« Pegasus est la compagnie aérienne la plus rentable du monde » (Güliz Öztürk, DG de la compagnie low-cost turque)

ENTRETIEN. Dans l'ombre de Turkish Airlines, la compagnie low cost Pegasus Airlines cartonne avec le retour du trafic et une marge opérationnelle (34,1% en 2022) à faire pâlir les dirigeants de Ryanair. Rencontrée en juin, Güliz Öztürk, directrice générale de Pegasus Airlines, revient pour La Tribune sur les raisons de cette réussite et expose ses plans et ses ambitions pour les prochaines années : poursuivre la croissance, développer le réseau, occuper le terrain dans l'aéroport géant d'Istanbul... et commander de nouveaux avions.
Léo Barnier
En 2022, Pegasus Airlines, dirigée par Güliz Öztürk, a affiché une rentabilité opérationnelle de plus de 34 %
En 2022, Pegasus Airlines, dirigée par Güliz Öztürk, a affiché une rentabilité opérationnelle de plus de 34 % (Crédits : Pegasus Airlines)

LA TRIBUNE - Lorsque vous avez publié vos résultats annuels, vous avez indiqué que vous visiez une croissance de 20 % de votre trafic en 2023. Où en êtes-vous ?

GÜLIZ ÖZTÜRK - L'an dernier, nous avons atteint 27 millions de passagers. Sur le plan international, nous avons enregistré une croissance d'environ 12 % par rapport à la dernière année normale, à savoir 2019. Si vous regardez du côté de la rentabilité opérationnelle, nous avons été la compagnie aérienne la plus performante au monde avec une marge d'EBITDA (bénéfices avant impôts, intérêts, dépréciation et amortissement) de 34,1 %. Nous avions le coût au siège-kilomètre (CASK) le plus bas avec 2,18 centimes d'euros par siège par kilomètre en 2022. Nous avons donc réalisé de bonnes performances. Et cette année, nous recevons 16 avions de plus. Il s'agit d'une croissance d'environ 20 % en termes de capacité. Nous terminerons l'année avec 103 avions. Et nous fêterons notre 100e avion cette année, à l'occasion du 100e anniversaire de la République de Turquie.

Avec cette nouvelle croissance que vous prévoyez pour cette année, allez-vous essayer de maintenir votre impressionnante marge d'EBITDA?

Exactement. Notre objectif est de faire partie du groupe de compagnies qui atteigne, voire dépasse, les 30 %. Nous serons peut-être les seuls, car en 2022 personne n'a  réussi à atteindre une telle performance.

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Êtes-vous limité par la capacité d'Airbus à livrer de nouveaux avions dans votre plan de développement ?

Vous faites les plans en fonction de la planification de votre flotte. Nous savions que nous allions recevoir ce nombre d'avions il y a un an. Nous n'avons annulé aucune de nos commandes et nous avons continué à recevoir des avions, même pendant les périodes COVID, dont 18 l'an dernier.

C'est donc en fonction de cela que vous planifiez votre capacité. Mais cette année, par exemple, nous louons deux avions pendant les périodes estivales pour le trafic de loisirs, car la demande est très forte à Antalya.

S'il était possible de recevoir plus d'avions - ce qui n'est pas le cas avec les fortes contraintes qui pèsent sur la remontée en cadence - souhaiteriez-vous accélérer vos livraisons ?

Oui, la demande existe, pour les loisirs, les vols dits « visit friends and relatives » (visites d'amis et de parents) et le trafic domestique. L'aviation turque est forte et la Turquie est une destination attrayante et populaire, avec la mer et le sable, l'histoire et la culture. Il y a donc de la place pour la croissance.

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Vous réfléchissez actuellement à passer une nouvelle commande pour appuyer votre développement. Avez-vous déjà détaillé vos besoins ?

Pour l'instant, nous travaillons sur les perspectives. Il n'y a donc pas encore de chiffres, ni de plan détaillé. Nous avons commandé une centaine d'Airbus de la famille A320 NEO en 2012, avec une première livraison en 2016, puis 14 A321 au cours de l'épidémie de COVID. Le total de nos commandes s'élève donc à 114 avions à ce jour et nous recevrons 42 appareils supplémentaires d'ici la fin de 2025, tous des Airbus A321.

Lorsque vous regardez le paysage aéroportuaire, la capacité va augmenter. La deuxième piste de l'aéroport d'Istanbul sera ouverte en juillet de cette année et l'exploitation en double piste commencera à partir de l'été 2024. La construction d'un deuxième terminal est également en projet qui doit s'achever en 2026. Notre principal hub est en pleine croissance tout comme Antalya, notre base secondaire, qui se développe avec la hausse du trafic loisirs vers la Turquie. Toute cette croissance est alimentée par des avions. C'est pourquoi, nous aurons une nouvelle commande au-delà de 2027 - 2028. C'est certain.

Savez-vous déjà où vous allez baser les 42 avions qui doivent arriver dans les deux ans ?

