Benjamin Smith, le patron d'Air France-KLM, pointe la menace de Turkish Airlines

A l'occasion du Paris Air Forum, Ben Smith, le directeur général d’Air France-KLM a déroulé la stratégie du groupe pour penser l’après-Covid. Répondant aux accusations de « greenwashing  », il a dirigé quelques piques à l'encontre de ses concurrents, non plus contre les compagnies du Golfe comme le faisaient ses prédécesseurs, mais contre Turkish Airlines. Par ailleurs, sans donner de chiffres précis ni rien annoncer de définitif, le directeur général d'Air France KLM a notamment affirmé qu'il regardait du côté de l'A350-1000, ainsi que des Boeing 777X et 787-9.
Benjamin Smith, directeur général d'Air France-KLM
Benjamin Smith, directeur général d'Air France-KLM (Crédits : GONZALO FUENTES)

Après l'accalmie du Covid, l'été 2022 a été quelque peu chaotique pour le secteur de l'aviation, entre vols retardés, voire annulés, files d'attente interminables et bagages perdus. Mais alors que l'été 2023 se rapproche, Benjamin Smith, directeur général d'Air France-KLM, se veut serein.

« Après deux années difficiles, nous avons renoué l'été dernier avec de grosses fréquentations, en particulier sur les vols transatlantiques. Seulement, rappelons que nous avons perdu beaucoup d'argent en 2021, et que de nombreuses compagnies, y compris la nôtre, n'étaient donc pas prêtes à 100% pour faire face à cette situation. Beaucoup de compagnies manquaient de personnel, ce qui a créé des problèmes dans la gestion des bagages, notamment. Cette année, nous sommes mieux préparés. Chez Air France, nous avons désormais plus de capacités qu'en 2019. »

Le fret aérien : une opportunité à long terme ?

D'autant que la pandémie a également été l'occasion pour l'entreprise de voir certains nouveaux modèles d'affaires retrouver du poil de la nête, comme le fret aérien en déliquescence depuis une quinzaine d'années. Si la capacité du groupe en matière d'avions cargos est aujourd'hui retombée par rapport au pic de la pandémie, elle reste néanmoins supérieure à 2019, et Benjamin Smith y voit même une opportunité stratégique de venir suppléer un marché du fret maritime très engorgé.

« L'accès à certains ports pose aujourd'hui un vrai défi, par exemple au niveau du canal de Suez ou encore à Los Angeles : il faut parfois deux ou trois semaines pour y accéder. Le fret aérien comporte dans ce contexte des avantages certains. »

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Le Brésil en ligne de mire

Pour faire face à la hausse de la demande, notamment celle émanant de pays en développement où la classe moyenne devient de plus en plus nombreuse, et remplacer ses modèles les plus anciens, le groupe, qui avait déjà maintenu ses commandes d'avions neufs durant la pandémie, envisage d'acheter de nouveaux modèles long-courriers. Sans donner de chiffres précis ni rien annoncer de définitif, le directeur général d'Air France KLM a notamment affirmé qu'il regardait du côté de l'A350-1000, ainsi que des Boeing 777X et 787-9.

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Autre grosse actualité pour l'alliance franco-néerlandaise : le rachat potentiel de TAP Air Portugal, qui a récemment fait couler beaucoup d'encre. Une acquisition notamment motivée, selon Benjamin Smith, par les liaisons que la compagnie portugaise assure avec le Brésil. « Le marché transatlantique est le plus rentable de tous pour les constructeurs européens. Or, TAP Air Portugal possède une très forte présence au Brésil, qui est notre cible numéro 1 en Amérique du Sud », a commenté le dirigeant,  sans donner davantage de détails sur l'éventuel rachat de l'opérateur portugais. De son côté, Carsten Spohr, le président du directoire de Lufthansa, l'autre postulant à ,  a déclaré dimanche prématuré toute discussion sur un éventuel intérêt du groupe de transport aérien allemand pour une reprise de TAP, estimant que Lisbonne réfléchit encore à la privatisation de la compagnie portugaise.

