Robin Hayes, directeur général de JetBlue, n'est pas du genre à cacher ses ambitions. Au cours d'une rencontre avec La Tribune, ce vendredi à Paris, à l'occasion du premier vol de sa compagnie vers la capitale française, il a affiché des objectifs élevés dès cet été tant en termes de trafic que de rentabilité. Quatre ans après avoir affiché ses ambitions transatlantiques, notamment lors du Paris Air Forum 2019, deux ans après avoir débuté son aventure sur Londres, la compagnie low cost américaine veut désormais accélérer sur la France et le reste de l'Europe.
Un modèle qui se veut unique
Le projet a été mûrement réfléchi et l'objectif est clair : JetBlue veut imposer en Europe - où personne ou presque ne la connaît - son « modèle unique » combinant bas tarif et niveau de service élevé. Si différents tarifs sont proposés en fonction des possibilités de flexibilité ou de remboursement, le service à bord est tout compris, qu'il s'agisse du repas, du divertissement à bord ou du Wi-Fi haut débit. Robin Hayes l'assure : « le passager n'a rien à débourser à bord ». Et ce, que ce soit dans l'un des 114 sièges économiques ou des 24 fauteuils affaires des A321 LR (version de l'A321 NEO à long rayon d'action) utilisés sur le transatlantique. Et au vu des retours entendus lors du salon du Bourget, où un appareil était exposé, la cabine est séduisante.
Du côté des tarifs, Robin Hayes ne donne pas directement d'écart entre ceux pratiqués par sa compagnie et ceux de ses concurrents, mais explique que l'arrivée de JetBlue sur un nouveau marché oblige les opérateurs déjà sur place à réagir et entraîne à terme « une baisse de 20 à 30 % » des prix. Cela semble néanmoins compliqué sur le transatlantique au vu de l'offre très conséquente mise en place aussi bien par les compagnies européennes qu'américaines, et le très fort niveau de demande qui se maintient depuis la réouverture des frontières américaines fin 2021.
L'exemple londonien
JetBlue entend en tout cas attirer les Français avec ce combo. Robin Hayes est assez lucide en ce qui concerne la renommée de sa compagnie de ce côté de l'Atlantique et sait qu'il ne pourra compter dans un premier temps quasiment que sur le marché américain pour commencer. D'autant que, en tant qu'opérateur low cost, il n'entend pas multiplier les opérations marketing en France. Pourtant, fort de son expérience sur Londres depuis New York puis Boston, il espère bien arriver d'ici deux ans à réaliser environ 40 % de ses ventes de son vol Paris-New York en France. Outre son site Internet, JetBlue a sélectionné des agences de voyages en ligne et des GDS (Global Distribution System) pour assurer sa distribution.
Que ce soit des Français ou des Américains à bord, JetBlue commence directement par un vol quotidien et vise un taux de remplissage élevé, de l'ordre de 80 % dès les premiers mois. Robin Hayes revendique même 90 % pour les premiers vols. Il entend ainsi arriver à l'équilibre dès cette année sur cette ligne. Et si le succès est au rendez-vous, JetBlue pourrait aller plus loin comme à Londres où la compagnie vient d'ajouter un cinquième vol quotidien (trois avec New York, deux avec Boston). Le Boston-Paris est déjà programmé pour le 1er semestre 2024. Mais avant cela, elle doit ouvrir Amsterdam depuis New York en août, puis Boston en septembre.
Du long-courrier en monocouloir
La principale difficulté de JetBlue sur le transatlantique est sans doute de transposer un modèle à bas coût moyen-courrier basé sur une très forte utilisation de la flotte vers le long-courrier. Mais cela ne semble pas un problème pour Robin Hayes qui mise sur l'Airbus A321 LR (version de l'A321 NEO à long rayon d'action). Ces appareils monocouloirs capables d'opérer sur des distances long-courriers (jusqu'à 7.400 km) sont aussi à même d'enchaîner les rotations entre l'Europe et les Etats-Unis. Le patron de JetBlue revendique des durées d'utilisation de 16 à 17 heures par jour, ce qui permet à l'avion d'enchaîner un aller-retour dans la journée.
Le développement de cette flotte est d'ailleurs ce qui va permettre à JetBlue de se développer sur l'Europe. Ainsi l'objectif est de concentrer l'ensemble de ces appareils vers le Vieux Continent : d'abord avec les A321 LR pour toucher la façade Ouest, avant que l'arrivée des premiers A321 XLR, capables de franchir jusqu'à 8.700 km, ouvrent des possibilités vers l'Europe centrale.
La compagnie a commandé treize A321 LR, dont sept ont déjà été livrés, et autant d'A321 XLR. Elle doit néanmoins composer avec les difficultés de la supply chain aéronautique avec des retards de 4 à 6 mois, ce qui constitue l'une des principales contraintes qui pèsent actuellement sur la croissance de la compagnie à en croire Robin Hayes. Elle doit également faire face au retard de développement de l'A321 XLR, dont l'entrée en service a été repoussée en 2024 par Airbus.
Outre les LR et XLR, ces retards touchent l'ensemble des nombreux avions en commande chez Airbus. Et cela perturbe le grand renouvellement de flotte engagée par la compagnie, qui exploite actuellement 290 appareils. Elle n'exploite pour l'instant 25 A321 NEO/LR et 17 A220-300, et doit encore recevoir plus de 130 exemplaires. Le reste de sa flotte est plus ancien, avec près de 200 A320 et A321 de première génération et 55 Embraer E190. Pour préserver ses capacités face à ces retards, JetBlue a révisé ses plans de flotte en retardant la sortie de ces vieux appareils.
Des capacités, pas encore la rentabilité
Malgré cela, JetBlue ne s'en sort pas trop mal en termes de capacités : La compagnie a retrouvé son niveau d'offre d'avant la crise dès 2022, et devrait être autour de 8 % de plus cette année. Le trafic n'a pas entièrement suivi avec 39,5 millions de passagers l'an passé, contre 42,7 millions en 2019, mais la hausse des prix et l'amélioration du yield a permis de dégager un chiffre d'affaires supérieur dépassant les 9,1 milliards de dollars
Le point noir reste la rentabilité. Robin Hayes reconnaît que les dépenses opérationnelles se sont envolées, que ce soit au niveau du carburant, des coûts de personnels ou des investissements. Il mentionne aussi des investissements de l'ordre de 100 millions de dollars pour renforcer la résilience de la compagnie. Finalement, la compagnie a perdu près de 300 millions de dollars l'an dernier. Elle espère repasser dans le vert cette année, avec des niveaux de marge s'approchant progressivement de ceux d'avant la crise.
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