Le projet d'Air France de développer sa filiale low-cost Transavia sur le réseau domestique français va pouvoir être mené à bien. Selon nos informations, le conseil du syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) Air France-Transavia, s'est prononcé favorablement ce lundi sur le projet d'accord négocié depuis plus de deux mois par le "bureau" du syndicat (son organe exécutif) et la direction. Comme c'est l'usage au sein du SNPL, le texte fera l'objet d'un référendum auprès des pilotes du syndicat. Le résultat sera connu mi-août. Vu le contexte de crise, plusieurs observateurs estiment que les pilotes seront favorables à ce transfert d'activité. D'autant plus que l'équipe dirigeante du SNPL a été élue avec un très grand nombre de voix.
Objectif : avoir une offre compétitive
Un tel accord est indispensable pour développer Transavia sur le réseau intérieur français. Dans les accords de "périmètre" actuels définissant l'activité de chacune des entités du groupe Air France, seules les compagnies Air France et HOP peuvent aujourd'hui assurer des vols domestiques. Pour éviter les transferts d'activité, Transavia a toujours été interdite de se positionner sur ce marché depuis son lancement en 2007. Elle n'a jamais été autorisée non plus à faire du long-courrier ou desservir Roissy-Charles de Gaulle, le hub d'Air France.
Pour enrayer des pertes chroniques depuis des années sur cette partie du réseau (200 millions d'euros l'an dernier), du fait de la concurrence du TGV et des low-cost étrangères mais aussi de l'incapacité du groupe à baisser suffisamment ses coûts, Ben Smith et Anne Rigail, respectivement directeur général d'Air France-KLM et directrice générale d'Air France, ont décidé de remplacer Air France et sa filiale régionale HOP par Transavia sur des lignes intérieures au départ d'Orly (à l'exception de Nice, Marseille et Toulouse, et de la Corse). Mais aussi sur des liaisons reliant des villes régionales entre-elles. Dans ce schéma, l'activité de HOP va se réduire drastiquement et ne se limitera qu'à la desserte de Paris-Roissy Charles de Gaulle et de Lyon.
Objectif de cette réorganisation qui fait la part belle à Transavia : permettre au groupe Air France "d'avoir une offre compétitive et ainsi de protéger ses parts de marché et son empreinte commerciale sur son marché domestique dans le respect du développement durable", est-il indiqué dans le projet d'accord que La Tribune s'est procuré.
L'arrivée de Transavia sur le domestique nécessitait donc un nouvel accord de périmètre entre Air France et le SNPL. Celui-ci doit en effet définir les niveaux d'activité de chacune des deux compagnies sur le moyen-courrier afin de garantir une certaine activité à Air France. Car, même si les pilotes de Transavia sont des pilotes Air France, ils n'ont pas le même contrat. Celui d'Air France est plus avantageux. Alors que les accords actuels garantissent à Air France l'exploitation d'au-moins 110 appareils moyen-courriers pendant près de 10 ans, et une activité annuelle fixée pour les pilotes à 342.000 heures de vol par an sur le moyen-courrier, le nouvel accord soumis à un référendum modifie ces planchers d'activité.
Selon nos informations, il introduit une garantie plancher sur le nombre d'avions moyen-courriers (hors avions régionaux) pour l'ensemble du groupe, fixée à 150 avions (incluant les appareils basés aux Antilles). Ce qui correspond peu ou proue à la flotte actuelle d'Air France sur le moyen-courrier (110 appareils de la famille Airbus A320) et de Transavia (une quarantaine de Boeing 737-800). Cette garantie s'accompagne également d'une garantie en heures de vol révisée à la hausse.
Au-delà, l'accord assure une protection à Air France à Roissy-Charles de Gaulle, aéroport sur lequel Transavia ne pourra pas exploiter.
Garantie-plancher pour Air France
En effet, l'accord prévoit un système permettant d'augmenter la flotte moyen-courrier globale du groupe, malgré une baisse de la flotte de la compagnie Air France pour laquelle un plancher est fixé à 80 avions, l'équivalent de la flotte actuelle alimentant le hub de Roissy.
Autrement dit, si la flotte d'Air France est amenée à décroître, celle de Transavia augmentera à un rythme supérieur à celui de la décroissance d'Air France. Et ce, à un rythme de 4 avions supplémentaires chez Transavia pour trois avions en moins chez Air France.
Six destinations domestiques au départ d'Orly
A Orly, la direction a l'intention de positionner Transavia sur six lignes opérées jusqu'ici par HOP : Toulon, Montpellier, Perpignan, Pau, Biarritz et Brest. Air France continuera d'exploiter en propre les lignes vers Nice, Marseille et Toulouse. Si la direction veut un jour les transférer à Transavia, il faudra se remettre autour de la table avec les pilotes.
Sur les lignes transversales (région-région), plusieurs grosses lignes reliant Lyon sont déjà prévues, comme Lyon-Bordeaux, Lyon-Nantes et Lyon-Toulouse.
Les autres personnels pâtiront du développement de Transavia
A l'exception des pilotes d'Air France qui sont aussi dans les cockpits de la filiale low-cost, le développement de Transavia constitue une menace pour l'emploi des autres catégories de personnel d'Air France. En effet, Transavia sous-traite son personnel en escale et ne fait pas appel aux hôtesses et stewards d'Air France, en raison de leurs contrats jugés trop coûteux. Idem pour les pilotes et les hôtesses et stewards de HOP. Le transfert d'activité vers Transavia ne se traduit pas non plus par un transfert des contrats.
Enfin, l'accord comporte une dernière garantie aux pilotes : qu'il n'y aura pas d'autre compagnie au sein du groupe Air France positionnée sur le moyen-courrier.
"Air France s'engage à ce qu'aucune compagnie du Groupe Air France autre qu'Air France ou Transavia France n'exploite d'avion de plus de 110 sièges. Tout avion de plus de 110 sièges du Groupe Air France, hors Transavia France, sera inscrit sur la liste de flotte Air France et piloté par des pilotes Air France à des conditions d'emploi et de rémunération identiques à celles appliquées aux pilotes Air France effectuant la production Air France en moyen propre Air France", est-il écrit dans l'accord.
Si Ben Smith souhaite un jour faire l'acquisition d'une compagnie low-cost il devra la rattacher à Air France-KLM. Un schéma dont ses prédécesseurs ont souvent rêvé... pour Transavia.
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