Akbar Al Baker, le boss de Qatar Airways, joue la gagne au salon du Bourget

Parmi les acteurs de l'aérien, la parole d'Akbar Al Baker passe rarement inaperçue. Le salon du Bourget est donc l'occasion pour lui de faire le point sur les sujets en cours, ou tout juste achevés comme l'homérique affrontement avec Airbus qui semble désormais avoir laissé la place à un accord « gagnant-gagnant ». Le patron de Qatar Airways est aussi revenu sur les grands sujets du moment, à savoir la décarbonation, les difficultés de la chaîne d'approvisionnement industrielle, la bulle du fret ou encore la nouvelle concurrence des compagnies saoudiennes.
Léo Barnier
Akbar Al Baker s'est montré sur de ses forces au salon du Bourget.
Akbar Al Baker s'est montré sur de ses forces au salon du Bourget. (Crédits : AXEL SCHMIDT)

C'est tout un symbole. Alors que Qatar Airways et Airbus étaient en guerre ouverte il y a encore quelques mois, les deux partenaires convolent à nouveau comme l'a expliqué Akbar Al Baker, directeur général de la compagnie qatarie, interrogé lors du salon du Bourget. Au point pour ce dernier d'amener rien de moins que l'un des ses A350-1000 sur l'exposition statique du grand show aéronautique qui a débuté ce lundi. Le long-courrier d'Airbus était pourtant à l'origine du litige.

Tout va bien (mieux) avec Airbus

Après s'être déchirés pendant 18 mois, allant jusqu'à porter leur différend devant la Haute Cour de justice de Londres, Airbus et Qatar Airways ont fini par trouver un accord en février dernier pour régler « à l'amiable » leur contentieux, sans reconnaissance de responsabilité de part et d'autre, et ont abandonné les procédures juridiques qu'ils avaient lancées mutuellement. A ce sujet, Akbar Al Baker a déclaré ce lundi que « les deux parties ont été gagnantes. Nous sommes satisfaits de l'accord que nous avons conclu avec nous. Et ils sont satisfaits de l'accord qu'ils ont conclu avec nous. »

Il n'a pas dévoilé pour autant les termes de l'accord trouvé, se contentant d'indiquer que « Airbus est un fournisseur important pour moi et nous sommes un client important pour eux. Nous devions donc tracer une limite quelque part. » Ce qui est sûr, c'est que les négociations ont dû être ardues tant l'affaire avait pris de l'ampleur : confrontée à des problèmes de revêtement sur ses A350, Qatar Airways avait estimé que cela impactait la sécurité et cloué une partie de sa flotte au sol. Dès lors, elle réclamait une indemnisation 200.000 dollars par avion par jour d'immobilisation, soit un total d'environ 2,5 milliards de dollars sur la durée du litige. En représailles, Airbus avait annulé les 23 A350 qu'il devait encore livrer à Qatar Airways ainsi qu'une commande de 50 monocouloirs A321 NEO. Une décision inédite dans l'histoire du transport aérien.

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Le carnet de commandes s'est remplumé

Le fait est que toutes les commandes ont été réintégrées dans le carnet d'Airbus et Akbar Al Baker affirme qu'il a pu conserver ses créneaux de livraison - ce qui est crucial tant la demande pour les A321 NEO est forte actuellement - si ce n'est le décalage dû aux problèmes de supply chain. La réparation et la remise en service des A350 concernés ont également débuté, mais un peu moins de la moitié des appareils a été remise en service pour l'instant. Interrogé par La Tribune sur la durabilité de ces réparations, le patron de Qatar Airways s'est contenté de répondre : « Je pense que c'est une bonne solution pour les deux parties. » Il faut dire qu'entre la reprise forte de la demande et les retards successifs du 777X de Boeing, la compagnie avait besoin de retrouver des capacités long-courriers rapidement.

Également questionné sur le destin des 25 Boeing 737 MAX 10 achetés peu après l'annulation des A321 NEO, Akbar Al Baker a affirmé que ces appareils n'avaient jamais été commandés pour Qatar Airways à l'origine mais pour sa société de leasing. Il a reconnu en revanche que ces avions avaient été par la suite affectés à sa compagnie « compte tenu de la situation avec Airbus ». D'ailleurs, les premiers exemplaires, qui arriveront l'an prochain (à condition que Boeing réussisse à enfin certifier l'avion), seront utilisés par Qatar Airways le temps que les premiers A321 NEO arrivent deux ans plus tard.

