Maritime : moins de marchandises mais plus de chiffre d'affaires pour Haropa Port

En dépit d'une chute de ses volumes de trafic de marchandises plus importante qu'à Marseille ou dans les ports du Nord de l'Europe pour les conteneurs, Haropa Port affiche une hausse de près de 10 % de son chiffre d'affaires. Une performance à première vue paradoxale, mais qui reflète l'évolution stratégique du gestionnaire portuaire.
Léo Barnier
Le trafic de conteneurs a ralenti significativement au Havre sans pour autant hypothéquer la santé financière d'Haropa Port.
Le trafic de conteneurs a ralenti significativement au Havre sans pour autant hypothéquer la santé financière d'Haropa Port. (Crédits : Reuters)

En regardant le chiffre d'affaires d'Haropa Port, l'année 2023 apparaît comme globalement positive. A la vue des chiffres de trafic, la situation du gestionnaire des ports de Paris, Rouen et Le Havre apparaît néanmoins plus complexe. Malgré cela, il maintient sa capacité d'investissement autofinancé à un niveau important et affiche sa confiance.

Dans le détail, les ports maritimes d'Haropa ont vu leur trafic décroître de 4,5 % par rapport à 2022, avec 81,3 millions de tonnes de marchandises. C'est le flux de conteneurs qui a le plus souffert, avec seulement 2,63 millions d'équivalents vingt pieds (EVP), soit un recul de 15 %. C'est davantage que les autres ports de la façade portuaire du Nord de l'Europe (Range Nord), même si la baisse est généralisée. Haropa indique ainsi un recul compris « entre - 6 et -12% selon les ports ».

Stéphane Raison, directeur général et président du directoire, insiste sur le fait que le nombre de navires n'a pas forcément baissé, mais que leur taux de remplissage était bien moindre que pendant les deux années précédentes. Il se satisfait également du fait que les bateaux multiplient à nouveau les escales, et ne fassent plus directement route vers les ports du Nord de l'Europe face à la saturation des installations portuaires comme c'était le cas pendant le Covid.

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Des tarifs hors-marché

Le patron d'Haropa Port reconnaît néanmoins un décalage tarifaire pénalisant sur le port du Havre pour les grands porte-conteneurs : « Nous nous sommes rendus compte que dans le cadre des tarifications, tout ce qui se passait pour les grands navires nous amenaient à être hors-marché. Cela faisait plusieurs années que les armateurs nous le disaient. » D'où une décision de réduire de -20 % ses droits de port (redevances) au Havre pour les grands navires (16.000 EVP et plus) comme l'expliquait La Tribune la semaine dernière. Ce qui doit lui permettre de revenir compétitif face à son grand rival, le port belge d'Anvers.

La bonne nouvelle est venue des vracs liquides, en croissance de 5 % à 41,2 millions de tonnes, alors que de la consommation de produits pétroliers est en recul en France, comme le signale Stéphane Raison en se basant sur les chiffres de l'Union française des industries pétrolières. Et il ne perd pas espoir sur les vracs solides, plus exactement les céréales : si l'activité est en baisse par rapport à 2022, la direction d'Haropa rappelle que la saison va de juillet à juin pour ce marché et estime qu'il y a seulement un décalage pour le moment. Après une fin d'année difficile, le bon mois de janvier augure d'un retour aux niveaux d'activité précédents.

Sur l'activité fluviale, le trafic de marchandise a reculé de 5 %, avec 20,9 millions de tonnes. Ce sont les transports pour le secteur du BTP qui ont notamment reculé. Le trafic passagers est en revanche en croissance de 44 %, sur les croisières maritimes (460.000 passagers) et surtout sur le segment fluvial (9,5 millions de passagers).

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Le chiffre d'affaires en hausse

Malgré tout cela, Haropa Port signe une bonne performance financière avec 416 millions d'euros de chiffres d'affaires, soit une hausse de 9,8 %. Si cette évolution apparaît décorrélée du niveau d'activité du transport de marchandises, c'est tout simplement parce que les droits de port ne constituent plus le cœur des revenus du gestionnaire portuaire. Sur 416 millions d'euros, 225 millions proviennent ainsi de l'activité domaniale, avec la valorisation des 16.000 hectares entre Le Havre et Paris. Et ceux-ci progressent tant par l'évolution des tarifs que par la signature de nouveaux contrats selon Haropa. Viennent ensuite 165 millions d'euros pour les droits de port et 25 millions d'euros diverses facturations de prestations externes.

Stéphane Raison estime ainsi avoir « stabilisé le modèle économique » d'Haropa Port. Ce qui permet aujourd'hui de « rééquilibrer » la relation avec les armateurs et mettre en place les ristournes annoncées au Havre. Cela va aussi lui permettre d'affronter certains remous à venir. Pour l'instant, les perturbations liées à la crise en mer Rouge semblent globalement maîtrisées au niveau portuaire, mais l'allongement des délais pourrait jouer sur les volumes de trafic en fonction de la capacité ou non des armateurs à ajouter des bateaux supplémentaires dans les flux avec l'Asie.

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Confiance affichée

Le patron d'Haropa mise tout de même sur une stabilité du trafic pour l'année à venir. Ce qui ne sera peut-être pas le cas à partir de 2025, avec la mise en place de l'alliance Gemini Corporation entre l'armateur danois Maersk et l'allemand Hapag-Lloyd, respectivement numéros deux et cinq mondial. Problème, aucun des deux ne possède de terminaux dédiés au Havre. Maersk, qui pouvait compter jusqu'ici sur les capacités de son futur ex-allié MSC, bien implanté sur le port normand, pourrait se tourner à l'avenir vers d'autres ports.

S'il ne communique jamais sur la rentabilité financière de son entreprise, le directeur général et président du directoire, dit tout de même « être sur un bon exercice ». Et il assure que son modèle est solide et lui permet de financer 200 millions d'euros d'investissements en moyenne par an « sans trop de difficultés ». Ce sera le cas en 2024, avec le démarrage de plusieurs projets sur Port 2000 au Havre avec l'amélioration des dessertes routières et ferroviaires, de l'accès fluvial (« la chatière »), mais aussi en Ile-de-France avec les travaux du Port Seine-Métropole Ouest (PSMO) et à Rouen avec le prolongement et le rempiètement du quai de Petit-Couronne.

Léo Barnier

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