Aérien : Singapour va obliger les compagnies à utiliser du carburant durable... en échange d'une nouvelle taxe sur les billets

Singapour a annoncé, ce lundi, qu'elle va obliger les compagnies aériennes qui décolleront de son territoire à utiliser progressivement à partir de 2026 d'un carburant à faible émission de carbone. Une mesure coûteuse qui sera compensée par une taxe sur les billets d'avion.
Les vols au départ de Singapour devront utiliser des carburants durables à partir de 2026.
Les vols au départ de Singapour devront utiliser des carburants durables à partir de 2026. (Crédits : Edgar Su)

Singapour passe à l'offensive. Alors que l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a fixé pour objectif à l'industrie d'atteindre zéro émission nette de carbone d'ici 2050, le ministère des Transports à annoncé ce lundi que les compagnies aériennes faisant décoller leurs avions depuis la cité-Etat devront se mettre aux carburants à faible émission de carbone d'ici deux ans. « Pour lancer l'adoption du carburant durable (SAF) à Singapour, nous exigerons que les vols au départ de Singapour utilisent le SAF à partir de 2026 », a déclaré Chee Hong Tat, ministre des Transports, dans un discours, lors du salon aéronautique de Singapour.

Les avions de ligne devront utiliser un mélange de carburant contenant 1% de carburant durable à compter de 2026, et entre 3 et 5% d'ici 2030, a-t-il ajouté.

Cette décision constituera « un signal important pour les producteurs de carburant et les incitera à investir dans de nouvelles installations de production de carburant durable (SAF) », a ajouté Chee Hong Tat.

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Une alternative onéreuse

Le transport aérien est responsable de 2 à 3% des émissions mondiales de carbone, mais il s'agit de l'un des secteurs les plus difficiles à décarboner. Les carburants à faible émission (SAF) de carbone sont produits à partir de biomasse renouvelable et de déchets et peuvent représenter jusqu'à 50% des mélanges de carburants utilisés par l'aviation.

Ces carburants durables sont considérés comme le principal outil de décarbonation du secteur aérien, mais la technologie en est encore à ses balbutiements et la production reste coûteuse. Ces derniers sont en effet trois à cinq fois plus onéreux que le carburant conventionnel.

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Ainsi, pour compenser en partie le coût du recours au SAF, Singapour percevra une taxe qui variera en fonction de la distance parcourue et de la classe de voyage. Le surcoût d'un billet en classe économique sur un vol direct de Singapour à Londres pourrait être de 16 dollars singapouriens (12 USD), selon Chee Hong Tat.

Les compagnies appellent les Etats à augmenter la production de SAF

Pour parvenir à baisser les prix de ces carburants à faible émission de CO2, les transporteurs estiment qu'il faut en augmenter la production, et ce, de manière drastique. Selon les projections de l'IATA (l'association internationale du transport aérien), annoncées en juin dernier, la production de carburants liquides renouvelables - tous modes de transports confondus - va être multipliée par quatre dans les cinq prochaines années. Elle devrait ainsi atteindre au moins 69 milliards de litres, soit 55 millions de tonnes, d'ici à 2028. L'association se projette même jusqu'en 2030 : compte tenu de l'accélération actuelle, elle estime que la production est en bonne voie pour atteindre 100 milliards de litres (80 millions de tonnes) d'ici à 2030. Elle a ainsi recensé plus de 130 projets dans 30 pays. Les capacités de production sont ainsi amenées à se multiplier en Amérique du Nord, largement aidées par les incitations de l'Inflation Reduction Act (IRA), en Europe où la pression environnementale est la plus prégnante, ainsi qu'en Asie-Pacifique (plus exactement en Asie du Sud-Est, en Chine et en Australie).

Cependant, sur cette manne de carburants renouvelables à venir, seule une partie sera destinée à l'aviation. En effet, IATA estime que la majeure partie de cette production sera du diesel renouvelable (40 %), tandis que le biogaz et le naphta s'adjugeront 15 % chacun. L'aviation devrait ainsi se contenter des 30 % restants. En 2030, cela pourrait représenter 30 milliards de litres (24 millions de tonnes) de SAF.