Notre principal hub est Istanbul. Nous utiliserons donc nos ressources au maximum à Istanbul. L'aéroport est coordonné en matière de créneaux horaires : lorsque vous demandez un créneau, il faut l'exploiter sous peine de le perdre. Et avec l'extension, la capacité va doubler et lorsqu'elle sera disponible, nous l'utiliserons au maximum. Et puis, si nous avons encore de la capacité, Antalya se développera également, ou encore Izmir.

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En termes de réseau, quel serait votre développement ?

Si l'on considère le rayon d'action de notre flotte dans les 6 heures, il y a 60 à 70 pays à desservir. Pour l'instant, nous ne desservons que 47 pays et 97 destinations, ce qui nous laisse une marge de croissance vers 20 pays et 500 destinations supplémentaires.

Les zones stratégiques à développer sont le Moyen-Orient, les pays de la CEI (Communauté des Etats indépendants, principalement situés en Asie centrale, NDLR), l'Afrique du Nord avec de nouvelles destinations, et aussi plus de fréquences en Europe où nous disposons d'un réseau plus étendu. Nous avons également des activités de correspondance. Nous transportons des passagers de l'Europe vers le Moyen-Orient, du Moyen-Orient vers l'Europe, du Moyen-Orient vers les pays de la CEI. Environ 31% de notre trafic international est en connexion.

Développer vos connexions est-il pertinent avec votre modèle low cost, qui requiert de la flexibilité et de l'agilité ?

Non, ce ne l'est pas. Notre priorité est la ponctualité et l'utilisation des avions. L'an dernier, notre taux d'utilisation était de 12,3 heures par jour, soit l'un des plus élevés parmi les exploitants d'avions monocouloirs. Ce sont des lignes rouges : s'il y a un impact sur notre utilisation ou la ponctualité, alors la connectivité est un élément secondaire. Ce n'est donc pas notre premier objectif, mais c'est un catalyseur, un moyen d'augmenter le trafic.

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Certains pays, comme l'Espagne, ne sont pas vraiment développés dans votre réseau pour le moment. Pourquoi ?

C'est une question de droits de trafic. Nous avons des accords très libéraux avec la plupart des pays comme l'Allemagne, par exemple. Mais avec certains pays, il y a soit des quotas de fréquence, soit les transporteurs de ces pays ne volent pas ou peu vers la Turquie.

Nous voulons voler davantage en Espagne, avec de nouvelles destinations de et vers l'Espagne, et plus de fréquences. Cependant, les accords de transport aérien entre les deux pays comportent une limitation et nous discutons avec les autorités de l'aviation civile pour que le quota de fréquences soit amélioré afin que nous puissions voler davantage. Nous voulons aussi voler davantage vers la France, l'Italie ou le Royaume-Uni. Ce sont les pays où nous aurons le plus d'opportunités.

Volez-vous toujours vers la Russie ?

Nous volons actuellement vers deux destinations en Russie, Moscou et Saint-Pétersbourg, à partir d'Istanbul et d'Antalya. Avant la guerre, nous avions six destinations en Russie. Ce n'est qu'une toute petite partie de notre trafic international total. Pour l'Ukraine, où nous avions six destinations, nos vols se sont bien sûr arrêtés et nous avons utilisé cette capacité pour desservir davantage de destinations au Moyen-Orient et en Europe.

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 L'interdiction de vol de l'Ukraine complique-t-elle vos opérations ?

Certains vols sont donc plus longs maintenant, mais nous pouvons voler vers l'Europe par le sud, il n'y a pas de problème. Le vrai problème, c'est qu'avec la fermeture de l'espace aérien ukrainien, l'espace aérien à utiliser pour toutes les compagnies aériennes est maintenant réduit, ce qui impacte notre ponctualité et celle de nombreuses compagnies aériennes.

Avez-vous davantage de passagers turcs ou internationaux ?

80% de nos opérations sont des opérations internationales et sur ces opérations internationales, environ 78 - 80% des ventes proviennent de pays étrangers. Une petite partie est donc vendue en Turquie, le reste est vendu à l'étranger. Le trafic entrant en Turquie alimente donc nos opérations.

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Le tremblement de terre a-t-il eu un impact sur vos opérations et vos projections pour cette année ou à plus long terme ?

Non, il n'a pas eu d'impact sur les projections futures. Mais je dois dire que les ventes ont ralenti pendant les trois premières semaines qui ont suivi le tremblement de terre du 6 février. Mais au début du mois de mars, elles ont repris leur cours normal. Nous ne voyons ni ne prévoyons donc aucun impact à l'avenir, que ce soit pendant l'été ou à plus long terme.

Léo Barnier

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Commentaires 3
à écrit le 12/07/2023 à 13:10
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Pegasus est donc la compagnie qui exploite le plus ses salariés ou gruge le plus ses clients. Merci de nous tenir informés. Cordialement,

le 13/07/2023 à 10:39
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Avec un salaire médian en turquie a 360 € ils peuvent être "bien payés" et être 3 fois en dessous des salaires européens même ceux de ryanair. Ca aide.

à écrit le 12/07/2023 à 7:25
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L'économie adorée des dinosaures. Pauvres bêtes... mais ils n'ont pas disparu il y a plusieurs millions d'années ?

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