Le formidable défi du verdissement

Malgré sa volonté d'accroître ses capacités pour répondre à la demande, Benjamin Smith s'est dit confiant quant à la capacité de l'industrie à atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050, tout en suggérant que la balle était aussi dans le camp des pouvoirs publics. « On a la technologie. Maintenant, on regarde ce qui se passe aux États-Unis et dans d'autres juridictions, et on voudrait que la France fasse de même », a-t-il affirmé, visiblement en référence à l'Inflation Reduction Act, qui s'appuie sur des crédits d'impôt pour aider les industriels à financer la transition énergétique aux États-Unis.

Le dirigeant a également souligné que de nouveaux appareils permettaient déjà de réduire les émissions de CO2 de 50%, tout en concédant qu'aller jusqu'à 100% restait pour l'heure un défi immense.

Questionné sur les accusations de « greenwashing » à l'encontre de son industrie, Benjamin Smith, tout en affirmant que les compagnies aériennes constituaient une « cible facile », a reconnu des maladresses en matière de communication. « Les outils de marketing ont été mal positionnés, on a voulu s'assurer que nos clients étaient conscients de nos engagements, c'est nouveau pour nous et il faut qu'on apprenne comment faire tout cela. »

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Il a toutefois rejeté toute logique décroissante et affirmé que le verdissement de l'industrie passerait forcément par la technologie. « Nous sommes une compagnie aérienne, la chose la plus responsable pour nous, c'est d'être meilleurs et plus rapides que nos concurrents. Nous voulons ouvrir la voie vers la durabilité, mais si nous ne sommes pas rentables, nous ne pouvons pas investir dans les nouvelles technologies. La demande monte, les gens veulent voyager. Dans une économie mondiale, de nombreuses personnes ont des amis et de la famille partout sur la planète, mais ce sont les voyages d'affaires qui sont toujours les plus importants, et je ne pense pas que c'est quelque chose qui va s'arrêter, cela apporte une énorme valeur à l'économie. »

Le péril turc

Benjamin Smith a également dirigé quelques flèches contre Turkish Airlines, dont les grandes ambitions, illustrées par une récente commande gigantesque de 600 avions (soit environ trois fois la flotte exploitée aujourd'hui par Air France), suscitent des inquiétudes au sein du groupe franco-néerlandais. Le dirigeant n'a pas mâché ses paroles, accusant à mots couverts le groupe rival de concurrence déloyale.

« Cette grosse commande pose un risque pour notre position sur certains marchés. Nous sommes face à un concurrent qui dispose d'avantages que nous n'avons pas, il bénéficie d'un soutien du gouvernement en Turquie, avec l'accès à certains aéroports avec une certaine flexibilité, des questions de coûts qui sont différents, des taux qui sont inférieurs par rapport à l'Europe... Nous ne sommes donc pas à égalité, et nous nous efforçons de faire du lobbying pour l'être. Sachant qu'il y a des accords bilatéraux entre l'Europe et la Turquie, mais aussi entre la France et la Turquie. »

Pour rappel, Turkish ne comptait que 215 avions il y a à peine 10 ans. Un danger pour les compagnies européennes. A seulement trois heures de vol de la France, Turkish peut en effet alimenter son hub à moindre frais, non pas avec des avions long-courriers, comme le font les compagnies du Golfe, mais avec des appareils de la famille A320 ou 737, moins chers. Lesquels couvrent aujourd'hui la plus grande partie des destinations internationales de la compagnie. Surtout, disposant d'accords de ciel ouvert avec un grand nombre de pays européens, la compagnie turque propose au départ d'Istanbul d'un réseau en Europe autrement plus conséquent que celui des transporteurs du Golfe au départ de leur hub respectif. Un atout de taille pour capter la clientèle asiatique voulant se rendre en Europe ou en Afrique.

Par ailleurs la conjoncture lui est favorable. La chute de la livre turque fait baisser les coûts de main d'oeuvre de Turkish Airlines au moment même où les coûts des compagnies européennes vont augmenter avec la fin progressive des quotas de CO2 gratuits dans le cadre du système d'échanges de quotas d'émissions européen auquel ne participe pas Turkish Airlines. Egalement présente au Paris Air Forum, la directrice générale d'Air France, Anne Rigail a elle aussi cité la compagnie turque pour évoquer les problèmes de concurrence.