Dans ce contexte, le directeur général de IATA, Willie Walsh, a mis la pression sur les gouvernements lors de la réunion de l'association en juin. Ce dernier a rappelé qu'ils se sont engagés à soutenir la décarbonation de l'aviation avec l'adoption de l'objectif à long terme (LTAG) du zéro émission nette en 2050 dans le cadre de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI, agence de l'ONU pour l'aviation) l'an dernier. « C'est important, car les gouvernements sont désormais tenus de mettre en place un cadre politique mondial pour atteindre cet objectif », a-t-il déclaré, avant d'ajouter plus que « dans ce contexte, nous avons besoin que les gouvernements agissent pour que les SAF obtiennent leur juste part dans la production. »

L'Europe en retard sur les SAF ?

Pour ce faire, Willie Walsh a appelé à la mise en place d'incitation à la production. Il a ainsi salué l'approche américaine, avec des incitations renforcées dans le cadre de l'Inflation Reduction Act. A l'inverse, il a tancé l'approche européenne avec des mandats d'incorporation (qui oblige à intégrer une part croissante de SAF dans le kérosène) : « Lorsque l'offre est insuffisante, un mandat d'achat ne fera que provoquer une crise, bloquer l'innovation et laisser la concurrence s'installer bien avant que l'offre ne soit suffisante.»

Pour rappel, l'Union européenne a imposé l'an passé des obligations graduelles d'incorporation de SAF - de synthèse ou issus de la biomasse - dans le carburant d'aviation pour les avions au départ de l'UE afin de réduire les émissions du transport aérien. Ce mandat prévoit un taux d'incorporation de 2% de SAF en 2025, de 6% en 2030 dont 1,2% de carburant de synthèse, jusqu'à 70% en 2050, dont 35% de kérosène de synthèse. Certes, les projets de production de carburants d'aviation durables de synthèse se multiplient en Europe comme l'affirme l'ONG Transport & Environnement (T&E) dans une étude publiée fin janvier. 45 projets (25 projets industriels et 20 projets pilotes) ont ainsi été recensés dans l'Union européenne, en Norvège et en Islande, soit 17 de plus qu'en novembre 2022, comptabilise T&E. Mais aucun n'a encore fait l'objet d'une décision finale d'investissement.

« Il faut passer de la théorie à la pratique, et veiller à ce que les projets relatifs à l'e-kérosène se concrétisent réellement, faute de quoi la loi ne sera qu'un vœu pieux », estime Jérôme du Boucher, responsable aviation chez T&E.

A noter, les 25 projets industriels recensés doivent permettre de produire 1,7 million de tonnes de kérosène de synthèse en 2030, soit davantage que la quantité requise à cet horizon par l'UE, équivalente à 600.000 tonnes. Cela reste en revanche très loin des besoins identifiés pour 2050, 35% de SAF de synthèse correspondant à 18,8 millions de tonnes, selon T&E.

(Avec AFP)

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Commentaires 4
à écrit le 19/02/2024 à 8:46
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Pourquoi serait aux états d investir en saf ? Toujours l état même pour le secteur privé qu ils se débrouillent entre eux prennent le risque - c est pour ça qu ils sont dans ke secteur privé non ? - et qu on oblige a l’ échelle de l Europe son surv...

à écrit le 19/02/2024 à 8:03
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J'ai entendu que nous avions plus de 100000 avions en l'air H24 tout autour du monde. 100000... nos dirigeants sont nuls.

le 19/02/2024 à 17:36
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j'avais retenu 600 en l'air en même temps (avant covid et Cie), mais il faut arriver à destination puis décoller, voire décoller puis atterrir, ça prend du temps (quelle est la durée moyenne des vols vu que ceux en moins de 3h en train chez nous sont...

le 20/02/2024 à 8:30
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En effet c'est certainement pas 100000 décolé, j'ai vu plus sûrement 10000 mais visiblement ils calculent les vols dans une journée mais le nombre d'avions en suspend en même temps n'est pas chiffré.

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