros », selon Jean-Louis Bal.

Quant aux technologies hydroliennes ou d'éolien flottant, la mise en place de démonstrateurs doit favoriser leur industrialisation future, certainement après 2020. « On peut aussi penser au stockage », ajoute le président du SER. Pour poursuivre le développement des EnR, et même si un pourcentage de 32% de renouvelables ne perturbera pas outre mesure le réseau, il faut « anticiper les besoins futurs pour une pénétration bien plus importante des renouvelables ».

Réseau : raccorder et renforcer

La bonne intégration des EnR passe également par leur raccordement aux  réseaux de transport et de distribution de l'électricité notamment, ou leur injection dans les réseaux de gaz. Et de ce côté, les opérateurs sont bien organisés, selon Jean-Louis Bal, qui détaille :

« Pour le réseau de distribution électrique, le dialogue s'est largement amélioré entre producteurs EnR et ERDF ces dernières années, et le temps de raccordement a été amplement raccourci pour atteindre en moyenne des délais très corrects. Côté réseau de transport, RTE a un travail très minutieux à faire pour renforcer la capacité du réseau. Il travaille en lien avec les schémas régionaux et sera impliqué pour la programmation pluriannuelle de l'énergie ».

Donner un prix au CO2

Une autre mesure pourrait réellement faciliter  l'introduction, des énergies renouvelables,  même l'accélérer : donner un prix au CO². « Le coût d'accès aux énergies fossiles traditionnelles serait ainsi renchéri, reflétant le coût des dommages climatiques qu'elles provoquent et valorisant d'autant plus les renouvelables. En outre, cela éviterait tout effet d'aubaine quand les prix fluctuent fortement vers le bas comme c'est le cas aujourd'hui du pétrole par exemple », explique encore le président du SER.

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