Air India veut contrer les compagnies du Golfe pour jouer dans la cour des grands du transport aérien

Après avoir acheté pas moins de 470 avions d'un coup à Airbus et Boeing, Air India se devait d'en dire un peu plus sur ce qu'elle comptait en faire. C'est chose faite avec Campbell Wilson, directeur général de la compagnie indienne, qui a partagé ses ambitions. Largement tourné vers l'international, il compte bien reprendre la main sur les liaisons long-courrier jusque-là laissé aux compagnies du Golfe.
Léo Barnier
En déclassement depuis des années, Air India veut revenir sur la scène internationale.
En déclassement depuis des années, Air India veut revenir sur la scène internationale. (Crédits : Reuters)

Faire de l'Inde un hub aérien international. Bien que redevenu un groupe entièrement privé depuis son rachat par le groupe Tata il y a plus d'un an maintenant, Air India reprend pleinement à son compte cette ambition posée par le Premier ministre indien Narendra Modi et son gouvernement. Après avoir commandé il y a deux semaines 470 appareils de dernière génération à Airbus et Boeing, dont 70 long-courrier, la compagnie aérienne entend développer fortement son réseau international avec des liaisons directes depuis plusieurs centres névralgiques du pays. De quoi renforcer la connectivité du pays, mais aussi couper l'herbe sous le pied des compagnies du Golfe largement implantées sur le marché indien, en particulier Emirates, souvent qualifiée de compagnie nationale indienne.

Lancé en octobre dernier, le plan stratégique pour redresser Air India commence à prendre de la consistance. Baptisé Vihaan.AI, « l'aube d'une nouvelle ère » en sanskrit, il s'établit en trois phases (« Roulage »« Décollage » et « Montée ») pour ramener Air India au premier plan d'ici cinq ans.

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Le domestique pour servir l'international

Son directeur général, Campbell Wilson, veut qu'Air India soit redevenue l'un des acteurs dominants sur le trafic domestique. Celui-ci est pour l'instant largement dominé par la compagnie à bas coût IndiGo et ses 69 millions de passagers, contre moins de 11 à Air India. Cela n'empêche pas le dirigeant de viser haut avec un objectif d'au moins 30 % de part de marché d'ici la fin de la première phase, contre moins de 9 % actuellement. Il précise tout de même que cet objectif ne sera pas atteint par Air India seule, mais par la réunion de l'ensemble des compagnies du groupe Tata : Vistara, qui devrait être intégrée sous la marque Air India dès que l'approbation sera obtenue auprès des autorités de la concurrence, mais aussi Air India Express et AirAsia India qui vont être fusionnées pour créer un opérateur low cost unique. Avec 24 % de parts de marché combinées, l'objectif des 30 % n'est plus très loin. Et le patron d'Air India assure qu'il ne s'agit que d'un « point de départ ».

Pourtant, le trafic domestique et les énormes besoins de connectivité entre les différentes mégalopoles du pays ne semblent pas attirer Campbell Wilson outre mesure, qui y voit plutôt un moyen d'alimenter ses vols internationaux. Il ne fait ainsi pas de mystère, le développement international est au cœur de son ambition.

« Clairement, il y a des opportunités au niveau domestique et au niveau régional, mais il y a surtout des opportunités internationales long-courrier et c'est pour cela qu'il y a 70 avions gros porteurs dans nos commandes », précise Campbell Wilson, directeur général d'Air India.

Air India est ainsi lancée dans « un parcours de transformation pour revenir résolument dans le peloton de tête de l'aviation internationale », selon son directeur général. Elle va recevoir 40 Airbus A350, 20 Boeing 787 et 10 Boeing 777X dans les prochaines années. Six A350 sont une reprise de la commande d'Aeroflot suspendue en raison de la guerre en Ukraine et doivent arriver à partir de la fin de cette année, mais le plus gros de la future flotte est attendue à partir de fin 2024. En attendant, Air India s'attelle à remettre en service une vingtaine d'avions jusque-là stockés, mais aussi de louer 11 Boeing 777 et 25 A320/321. Et la compagnie a lancé le réaménagement pour 400 millions de dollars d'une large partie de sa flotte long-courrier actuelle, 27 Boeing 787 et 13 Boeing 777, qui en avait bien besoin. Les premiers avions seront prêts à partir de mi-2024.

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Contrer les compagnies du golfe

Pour le réseau, Campbell Wilson mise sur un maximum de vols sans escale en multipliant les routes. Il va donc articuler ses opérations autour de trois hubs principaux, à savoir Delhi, la capitale politique, Mumbai (Bombay), la capitale économique que Campbell Wilson juge d'ailleurs insuffisamment desservie, et un troisième aéroport dans le sud du pays mais qui n'a pas encore été annoncé. S'il ne cite aucune compagnie nominalement, ce positionnement est clairement fait pour contrer les compagnies du Golfe.

Depuis plusieurs années, celles-ci trustent une large partie du trafic international indien vers l'ouest, en offrant des connexions vers l'Europe et l'Amérique du Nord. Première compagnie étrangère en Inde et de loin, Emirates est ainsi le troisième opérateur du pays sur les vols internationaux avec près de 4 millions de passagers derrière Indigo (6 millions) et Air India (5 millions). Qatar Airways est à 2 millions de passagers, Etihad à 1 million.

Sentant peut-être le vent tourner, Emirates a d'ailleurs déclaré à la presse indienne que des discussions étaient en cours pour un accord de partage de code avec Air India.

Le patron d'Air India se refuse pour l'instant à annoncer des marchés prioritaires, estimant qu'entre le positionnement géographique avantageux de l'Inde, la taille de sa population et l'importance de sa diaspora, Air India peut se projeter vers n'importe quelle région du monde. Il cite ainsi l'est de l'Asie, l'Amérique du Nord, l'Europe, l'Afrique, l'Océanie, sans plus de détail. La compagnie a pourtant déjà commencé à se positionner avec 16 nouvelles lignes lancées ou annoncées depuis 12 mois et des hausses de fréquences sur 9 autres lignes. Et cet effort est principalement orienté vers l'Amérique du Nord et l'Europe avec le retour des vols vers New York, Paris et Francfort depuis Mumbai, le lancement de Milan depuis Delhi et de San Francisco depuis Mumbai, le renforcement de Londres...

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Remettre la compagnie en état

Avant d'arriver à tout cela, Campbell Wilson est bien conscient que sa compagnie se trouve actuellement très loin des standards internationaux. Au-delà des projections, cette première phase de roulage sera donc consacrée à « résoudre les problèmes accumulés depuis des années ». Ce qui nécessitera « des efforts, du temps et de l'argent ». La remise à niveau du système informatique a été érigé en priorité, avec 200 millions de dollars investis entre 2022 et 2023, pour « complètement réorganiser la compagnie sur le plan technologique » avec la remise à plat du système de réservations, des outils informatiques, du site Web et de l'application, etc. Mais il s'agit d'un travail encore en cours concède le dirigeant qui parle d'une version « 0.5 » pour le site.

Cela passe aussi par une révision et une amélioration des processus opérationnels, en Inde mais aussi dans les escales internationales, comme des produits. Outre la remise à niveau de la flotte et des cabines, l'accueil ou le catering seront revus et plusieurs centaines de recrutements sont prévus en conséquence. Un travail est également engagé avec le reste de l'écosystème - aéroports, assistance en escale, maintenance - pour améliorer les opérations et préparer l'Inde à devenir un hub international.

Léo Barnier

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Commentaire 1
à écrit le 01/03/2023 à 16:35
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