« Lorsqu'on se projette en 2030, avec un mandat d'intégration de 10%, le surcoût pour un aller-retour Nice-Singapour en classe économique est de 110 euros, a expliqué la directrice générale à l'auditoire. Certains clients pourraient préférer partir par  Turkish via Istambul, parce que là le surcoût sera de l'ordre zéro, ou un petit peu plus de zéro. Donc on a un vrai enjeu de ne pas raisonner aux bornes de l'Hexagone, ni aux bornes de l'Europe », a insisté la directrice générale d'Air France.

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Commentaires 29
à écrit le 27/10/2023 à 13:08
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Personnellement je voyage depuis une dizaine d'années avec Turkish Airlines. Pour un vol AR Marseille Hanoï début décembre j'ai payé mon billet en classe affaires 2590€ avec TA là où la meilleure offre AF était de 3350€ et en prime vol TA dans un Ai...

à écrit le 15/10/2023 à 13:18
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Pas mal la brosse à reluire pour le patron de AFmais. À ce jour Turkish Airlines est aussi cher que les compagnies du Golfe. Les "défauts" de AF tout le monde les connait , prix, services, équipages, retards ect. Durant 13 ans j'ai été "obligé"! d...

à écrit le 05/10/2023 à 20:12
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Personnellement je boycotte Air France et n’utilise plus que Turkish airlines , De Marseille 3 heures de vol pour Istanbul puis le monde entier avec un très bon service et rapport qualité prix super compétitif

à écrit le 18/06/2023 à 17:31
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Malheureusement Air France n'est plus la grande compagnie qu'elle était, à commencer par la sûreté de ses vols : elle est dégringolée dans le classement et est désormais bien loin du top ten des compagnies sûres ! Alors que paradoxalement elle a le ...

à écrit le 18/06/2023 à 12:55
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Et oui les européens n’ aiment pas la concurrence de Turkish. Je boycotte Air France depuis 45 ans, tout le monde sait pourquoi…. Et puis ce n’ est pas seulement une question de 100 euros de plus sur un billet d’ avion. Qui est passé par Istanbul ven...

le 18/06/2023 à 14:03
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Boycott depuis 45 ans ! Vous avez la rancune tenace. Pour vous rassurer, AF a un peu changé depuis 1978…. Tous les avions et tous les personnels que vous avez connus ont été remplacés. Alors, vous attend 😜

le 05/10/2023 à 20:16
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100% d’accord avec vous .Je fais des Marseille Haneda régulièrement par Istanbul et suis entièrement satisfait.La France en taxant , taxant , taxant se tire un balle . Pays à fuir d’urgence.

à écrit le 18/06/2023 à 12:03
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Air France (sa direction, en grande partie ses pilotes, son PNC) est pro-boeing depuis le 707. Ça, c'est un problème en long courrier : 35 a330 / a350 60 b777 et 20 b787 Certes beaucoup d'Airbus en moyen courrier. Mais on retrouve les 737 pour Tra...

le 18/06/2023 à 14:37
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Avant de qualifier de "culturel" les choix d'achat d'avion, essayez de vous renseigner. Vous seriez très surpris de la non pertinence de votre qualificatif. Ils sont bien plus pragmatiques; et répondent à des besoins en rapport avec le marché visé; t...

à écrit le 17/06/2023 à 23:30
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Voyageur fréquent, je trouve qu'il est nettement plus agréable de voyager sur Turkish Airlines que sur Air France. Par ailleurs, l'aéroport d'İstanbul est vraiment pratique et agréable.... La France devrait elle enfin se remettre en question ?

