Transport maritime : alliance au sommet entre Maersk et Hapag-Lloyd

L'armateur danois Maersk a annoncé une « coopération opérationnelle », avec son concurrent allemand Hapag-Lloyd. Baptisée « Gemini Corporation », elle entrera en vigueur en février 2025 et rassemblera près de 300 bateaux.
Sur les 290 navires de différentes tailles qui intégreront la flotte de la Gemini Cooperation, Maersk représentera 60% de la capacité fournie et Hapag-Lloyd 40% (Photo d'illustration).
Sur les 290 navires de différentes tailles qui intégreront la flotte de la Gemini Cooperation, Maersk représentera 60% de la capacité fournie et Hapag-Lloyd 40% (Photo d'illustration). (Crédits : Reuters)

C'est une nouvelle alliance dans le paysage du transport maritime. Et non des moindres. Et pour cause, elle concerne l'armateur danois Maersk et l'allemand Hapag-Lloyd, respectivement numéros deux et cinq mondial. Leur alliance stratégique à long terme, la « Gemini Cooperation », a été dévoilée ce mercredi. L'ambition affichée est « de fournir un réseau océanique flexible et interconnecté avec une fiabilité à la pointe de l'industrie ». Cette coopération ne sera effective qu'à partir de février 2025. Elle sonnera alors le glas de l'alliance 2M entre Maersk et le numéro un mondial, l'armateur suisse MSC.

Dans le détail, elle « comprendra une flotte d'environ 290 navires avec une capacité combinée de 3,4 millions de containers (TEU) », a indiqué Maersk dans un communiqué, ainsi que 26 services sur des lignes majeures.

La fiabilité comme axe stratégique

« Nous offrirons à nos clients un réseau maritime flexible qui va améliorer la fiabilité du secteur. Cela renforcera notre offre de logistique intégrée et répondra aux besoins de nos clients », a affirmé le PDG de Maersk, Vincent Clerc, cité dans le communiqué.

S'il insiste sur cette notion de fiabilité, c'est qu'elle fait partie intégrante de son modèle, avec la qualité de service, comme l'indique à La Tribune Maria Lee, spécialiste de la logistique au sein du cabinet conseil Sia Partners, même si cela implique une importante rigueur administrative.

Un modèle dont est également proche Hapag-Lloyd. Ce qui fait dire à Maria Lee que les deux nouveaux partenaires se sont sans doute bien trouvés. Elle estime que ce partenariat a également du sens en termes d'offres et d'implantation géographique. Elle souligne enfin un certain alignement sur les objectifs environnementaux, Maersk s'étant engagé à atteindre le zéro émission nette pour les gaz à effet de serre d'ici 2040 et Hapag-Lloyd d'ici 2045.

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Des moyens conséquents des deux armateurs

Sur les quelque 290 navires de différentes tailles qui intégreront la flotte de la Gemini Cooperation, Maersk représentera 60% de la capacité fournie. Cela équivaut à un peu plus de 2 millions de conteneurs EVP. L'armateur danois va donc s'investir fortement dans ce projet, en y consacrant la moitié de ses moyens globaux, lui, qui revendique une flotte d'environ 700 navires (en propriété ou affrétés) pour une capacité totale de plus de 4 millions d'EVP.

L'investissement de moyens est aussi conséquent pour Hapag-Lloyd. Il devra fournir 1,4 million de conteneurs EVP sur une capacité de transport totale revendiquée de 2,9 millions de conteneurs EVP. C'est-à-dire, là aussi, la moitié des moyens actuels de l'armateur allemand. Selon la base de données spécialisée Alphaliner, les capacités réelles de Hapag-Lloyd sont néanmoins inférieures à celles affichées avec une capacité de seulement 1,9 million de conteneurs EVP pour 269 navires.

Quoi qu'il en soit, si Gemini Cooperation arrive bien à mobiliser cette capacité annoncée de 3,4 millions de conteneurs, cela représenterait l'équivalent du quatrième rang des armateurs mondiaux. Il se situerait ainsi entre CMA CGM (propriétaire de La Tribune) (3,6 millions d'EVP selon Alphaliner) et Cosco (3,1 millions d'EVP).

Son futur réseau comprendra 58 lignes, dont 26 majeures, avec plus de 6.000 combinaisons possibles entre différents ports. Il sera ainsi positionné sur les grands axes maritimes : l'Asie depuis/vers l'Europe, l'Amérique du Nord et le Moyen-Orient, ainsi que l'Europe depuis/vers l'Amérique du Nord, le Moyen-Orient et l'Inde.

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Des alliances qui ne manquent pas d'atouts

Conséquence de ce nouvel accord, l'alliance 2M va prendre fin en janvier 2025, après 10 ans. C'était certes la durée prévue initialement pour cet accord, mais Maersk et MSC avaient signifié dès janvier 2023 leur volonté de ne pas proroger leur partenariat. Ce qui a laissé la porte ouverte à de nouvelles stratégies.

