En difficulté, Casino porte plainte pour diffamation contre deux actionnaires minoritaires

Les sociétés Casino et sa maison-mère Rallye poursuivent en justice pour diffamation deux actionnaires minoritaires de Casino qui ont déposé plainte en février auprès du parquet national financier, accusant la direction du groupe de manipulations financières et boursières, au bénéfice notamment de son PDG Jean-Charles Naouri.
(Crédits : ERIC GAILLARD)

En pleine tempête, Casino se défend en justice. La société de distribution, ainsi que sa maison-mère Rallye, poursuivent ainsi pour diffamation deux actionnaires minoritaires de Casino, qui avaient déposé plainte en février auprès du parquet national financier en accusant la direction du groupe de manipulations financières et boursières, au bénéfice notamment de son PDG Jean-Charles Naouri. Face à ce qu'elles considèrent comme de la « diffamation », les entreprises Casino Guichard-Perrachon et Rallye ont assigné Xavier Kemlin, arrière-petit-fils de Geoffroy Guichard, fondateur de Casino en 1898, et Pierre-Henri Leroy, fondateur de la société de conseil de vote aux actionnaires Proxinvest, devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris.

Ces deux actionnaires minoritaires ont de leur côté engagé ces dernières années plusieurs actions en justice contre Jean-Charles Naouri, en tant que dirigeant de Casino et de sa maison mère Rallye. Leurs plus récentes plaintes pour manipulations financières et boursières, déposées en février auprès du parquet national financier (PNF), dénoncent de potentiels abus de biens sociaux, manipulation de cours, diffusion d'informations trompeuses, abus de pouvoirs et de biens sociaux et escroquerie au jugement.

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Un conflit de plusieurs années

L'assignation délivrée par Casino et Rallye à Xavier Kemlin et Pierre-Henri Leroy leur reproche des « propos diffamatoires » contenus dans deux articles du magazine Le Point, du 28 février et 10 mars, qui avaient révélé ces plaintes.

Interrogé par l'AFP, un porte-parole du groupe Casino avait alors indiqué que les allégations de Messieurs Kemlin et Leroy étaient parfaitement inexactes et calomnieuses (...) Ce faisant, nous nous réservons la possibilité de déposer une plainte, comme nous l'avions déjà fait en 2018 contre les mêmes personnes, en réaction aux mêmes allégations.

Dans leur assignation sur citation directe, les sociétés Casino d'une part et Rallye de l'autre demandent chacune 30.000 euros de dommages et intérêts à chacune des personnes visées (soit 120.000 euros au total) par le délit de « complicité de diffamation publique ».

Lors de la mise en l'état de la procédure, le 16 juin, le tribunal a fixé l'audience au 10 septembre 2024, et demandé à Casino et à Rallye de verser chacun 5.000 euros de consignation, a indiqué à l'AFP Me Thomas Amico, conseil de MM. Kemlin et Leroy. « Je considère cette citation totalement infondée tant en fait qu'en droit. Elle n'est que l'instrument maladroit d'une procédure bâillon qui risque de se transformer en procédure boomerang pour Casino et Rallye », a-t-il commenté.

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Casino en pleine tourmente financière

Casino, qui fête ses 125 ans en 2023, est entré fin mai en procédure de conciliation au plus tard jusqu'au 25 octobre, afin de renégocier avec ses créanciers son endettement, qui s'élève à 6,4 milliards d'euros de dette nette pour Casino et 3 milliards environ pour sa maison mère Rallye.

Depuis quelques semaines, pas un jour ou presque ne passe sans une annonce du distributeur en difficulté financière. Mercredi soir, Casino a annoncé avoir eu l'accord de l'Etat pour un report de charges sociales et fiscales, d'un montant total d'environ 300 millions d'euros, dues pour la période allant de mai à septembre 2023. Le groupe, qui emploie plus de 200.000 personnes dans le monde dont un gros quart en France, assure que la somme sera payée « à la date de la réalisation de la restructuration financière » de l'entreprise.