à écrit le 17/06/2023 à 18:50
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Ce Monsieur a raison d'être inquiet. Personnellement je ne prends jamais les vols AIR FRANCE car souvent en grève. Idem pour les aéroports parisiens qui, pour un oui ou un non, posent problèmes. Ne parlons même pas de nos chers aiguilleurs du ciel !...

le 17/06/2023 à 22:19
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De quand date la dernière grève Air France ? 2018… 5 ans sans grève. Comme quoi avec un patron à la hauteur, les salariés n’ont pas à faire grève. Et si vous prenez une compagnie étrangère, vous vous taperez quand même les grèves des aéroports et...

le 18/06/2023 à 9:28
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Bizarre @lolo, les avions de Turkich airlines n'ont pas besoin des aiguilleurs du ciel français pour atterrir ... en France ? ...lol...sans o

à écrit le 17/06/2023 à 18:48
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Ce Monsieur a raison d'être inquiet. Personnellement je ne prend jamais les vols AIR FRANCE car souvent en grève. Idem pour les aéroports parisiens qui, pour un oui ou un non, posent problèmes. Ne parlons même pas de nos chers aiguilleurs du ciel ! ...

à écrit le 17/06/2023 à 11:49
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C est pour quand les A350 sur la Reunion,, car au prix ou sont les billets sur cette ligne les voyageurs le méritent amplement!!!!

le 18/06/2023 à 14:06
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Les A350 à 10 sièges de front comme french bee ? C’est ça qui vous manque ?

à écrit le 17/06/2023 à 11:49
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Plus jamais les aéroports Français, non seulement je prends la Turkich Airlines, mais je pars de Genève. L' accueil Suisse n'a rien à voir avec Charles de Gaulle ou Orly. Nous passons les contrôles au départ et à l'arrivée trois à quatres fois plus r...

le 17/06/2023 à 13:03
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Mais bien sur... et puis c'est pratique d'aller a Geneve,a moins que vous ne preniez l'avion qu'en reve

à écrit le 17/06/2023 à 10:55
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Avant de crier au loup il faudrait balayer devant sa porte. Personnellement je ne voyage jamais avec Air France à cause des grèves à répétition de cette compagnie et j'évite également les aéroports parisiens pour la même raison. Et ne parlons pas des...

à écrit le 17/06/2023 à 10:31
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Nous sommes des. clients réguliers sur la Turkich Airlines. Tarifs compétitifs un magnifique aéroport à Istanbul, un service impeccable. Nous continuerons bien entendu.

le 17/06/2023 à 10:57
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Je confirme

à écrit le 17/06/2023 à 8:20
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Faut-il encore que le personnel y compris les plus humbles puissent vivre de leur métier. Il y aurait de la grandeur que l'UE impose des critères sociaux, fiscaux et environnementaux pour ses échanges internationaux voire intraeuropéen, je pense aux ...

à écrit le 16/06/2023 à 21:40
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Il a toit à fait raison ; Turkish c’est des bons voir très bon. Dernièrement Bordeaux to Hong Kong via Istambul. 1. On évite Roissy ce qui est super 2. Bagages 50 kgs direct to Hong Kong 3. Istanbul aéroport génial ; lounge au top et énorme 4 A...

le 18/06/2023 à 14:20
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Là on sent l'expérience... Le "je": écoutez moi, pauvres de... pauvres. Ce sont EXACTEMENT les mêmes arguments que ceux employés il y a 10 ans pour passer par Dubaï... LOL

à écrit le 16/06/2023 à 20:15
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Comme ils ont tous les deux raison . Merci à Ben Smith et Anne Rigail !!!! L aérien c est leur job. Ils maîtrisent. Ils ont toute notre confiance et notre sympathie.

à écrit le 16/06/2023 à 19:18
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Il a raison et Heureusement que AF a sa chasse gardée les DOM COM . Sans concurrence étrangère AF se renfloue sur le dos des touristes et des Domiens, avec des avions à l’aménagement très limite et du personnel en fin de vie …. Il a raison de s’inqu...

le 17/06/2023 à 8:37
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Je ne savais pas que l'ancienne Ile de France était (encore) un DOM. Que n'écrirait-on pas pour justifier le voyage! Je ne connais ni Genève, ni Maurice, ni même la Réunion (j'ai pourtant les moyens de faire un tour du monde chaque mois). Il va fallo...

le 18/06/2023 à 14:13
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Réveillez vous ! Pour info, il n’y a plus de monopole sur les DROM COM depuis une quarantaine d’années au moins. Quant au personnel en fin de vie, j’ai 54 ans, je suis salarié d’AF et suis prêt à m’arrêter demain pour vous faire plaisir si vous me ga...

à écrit le 16/06/2023 à 18:10
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