Au contraire de ce qui se présente avec Hapag-Lloyd, la philosophie de Maersk n'était pas forcément alignée avec celle de son futur ex-partenaire, MSC étant lancé pour sa part dans une course à la capacité. De 3,6 millions de conteneurs EVP en 2019, l'armateur exploite désormais 2 millions d'EVP en plus. Il est ainsi passé numéro un mondial, supplantant Maersk. Comme le signalait le Financial Times il y a quelques mois dans un article pointant les divergences stratégiques de Maersk et MSC, le directeur général de l'armateur danois, Vincent Clerc, avait souligné lors d'une interview que son groupe « avait besoin de reprendre le contrôle ».

Le groupe a également affiché des volontés de diversification avec le développement d'une approche multimodale vers d'autres moyens de transports, routiers et aériens, ou encore la mise en place de solutions d'entreposage, comme le signale Maria Lee de Sia Partners. L'objectif est de réaliser la moitié de son chiffre d'affaires hors du maritime d'ici 10 ans.

Le divorce entre MSC et Maersk va être scruté de près, notamment sur le partage des clients que les deux armateurs partageaient jusque-là. Maersk promet sur son site Internet « une transition en douceur vers le nouveau réseau [...] soigneusement planifiée [...] aussi simple et aisée que possible pour (ses) clients ».

Hapag-Lloyd quittera également en janvier 2025 « THE Alliance ». Pour rappel, cette dernière avait été formée en 2016 avec des armateurs asiatiques.

Avec ces renversements, c'est une autre alliance, baptisée « Ocean Alliance », qui devrait prendre la première place mondiale. Créée en 2017 pour une durée de dix ans, elle regroupe CMA CGM, COSCO Shipping, OOCL et Evergreen.

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Si les armateurs scellent entre eux de tels partenariats, c'est parce que ces coopérations présentent plusieurs avantages. Elles « permettent une meilleure compétitivité et une meilleure offre de service tout en laissant aux compagnies une indépendance d'action », explique sur son site internet le commissionnaire de transport, Qualitair&Sea. Selon lui, les alliances maritimes ont notamment contribué à réduire les coûts d'exploitation. De fait, elles ont permis une utilisation de ressources partagées, et donc, des économies d'échelle, d'optimiser les espaces à bord des navires ou encore de proposer un réseau d'expédition mondial plus complet.

Le transport maritime en galère

Cette annonce intervient alors que le commerce maritime international est à la peine, en ce début d'année 2024. Et ce, notamment, en raison des tensions en mer Rouge - à proximité du Canal de Suez -, où transite 12% du trafic maritime mondial. Depuis novembre dernier, des rebelles yéménites, les Houthis, y ont lancé une vingtaine d'attaques contre des navires marchands, qu'ils soupçonnent d'être liés à Israël. Des attaques perpétrées en solidarité avec les Palestiniens, confrontés à la guerre entre Israël et le Hamas, dans la bande de Gaza.

En riposte, les États-Unis et le Royaume-Uni ont ciblé le week-end dernier plus de 30 sites militaires tenus par la milice. Celle-ci a répliqué en début de semaine, en tirant un missile contre un cargo américain, sans faire de blessés ni de dégâts majeurs. Ce mardi, c'est un vraquier grec qui a été touché par un missile des rebelles.

Suite à la répétition de ces attaques, il est recommandé aux navires marchands d'arrêter leur signal AIS (Automatic identification system). Pour rappel, il permet leur localisation en temps réel, ou à défaut, d'émettre le minimum d'informations possible. Mais aussi d'éviter ces eaux en détournant le transit par le cap de Bonne-Espérance, à la pointe sud du continent africain, pour relier l'Europe à l'Asie. Or, cette décision allonge considérablement les trajets, et donc les délais d'acheminement, et augmente les tarifs du fret maritime.

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Force est de constater que c'est pourtant la décision prise par de nombreuses grandes compagnies maritimes et pétrolières, dont Maersk et Hapag-Lloyd. Le groupe de réflexion américain Soufan Center recensait le 10 janvier dernier « au moins 18 transporteurs maritime d'importance ayant choisi d'éviter la mer Rouge ». Et depuis, les annonces de ce type se sont multipliées faisant encore grimper ce chiffre.

Parmi eux, le Danois Torm depuis la fin de semaine dernière. Ce mardi, c'était le géant britannique pétrolier Shell qui le faisait savoir. Et ce mercredi, les trois principaux transporteurs maritimes japonais, Nippon Yusen, Mitsui OSK Lines et Kawasaki Kisen.

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Commentaire 1
à écrit le 18/01/2024 à 7:49
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L'économie mammouth, notons comme ils n'ont absolument rien à faire de la dépollution pourtant indispensable de leurs pachydermes, de leurs aberrations grotesques qui font 75000 tonnes imposant de ce fait 90000 chevaux. Vraiment à l'image de notre é...

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