Outre le report de charges, il va être demandé aux créanciers de suspendre le versement de sommes dues, intérêts ou remboursements, pour un montant total d'environ 200 millions d'euros.

Et jeudi matin, Casino a annoncé solder sa participation dans l'enseigne brésilienne de cash&carry (ventes en gros pour les professionnels et particuliers) Assai, considérée comme la pépite du groupe. La valeur des actions qui vont être cédées au cours actuel est de près de 403 millions d'euros. « Il était clair qu'ils ne garderaient pas le reste de leur participation dans Assai », après en avoir cédé des parts courant 2022, « mais je pensais qu'ils lanceraient la vente plus tard », a estimé auprès de l'AFP Clément Genelot, spécialiste de la distribution chez Bryan, Garnier & Co. « Cela montre à quelle vitesse leur activité brûle de l'argent », selon lui.

Casino dit vouloir « préserver sa liquidité pendant toute la période de conciliation » qui s'achèvera au plus tard le 25 octobre. Il a toutefois pour objectif de trouver un accord sur la restructuration de sa dette avec les principaux créanciers, « d'ici la fin du mois de juillet ».

Réduire la dette de Casino impliquerait que ses créanciers, grandes banques françaises et internationales, fonds d'investissement européens ou américains et acteurs institutionnels, acceptent de tirer un trait sur l'argent dû par le groupe, dans des proportions sans doute très importantes.

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Les syndicats craignent le démembrement de Casino

Pilier de l'économie stéphanoise, Casino fait face à des difficultés inédites qui mettent les salariés en alerte. Certaines organisations syndicales - la CGT, Unsa et la CFDT - avaient appelé à manifester jeudi matin devant le siège du groupe à Saint-Etienne.

Près de 150 personnes s'y sont rendues alors que s'y tenait un CSE d'information consultation sur la vente annoncée à Intermarché de 119 magasins du groupe, dans lesquels travaillent plus de 4.000 personnes. Les syndicats présents ont dit craindre une « possible prochaine vente à la découpe de groupe Casino (qui) aura pour seul objectif d'enrichir les plus riches ».

« Vous pouvez être assurés de mon entière détermination et de mon énergie pour défendre vos intérêts et ceux de Casino », avait écrit à ses salariés le PDG du groupe, Jean-Charles Naouri, le 12 juin dernier. Il y estimait que « grâce à un allègement de la dette et à l'entrée d'un ou plusieurs nouveaux investisseurs », Casino sera mieux armé pour se « projeter dans la décennie à venir ».

Car d'un côté le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky et le financier Marc Ladreit de Lacharrière, actionnaires du distributeur, de l'autre un trio d'hommes d'affaires Xavier Niel (Free), Matthieu Pigasse et Moez-Alexandre Zouari, ont fait connaître leur intérêt pour contribuer à une augmentation de capital du distributeur. Sous conditions, dont l'une est la réduction de la dette.

Lire aussiCasino: la renégociation de la dette du groupe discutée à Bercy

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Commentaires 4
à écrit le 26/06/2023 à 7:47
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"Échelle de mesure pour tous les jours: Nous nous tromperons rarement en rattachant nos actes les plus courageux à la vanité, nos actes les plus médiocres à l'habitude et nos actes les plus mesquins à la peur" Nietzsche

à écrit le 26/06/2023 à 3:25
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"Ces deux actionnaires minoritaires ont de leur côté engagé ces dernières années plusieurs actions en justice contre Jean-Charles Naouri," ... ça ne préjuge pas de la réalité des accusations : a-t-on des décisions judiciaires sur ces actions en justi...

à écrit le 25/06/2023 à 15:43
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Casino file un mauvais coton depuis bien trop.longtemps. Très mauvaise gestion ce qui sous entend des malversations. Casino est "out" et sera dépece. Naouri devrait normalement finir en prison.

le 26/06/2023 à 3:28
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Avec vous au moins, la justice serait pour le moins expéditive !!! D'où concluez-vous qu'il serait "normal" (c'est quoi cette norme?) qu'il soit en prison: peut-être avez-vous des informations que la justice ignore... Attention, faire un rétention d'...

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