![Le livre blanc doit fédérer la recherche portuaire et la rapprocher des enjeux opérationnels.](https://static.latribune.fr/full_width/1865926/grand-port-maritime-de-dunkerque.jpg)
Economie bleue, géopolitique, aménagement du territoire, environnement... les enjeux ne manquent pas autour du monde portuaire. Pourtant milieux académique et économique semble avancer en ordre dispersé sur ces questions. C'est avec l'ambition de remédier à cette situation qu'un livre blanc sur la recherche portuaire vient d'être publié début février. Il doit aboutir à la mise en place d'une feuille de route en coordination avec les différents acteurs du secteur, en vue de fédérer la communauté de recherche et contribuer à la stratégie de reconquête des ports français.
Impulsé par la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère de la Transition écologique au premier semestre 2020, ce travail a été porté par quatre universitaires sous la coordination du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il s'inscrit dans le cadre de la nouvelle stratégie nationale portuaire dévoilée il y a un an par le Premier ministre Jean Castex, et qui porte l'ambition de reconquérir des parts de marchés sur la concurrence modale et les autres ports européens.
Créer un dialogue entre chercheurs et opérationnels
Pour Antoine Frémont, directeur de recherche en géographie à l'Université Gustave Eiffel, l'objectif est d'identifier comment la recherche portuaire peut contribuer à cette stratégie nationale. Dans ses réflexions, le renforcement des passerelles entre les chercheurs et les opérationnels fait ainsi partie des priorités. "Nos recherches portuaires doivent être le fruit d'un dialogue avec les milieux socio-économiques et institutionnels", établit-il ainsi.
Le livre blanc met ainsi en avant la nécessité de mieux adapter les travaux de recherche aux enjeux de secteur portuaire en les basant davantage sur des situations réelles. A l'inverse, il prône une meilleure sensibilisation des décideurs à ces travaux et à une prise en compte des résultats obtenus pour renforcer les processus décisionnels. Le texte met ainsi en avant une approche systémique des ports afin des les inscrire dans leur environnement, une dimension multidisciplinaire de la recherche, des démarches de co-construction entre les différents mondes, scientifique, opérationnel et institutionnel et enfin une meilleure diffusion des données entre eux.
De la mondialisation à la transition écologique
Pour Antoine Frémont, les thèmes de coopération sont multiples. Il expose ainsi les apports de la recherche dans l'analyse des enjeux de mondialisation, qui ne cessent de s'accentuer et dont le secteur maritime est un vecteur majeur. De même, il avance les contributions possibles, notamment celle de la recherche opérationnelle, pour optimiser les ports en tant que maillon essentiel dans les chaînes logistiques ou pour les accompagner dans leur transition environnementale et numérique. Des éléments qui seront déterminants dans la compétitivité des ports français. Il note enfin le rôle que peuvent tenir les chercheurs dans la médiation entre les ports et les populations attenantes.
Pour appuyer ces propos, Eric Foulquier, maître de conférences en géographie à l'Université de Bretagne occidentale, met en avant l'analyse scientifique des données opérationnelles issues des systèmes d'identification automatique (AIS) des navires pour déterminer l'empreinte et la pression environnementale autour des ports. De son côté, Gülgün Alpan, professeure de génie industriel à Grenoble INP-UGA, souligne l'apport de la recherche opérationnelle pour améliorer les processus décisionnels. Elle expose ainsi la mise au point de modèles pour optimiser les opérations en coordonnant le plan d'accostage des navires, le plan de production des marchandises à charger et le plan de stockage sur le port.
Une communauté atomisée
Ces axes structurants doivent contribuer à fédérer la communauté de recherche française, aujourd'hui jugée atomisée, qui compte environ 160 chercheurs. "La communauté est de taille relativement modeste", concède ainsi Arnaud Serry, maître de conférences en géographie à l'Université Le Havre Normandie, qui note que seule une trentaine d'entre eux ont fait du monde portuaire leur cœur de métier. Il s'agit essentiellement de chercheurs en sciences humaines et sociales : géographes, économistes, juristes... avec une prédominance de la logistique dans les sujets d'étude.
L'obtention de moyens supplémentaires, liés au rapprochement avec les enjeux socio-économiques et au renforcement de la thématique portuaire dans les appels à projets recherche, pourrait contribuer au renforcement de cette communauté.
De même, les chercheurs sont aujourd'hui essentiellement dispersés entre différents pôles le long du littoral occidentale (Le Havre, Brest, Nantes, Bordeaux...), méditerranéen (Montpellier et Marseille) et la région parisienne, avec une vingtaine de personnes au maximum par pôle. Là aussi, le livre blanc avance l'importance de les faire collaborer aux missions interministérielles pour le développement des axes portuaires et logistiques, à l'image du groupement d'intérêt scientifique (GIS) créé en 2017 autour de la vallée de la Seine. Cela permettrait de mieux fédérer les travaux de recherche alors que les ressources humaines et financières restent limitées.
Une feuille de route en préparation
Ces ambitions doivent désormais se traduire à travers une feuille de route. Sur ce point, Antoine Frémont plaide également pour l'optique d'une co-construction. Des rencontres avec le monde portuaire sont ainsi déjà planifiées très prochainement avec le monde portuaire, afin d'élaborer des petits groupes de travail. Comme le souligne Nicolas Trift, sous-directeur des ports et du transport fluvial à la DGITM, c'est ce chantier à venir qui doit permettre de rendre opérationnelle la convergence entre les différents acteurs du monde portuaire et de la recherche.
Les groupe de travail auront pour objectif d'affiner les questions posées par le livre blanc et de déterminer précisément les projets prioritaires. Cela participera à déterminer la temporalité de la feuille de route, ajoute Arnaud Serry. Et ce, en fonction des ressources humaines et financières disponibles. Mais aucun calendrier ou budget ne semblent arrêtés pour le moment.
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