Qui est Citygo, l'appli de mobilité qui fait polémique ?

L'application de covoiturage courte distance a décidé de suspendre la fonctionnalité de trajet de dernière minute après la mise en demeure du ministère des Transports. D'après ses détracteurs, l'appli Citygo est largement détournée par des chauffeurs qui assurent un véritable service de transport de personnes sans en avoir le titre ni les contraintes réglementaires. La startup française, elle, joue l'apaisement mais croit à la pertinence de son modèle original.
Nabil Bourassi
(Crédits : CItygo)

Mais qui a bien pu réaliser l'exploit de mettre les chauffeurs de taxis et de VTC, ennemis jurés et irréconciliables du transport urbain, au diapason d'une même colère ? Citygo s'est même attiré une mise en demeure du ministère des Transports. Cette application, lancée en 2016 par Patrick Robinson, est pourtant un service de covoiturage courte-distance tout ce qu'il y a de plus inoffensif.

Le covoiturage domicile-loisir plutôt que domicile-travail

« Notre mission est d'offrir un service de mobilité à des personnes à petit budget situées dans des zones périurbaines », explique à La Tribune, Patrick Robinson. Citygo est différent des autres services de covoiturage. Ici, il est bien entendu question de courte distance au même titre que Karos, Klaxit ou encore IDVroom, mais le modèle est plutôt fondé sur des liaisons domicile-loisir.

D'après Patrick Robinson, le covoiturage courte distance domicile-travail comporte plusieurs défauts, dont un qui est rédhibitoire :

« Les covoiturés finissent par bien se connaître et par court-circuiter l'application, alors que, dans une mise en relation ponctuelle, l'appli reste nécessaire et la prise de la commission assurée. »

Enfin, Citygo s'adresse surtout aux populations situées en zone périurbaine, celles où la densité de transports en commun est la plus faible. « 95% des trajets effectués via notre appli s'effectuent de banlieue à banlieue et de banlieue à centre-ville », souligne Patrick Robinson.

Citygo revendique près de 600.000 abonnés, dont un bon quart engage au moins un trajet par mois. L'entreprise, qui a levé 800.000 euros en 2018, enregistre une croissance soutenue de 15% par mois. Et Patrick Robinson espère aller encore plus vite puisqu'il vient de lancer son application dans le Grand Lyon et dans la conurbation Lille-Roubaix-Tourcoing, et envisage de s'étendre dans deux nouvelles métropoles françaises dans le courant de l'année avant de s'attaquer à l'Europe.

Il estime avoir le financement pour poursuivre son développement après le tour de table qui a réuni des business angels, mais également le fond Day-One, contrôlé par la famille Leclercq (propriétaire de Decathlon). Citygo sollicitera un nouveau tour de table au deuxième semestre afin de poursuivre son développement.

Une fonctionnalité controversée ?

Mais le modèle de Citygo repose sur une idée aussi efficace que complexe d'un point de vue réglementaire. En effet, pour améliorer les trajets ponctuels, Citygo permet aux conducteurs de proposer des trajets de dernière minute, c'est-à-dire qui n'ont pas été programmés en avance. Ce service constitue la moitié des 50.000 déplacements engagés via l'application chaque mois. Cette idée est efficace puisqu'elle permet d'étoffer les points de contacts. Mais elle a surtout suscité de nombreux mécontents qui estiment que ce service est largement détourné par des chauffeurs qui agissent en transporteurs de personnes au même titre qu'un VTC ou un taxi, mais sans leurs contraintes.

En premier lieu, ils s'affranchissent du statut nécessaire (statut VTC ou licence de taxi). En outre, ils utilisent des véhicules particuliers quelconques, là où la réglementation impose aux VTC et taxis des gabarits bien spécifiques, ce qui constitue de fait une concurrence déloyale. Enfin, depuis l'affaire Heetch, la Justice a défini l'activité de covoiturage par un partage de frais, c'est-à-dire la division par le nombre de passagers (y compris le conducteur) de tous les frais provoqués par un trajet. Autrement dit, il est interdit de réaliser des profits lors d'un service de covoiturage.

Les syndicats de taxis et de VTC ont saisi le ministère des Transports qui a mis Citygo en demeure. Dès mardi, Patrick Robinson a décidé de suspendre le service de trajet de dernière minute. A La Tribune, il a assuré de sa bonne foi :

« Toute plateforme de partage de service voit nécessairement des utilisateurs chercher à abuser du service, nous luttons contre ces comportements quotidiennement en supprimant des comptes. D'ailleurs, notre nouvelle version prévue pour le mois de mars doit mieux filtrer les fraudeurs. »

Le "trajet de dernière minute" sera rétabli, mais sécurisé

Mais selon lui, le "trajet de dernière minute" est fondamental car « il correspond à un réflexe naturel pour les trajets de courte distance ». La prochaine version remettra donc en service cette fonctionnalité. En outre, Patrick Robinson estime que Citygo respecte parfaitement la règle du partage de frais :

« Le barème kilométrique défini par le régulateur est de 50 centimes le kilomètre ou plus. Or, nous avons établi un tarif maximal de 42 centimes et 32 centimes en moyenne pour 1 à 4 passagers, ce qui est très en-dessous du seuil autorisé. »

Pourquoi tant d'utilisateurs frauduleux, si aucun bénéfice ne peut donc être tiré de ce trajet ?

« Il y a les frais d'essence, parfois de péage... Ces personnes n'ont pas de vision comptable et pensent à tort gagner de l'argent », pense Patrick Robinson.

Nabil Bourassi

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Commentaires 3
à écrit le 13/02/2019 à 11:00
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S'organiser en groupe de covoiturage régulier et échanger des tours de conduite au lieu d'échanger de l'argent, tel est l'esprit de weepil. Ça évite les abus de ce genre ! weepil organise le planning des groupes de covoiturage en prenant en compt...

à écrit le 09/02/2019 à 10:08
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Au moins, ce M. Robinson annonce la couleur : il prend les gens pour des pigeons et se soucie comme d'une guigne du potentiel bien être apporté par le service de son entreprise et ne voit que le profit comme unique objectif! Comment peut-il annoncer...

à écrit le 08/02/2019 à 13:29
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"il est interdit de réaliser des profits lors d'un service de covoiturage" ben oui, par principe, s'i faut payer 30€ ça fait taxi, pas partage (répartition des frais, pas l'amortissement du véhicule, l'assurance, etc). Y a bien de vrais faux taxis, ...

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