Sur la question de la décarbonation, où ses déclarations tranchent habituellement avec la tendance générale, Akbar Al Baker a déclaré : « Nous sommes tout à fait en faveur d'une croissance durable de l'aviation. Mais nous devons aussi être honnêtes avec nous-mêmes. Nous ne savons toujours pas si les compagnies pétrolières seront en mesure de produire les SAF dans les volumes dont nous aurions besoin d'ici 2030 et 2050. Je ne vois personne qui s'engage à produire de tels volumes. » Il a ensuite rappelé que l'aviation ne représentait que 2,6 % des émissions de CO2, estimant qu'elle ne devait pas être la seule au centre de l'attention quand les secteurs maritime ou énergétique passent sous les radars.

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Al Baker est confiant dans ses forces

Face à la forte reprise des commandes, voire la flambée dans certaines régions du monde au vu de la multiplication des méga-contrats, et aux tensions sur la supply chain, Akbar Al Baker s'est d'abord montré évasif, considérant qu'il doit attendre de voir comment l'ensemble du secteur évolue avant de pouvoir en parler, avant de reconnaître qu'il y a un véritable problème de main d'œuvre avec « Airbus, Boeing et le reste de l'industrie (qui) sont en fort manque de capacités d'expertise depuis la pandémie » en raison des nombreux départs.

Il s'est tout de même voulu serein sur les éventuels impacts pour sa flotte : « Nous avons déjà d'importantes commandes auprès de Boeing et d'Airbus qui vont nous être livrées. Nous avons le temps d'attendre. » De même, il a jugé avoir mieux géré son parc d'avions que certaines compagnies qui ont retiré un grand nombre d'appareils. Qatar Airways a ainsi continué à voler pendant toute la pandémie, en s'appuyant notamment sur l'activité fret, ce qui lui a permis de capturer des parts de marché.

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Vers une bulle du fret ?

En ce qui concerne le fret, Akbar Al Baker s'est voulu là aussi confiant dans la résilience du marché malgré une nette dégradation depuis plusieurs mois. « Je continue de penser que la demande de fret n'est pas aussi faible qu'il n'y paraît. Il y a plus d'avions qui volent et donc plus de capacité disponible, d'où une pression à la baisse sur les yields. Mais encore une fois, c'est votre stratégie de déploiement de votre capacité de fret qui compte et qui fait que vous serez les gagnants », a-t-il déclaré.

Pourtant, le patron de Qatar Airways voit bien une bulle se dessiner dans le fret avec le flot de commandes pour des avions fret passées par les compagnies ces dernières années. Il estime que ce sont les opérateurs qui ont opté pour des avions de passagers convertis qui vont le plus souffrir : « Il y aura un grand déclin pour les avions inefficaces convertis en avions de fret. La capacité n'est jamais la même que si vous achetiez un avion cargo. Deuxièmement, l'efficacité énergétique n'est pas au rendez-vous. Vous utilisez donc des avions lourds, avec une charge utile moindre et un coût plus élevé. Les gens vont se rendre compte qu'il s'agit là d'un très mauvais investissement. »

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Visite surprise de Benjamin Smith

Enfin Akbar Al Baker a montré une certaine quiétude face à la recrudescence de la concurrence au Moyen-Orient, ne voyant pas de piège venir dans la montée en puissance des compagnies d'Etat saoudiennes Saudia et Riyadh Air. « Bien sûr, nous devrons être plus vigilants. Mais toute nouvelle compagnie aérienne qui arrive a besoin d'au moins dix ans pour s'établir. Il nous a fallu entre dix et quinze ans pour y arriver. Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain », a-t-il affirmé.

Cette entrevue avec quelques journalistes s'est achevée un peu précipitamment avec l'arrivée d'un invité surprise : Benjamin Smith, directeur général d'Air France-KLM, venu rendre visite à Akbar Al Baker sur son chalet. Peut-être pour parler des ambitions dévorantes de Turkish Airlines, qui va commander 600 avions. Le patron du groupe français n'avait pas hésité à cibler la compagnie turque lors du Paris Air Forum. Et il s'agit là d'une compagnie bien plus établie que ses homologues saoudiennes.

Léo Barnier

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Commentaires 2
à écrit le 20/06/2023 à 16:59
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Je préfère notre Benureau (Didier) à nous. 🤣🤪

à écrit le 20/06/2023 à 9:59
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Facile de jouer la gagne quand on a un énorme compte en banque dans un monde gouverné par l'argent pour l'argent, même Pierre 5 ans et demi serait en mesure de le faire même si les enfants ont une sagesse que les mégas riches n'ont pas pouvant au moi...

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