LA TRIBUNE - Quels risques pèsent actuellement sur les entreprises en cette période de reprise de l'économie ?
VINCENT BALOUET - C'est la vie d'entreprise d'avoir des risques. Le premier risque à très court terme est la croisée des chemins entre la trajectoire de relâchement choisie en mai par les pouvoirs publics et la trajectoire du variant Delta. Le Royaume-Uni fait face depuis courant juin a une explosion exponentielle du variant, y compris sur les primo-vaccinés. Dans l'épidémie, la France a généralement sept semaines de retard sur l'Angleterre, ce qui pourrait conduire à une quatrième vague courant août.
Le deuxième sujet concerne le management rotatif, entre distanciel et présenciel. Enfin, il y a un vrai risque de cybersécurité. Avec la généralisation du télétravail, le parc informatique des entreprises a manifestement migré d'un poste fixe dominant à une poste portable dominant. Dans le monde d'avant la crise, les équipes informatiques s'occupaient de rallumer de temps en temps les postes de travail fixes pour assurer la maintenance informatique et les contrôles de sécurité. Mais dans le monde d'après, quand les salariés partent en vacances, les postes de travail ne sont plus mis à jour.
Avec une organisation du travail hybride, faut-il s'attendre à une hausse des risques psychosociaux ?
Quand toutes les entreprises sont passées en télétravail, personne ne s'est préoccupé des risques psychosociaux. Il s'agissait de « brancher » les collaborateurs et trouver une zone de confort à peu près acceptable. Mais lorsque l'été est arrivé, il est apparu que certains salariés n'allaient pas bien, pour plusieurs raisons, comme le fait de télétravailler dans de petits logements ou de devoir garder les enfants en même temps. En octobre, la situation s'est alors inversée : les collaborateurs qui avaient un rapport au travail compliqué sont revenus au bureau pour avoir du calme, et les autres sont restés à la maison pour travailler. Par exemple, certains grands sièges à la Défense ne sont restés ouverts que pour prévenir les risques psychosociaux. Cette situation a été très difficile à anticiper.
Aujourd'hui, l'idée d'un resserrement potentiel des contraintes au mois de septembre n'enchante personne, mais c'est le virus qui décide. S'il y a une nouvelle vague, il y aura des risques psychosociaux. La santé au travail est aussi une composante à prendre en compte dans le management rotatif.
A quelles barrières se heurtent les managers dans cette nouvelle organisation ?
Aujourd'hui, les salariés sont en rotation entre le bureau et la maison et ils ont de nouvelles contraintes. Ils expriment plus fortement leurs vœux d'organisation que dans le monde d'avant.
De leur côté, les managers doivent composer avec des salariés satisfaits d'être tous les jours au bureau, d'autres satisfaits d'être complètement en télétravail, et d'autres encore qui sont partagés entre les deux. Dès lors, comment faire avancer le projet d'entreprise alors que les salariés tournent tous à une vitesse individualisée ? C'est aux managers que revient la responsabilité d'orchestrer cette nouvelle organisation, alors que les contraintes réglementaires liées au télétravail vont encore évoluer à la rentrée et que les règles du jeu vont changer. Avant, il existait un cadre réglementaire général et la vie se passait au travail. Cela est moins vrai aujourd'hui et le centre de pouvoir a basculé vers le manager.
Le numérique représente-t-il une menace pour l'avenir ?
Le numérique est central. En passant d'un mode 100% présentiel à un mode 100% télétravail il y a plus d'un an et demi, un transfert de risque très important s'est opéré, de la vie en présentiel vers la vie en numérique. En juin, l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord, ndlr) déclarait qu'une cyberattaque générale serait qualifiée comme un acte de guerre. Cette opération porte un nom : le hack back ou la contre-attaque sur Internet.
Si le monde de demain est un mode de riposte, Internet deviendra un champ de bataille infréquentable. Il faudra construire des infrastructures d'entreprises sécurisées pour pouvoir travailler. Il y a beaucoup d'incertitude sur l'insécurité numérique à l'avenir.
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